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Armée de la Loire :

10janvir

A Ardenay, après une nuit de combat, l’infanterie du général Paris ne bat en retraite qu’à sept heures et demie du matin après avoir résisté aussi longtemps que possible. L’ennemi ne les poursuit pas et la division arrive, dans la matinée, sur le plateau d’Auvours. Elle a perdu 40 hommes tués dont deux officiers et 210 blessés dont 10 officiers.

Suivant les ordres du général en chef, la défense du Mans s’organise.

A deux heures du matin, le 2e bataillon du 39e de marche, sous les ordres du capitaine Sombret, se porte sur Parigné-l’Evêque et y entre à quatre heures et demie, sans rencontrer de résistance.

Le reste de la brigade, composée du 3e chasseurs à pied, ce qui reste du 39e de marche et du 75e mobiles, la légion des mobilisés de la Sarthe, une batterie de mitrailleuses (la 19e du 10e régiment) et une batterie de 4 (la 24e du 15e régiment), suivent. Mais la colonne est retardée par le mauvais état des chemins, très glissant pour les hommes et les chevaux et surtout pour l’artillerie qui n’arrive à Parigné, qu’à neuf heures du matin. Les mobiles du 75e (Loir-et-Cher et Maine-et-Loire sont partis sac à dos, à deux heures du matin, sans bruit (bidons et batteries de cuisine attachés). Ils ne sont pas tous là. Beaucoup ont cherché un abri pour dormir. Le sergent Lebatard, poste de grand’garde, reste sur place jusqu’au jour pour les attendre. Presque deux cents hommes arrivent, de toutes les compagnies, pour rejoindre le bataillon. Au bas de la côte de Parigné, il est impossible d’avancer. Les prussiens à gauche de la route et les français à droite, sont en train de se canarde. Ils rejoignent alors les hommes des mobilisés du Maine-et-Loire et engagent le combat avec eux. Ces derniers sont des troupes toutes fraiches, peu aguerries au combat, contrairement aux mobiles du 75e. Ces derniers prennent donc la ligne la plus avancée des tirailleurs et ouvrent le feu sur le flanc de l’ennemi. Dès qu’ils le peuvent, ils rejoignent ensuite leurs compagnies.

Profitant de la neige qui tombe à gros flocon et gène la visibilité, les allemands s’avancent sur le village et s’établissent dans une ferme, sur la gauche, et dans le bois. A peine arrivé, le 3e chasseur est reçu par le feu nourri de l’ennemi, mais il résiste, pendant que les tirailleurs du 39e et ceux du 75e mobile protègent la colonne. Il faut longtemps avant que deux pièces d’artillerie soient installées en haut du village, mais une fois fait, leur feu arrête un instant deux fortes colonnes ennemies qui apparaissent par la route du Grand-Lucé. Elles tirent également sur deux batteries allemandes installées à l’ouest et au nord-ouest du village. Dans le même temps, le capitaine Delahaye amène ses mitrailleuses entre les premières maisons et ouvre le feu sur les tirailleurs embusqués dans les bois, à l’est et sur des batteries ennemies qu’il oblige à changer de place à plusieurs reprises.

Au 75e mobiles, le capitaine Odon de Meckenheim, l’ami de nos blessés de Janville, dirige debout le feu du second bataillon. Il est tué d’une balle en pleine poitrine. Son frère a été blessé à Loigny, ses trois autres frères servent dans l’armée. La nouvelle de sa mort parviendra à Janville.

Vers onze heures, les troupes du général de Jouffroy apparaissent, venant du Grand-Lucé. C’est le 70e mobile (Lot) amenant deux mitrailleuses et quatre pièces de 4 et avance jusqu’en haut du village. Mais l’ennemi apparait en force de tous les côtés. Ce seul renfort ne suffit pas. Le 45e de marche et le 1er bataillon de chasseurs qui suivent le 70e mobile n’ont pas reçu le bon ordre et quittent la route qui mène directement à Parigné.  Le général de Jouffroy, craignant d’être bloqué à Parigné, rentre au Mans, en passant par Mulsanne.

