Orléans : Le 11 octobre 1870, le général von der Tann, qui commande les forces prussiennes, continue sa progression. Ses troupes occupent un large front. Ses 40 000 hommes et 152 pièces de canon font mouvement vers Orléans.
Le général de La Motterouge, qui commande le 15e corps d’armée française, a compris que le combat de la veille n’avait concerné que l’avant-garde de l’armée prussienne. Il sait également que ses troupes ne sont pas à la hauteur. Beaucoup de ses soldats sont jeunes, inexpérimentés. Il n’a que 15 000 hommes et une quarantaine de pièces d’artillerie. Il décide donc de reculer de l’autre côté de la Loire. A 11 heures, la retraite commencera. Il laissera, entre lui et l’ennemi, un rideau de diversion composé de la division Peytavin.
Cette dernière doit garder les routes qui convergent vers Orléans : les routes de Chartres, Châteaudun, Paris et Saint-Lyé. Ses troupes occupent une ligne qui passe par Ormes, les fermes de Sary, de l’Epineux et le village de Saran, se prolonge jusqu’à la forêt d’Orléans. Elle est gardée par trois compagnies de zouaves pontificaux qui sont embusqués, près du carrefour des 4 chemins. Les 170 hommes sont