Vers midi, l’ennemi, de plus en plus nombreux, établit un grand nombre de pièces d’artillerie sur les crêtes, à l’est du village et tente de couper la retraite des troupes sur le Mans. Les français résistent jusqu’à ce que, vers une heure, les troupes qui gardent la vallée soient surprises et enfoncées par une attaque de l’infanterie ennemie qui gravit les pentes à leur suite et entre dans le village par les rues perpendiculaire à la route. Les mobiles se jettent dans les maisons. L’artillerie n’a pas le temps de se retirer. La batterie de 4 attelée à la hâte, perd une pièce. Cinq mitrailleuses risquent le même sort lorsque le colonel Pereira, appelle deux compagnies du 39e de marche qu’il a placé en réserve, au centre du village. Avec quelques mobiles, quelques artilleurs et des officiers qui ont ramassé des fusils, ils parviennent à reprendre quatre des mitrailleuses. La cinquième dont l’attelage a été tué, ne peut être sauvée.

Dans Parigné, le combat est au corps à corps, à la baïonnette, à la crosse de fusil.

Il est impossible de tenir : la 2e brigade de la 1ère division du 16e corps a un officier tué, 15 blessés et 1370 hommes tués, blessés ou disparus depuis le matin.

Le lieutenant-colonel Pereira ordonne la retraite sur Ruaudin. Le 70e mobiles, après avoir été repoussé par l’ennemi, il réussit à rallier le reste des troupes et à reprendre ses pièces d’artillerie. Il se retire sur Brette et rejoint la colonne de Jouffroy, après avoir subi de lourdes pertes.

Les tirailleurs de la 5e compagnie du 75e mobile les derniers a avoir pu tenir dans Parigné, gagnent les bois voisins par une chemin creux, en continuant à tire par-dessus les remblais. Ils finissent par rejoindre le régiment qui ne les attendait plus.

L’ennemi est maître de Parigné et continue sa marche sur le Mans. Il se heurte aux deux brigades placées sur la route, en avant de Pontlieue, et à hauteur de Changé.

Le général de Roquebrune qui, vers deux heures, s’apprête à se porter vers le combat dont il entend le canon, voit arriver les troupes débandées de la brigade Pereira, sur la route de Parigné, poursuivies par une forte colonne ennemie. Deux pièces de 7 et deux mitrailleuses placées au bon endroit, enfilant la route, suffisent à arrêter la marche de la colonne ennemie qui se réfugie dans les bois, à trois km des lignes françaises et s’y établit sans rien tenter d’autre de la journée.

A Changé, la brigade Ribell occupe une ligne continue de Changé jusqu’à l’Huisne, par la Brosse, la Ronde, et les Arches, avec des avant-postes à la Girarderie, au plateau de Monceaux, au Pavillon, au château d’Amigne, aux Pelleries et au point de jonction du chemin de fer et de la route de Paris.

Une fois maître de Parigné, l’ennemi débouche en deux colonnes par deux chemins qui se trouvent entre les routes de Saint-Calais et Parigné.

Il est deux heures de l’après-midi lorsque les avant-postes du 62e sont attaqués, de la Girarderie au château d’Amigne. Le régiment résiste sans perdre du terrain, malgré la violence de l’attaque. La lutte continue jusqu’à cinq heures et demie du soir, mais, les allemands reçoivent des renforts et obligent le colonel Ribell à se replier sur Changé. Il est débordé sur le chemin qui va du village à Parigné, avant d’avoir pu l’atteindre.

Le 33e mobiles, sur la gauche, est rappelé du château des Arches, au château des Noyers, pour un bataillon, et les deux autres, de Changé au gué Perray, pour défendre l’accès des bois, en arrière de la Bonde.

Le bataillon de Denis Erard est en avant du Château des Arches. Les hommes suivent des yeux les locomotives blindées qui font un travail de reconnaissance, à petite allure. Un fourgon du train d’artillerie arrive et les caisses de munition sont rapidement déclouées. Les paquets de cartouches prennent place dans les musettes et les sacs. A peine le fourgon vidé, les mobiles entendent des détonations, d’abord éloignées, puis de plus en plus proches. Le fracas de la bataille leur parvient, mais ils doivent rester à la poste.

Entre une heure ou deux de l’après-midi, les mobiles reçoivent l’ordre de marcher. Au pas de course, ils traversent le pont du Gué-Perray et s’engagent à travers les taillis, en direction du bourg de Changé où ils arrivent essoufflés. Ils sont rangés en réserve sur la place, en arrière de l’église. Le combat est de plus en plus proche.

Les maisons de Changé sont toutes fermées, donnant l’impression d’un village abandonné, alors que bon nombre de ses habitants se terrent dans leurs caves. Parfois une porte s’ouvre et un visage angoissé apparait, interrogeant du regard les soldats qui attendent. Une ambulance a été établie dans une maison à porte cochère. Denis Erard voit de nombreux blessés arriver. Les drapeaux de la Croix-Rouge flottent à chaque fenêtre. Tous les blessés appartiennent au 37e et 62e de marche. Ce sont ces deux régiments qui soutiennent le combat en avant de Changé. Les blessés qui peuvent marcher repartent à pied, vers le Mans. Il faut laisser de la place, dans l’ambulance pour ceux qui arrivent.

La nuit approche et le vacarme des combats augmente d’intensité. Les tirs se font bientôt entendre aux portes du village.

Les mobiles du 33e reçoivent enfin l’ordre de bouger. Ils doivent se placer sur le petit chemin qui longe le cimetière et remonte dans la direction de Noyers. Ordre est donné de faire charger les armes et le cliquetis des culasses mobiles couvre le silence des troupes. Presque aussitôt, un véritable ouragan de cris et de clameurs retentit. Ce même ouragan, les mobiles du 33e l’ont entendu à Villepion, le 2 décembre. Ce sont les allemands qui chargent en criant. Ils débouchent de la route de la Fourche et du château d’Amigné et se jettent en masse sur le village de Changé pour le prendre d’assaut.

Au commandement, tous les mobiles tirent d’une salve, et la fusillade commence. Grace à elle, d’autres troupes prises au piège réussissent à se dégager.

Mais les allemands attaquent par une autre position, depuis le Gué-la-Hart, et rejettent les hommes du 37e.

L’attaque de Changé rend le village intenable et le colonel Ribell décide de la retraite. Le lieutenant-colonel Mallet, avec le 37e de marche, est chargé de la couvrir, en défendant pied à pied les barricades du village. Un renfort de deux bataillons du 43e de marche est envoyé mais il n’arrive qu’à la nuit tombée, alors que le village est tombé aux mains des allemands.

Lorsque les mobiles du 33e, de Denis Erard, reçoivent l’ordre de changer de position, l’ennemi a déjà pris possession de Changé. Ils remontent, sans bruit, le chemin du cimetière et regagnent, à travers les taillis et les sapinières, le château des Arches, retournant à leur cantonnement du matin. Une partie du 37e et du 62e de marche y sont déjà.

La retraite générale se fait sur le château des Arches, où le colonel arrive à neuf heures. Les bâtiments de la ferme et les communs regorgent de soldats. Des feux de bivouac sont allumés tout le long des murs de clôture, les hommes sont mélangés, mobiles et lignards, sac au dos, fusil entre les jambes.

Le bilan est lourd. Le colonel Ribell n’a quitté le champ de bataille que le dernier, son cheval couvert de blessures, après avoir eu 5 officiers tués, 35 blessés ou disparus dont 3 officiers supérieurs et plus de 1500 hommes tués, blessés ou dispersés.

Toute la journée, l’ennemi a continué ses attaques sur le 21e corps. Les tirailleurs de la 1ère division qui occupent les hauteurs de la rive droite de l’Huisne, de Lombron à Fatines, gardant Montfort et Pont-de-Gennes, échangent toute la journée, des coups de fusil avec l’ennemi établis le long de la ligne de chemin de fer, protégés par des batteries placées sur les hauteurs de la Belle-Inutile. Mais le combat se limite à des escarmouches.

A Saint-Remy-la-Chapelle, à sept heures du matin, le bataillon du 41e de ligne, envoyé à Saint-Célerin, revient à onze sans avoir vu l’ennemi. Deux sections de l’artillerie se trouvent sur la route entre Lombron et la Chapelle-Saint-Remy, en avant de la croix des routes. Vers midi, des uhlans apparaissent, et, au même moment, le 59e de marche et l’infanterie de marine sont attaqués. A une heure, le 2 bataillon de l’Orne est également au combat.

La 2e division est en marche sur Connerré lorsqu’elle doit se détourner pour contrer l’attaque allemande sur la Chapelle-Saint-Remy. A cinq heures, la fusillade cesse.

Du côté de la 3e division, une colonne ennemie apparait sur la route de Bonnétable. Le général de Villeneuve réussit à tenir la position et le combat se limite à quelques obus et une action en tirailleurs.

Du côté d’Yvré-l’Evêque, la division de Bretagne reçoit l’ordre de reprendre l’offensive. Renforcée par le 1er bataillon des volontaires de l’Ouest et du bataillon des Côtes-du-Nord, elle réussit à repousser l’ennemi au-delà de la ferme de Saint-Hubert où elle se maintient jusqu’à cinq heures du soir. A la nuit, le général Goujard se retire sur Yvré-l’Evêque pour occuper la passerelle des Arches, les ponts de l’Huisne, les hauteurs de Luart, de la Croix et des Berroises, avec un fort avant-poste à la gare d’Yvré.

Dans la soirée, le détachement de Champagné subit une attaque surprise et abandonne la position, pourtant vitale pour la défense du plateau d’Auvours. Le général en chef, prévenu, leur donne l’ordre de réoccuper le village à tout prix. Le colonel Bell y entre à la nuit et s’y barricade.

Sur la route de Saint-Calais, la 2e division du 17e corps reste sur le plateau d’Auvours, sa droite appuyée à l’extrémité sud du plateau, sa gauche s’étendant vers le nord, sur des hauteurs qui dominent la vallée de l’Huisne.

Le général de Jouffroy arrive le soir sur le plateau de Pontlieue. Les troupes arrivent jusque dans le faubourg et la ville. Elles sont épuisées, n’ont pas été ravitaillées correctement. Malgré les demandes du général d’envoyer ses hommes à l’arrière pour y récupérer, il doit gagner les positions qui lui ont été assignées. Le général en chef prévoit que demain, l’ennemi attaquera en masse pour prendre le Mans.

Le général Barry arrive à Ecommoy. Il doit rallier Mulsanne et y attendre les ordres de l’amiral et d’aller au canon, dans quelque direction qu’il tonne

Le général de Curten, trop éloigné pour rejoindre la position de défense du Mans, il continue sa retraie sur Suze, pendant que la colonne du général Cléret se replies sur la Loire pour défendre le val contre l’ennemi qui chercherait à dépasser Tours.

Au soir du 10 janvier, toute l’armée de la Loire, ou presque, est réunie autour du Mans.

Pendant que les colonnes mobiles se battaient, le reste de l’armée a préparé des épaulements pour les batteries, des tranchées et des abatis pour la défense des lignes, coupé les routes et les chemins, complété les effectifs, en vivres, effets et munitions. L’artillerie a reçu de nouvelles batteries de mitrailleuses et de canons de 7, et complété ses attelages. La cavalerie a reçu des renforts de chevaux et d’homme.

Tous les blessés et les malades qui peuvent l’être ont été évacués loin vers l’arrière. Les renforts promis en hommes de Bretagne passés par le camp de Conlie passent de 60 000 à seulement 10 000, mal équipés, mal habillés, mal formés, comme tout depuis le début de cette guerre. Neuf bataillons de mobilisés de la Mayenne, mieux organisés et formés, qui protégeaient Alençon, arrivent également en renfort.

Demain, la bataille du Mans va avoir lieu.

Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 10 janvier 2021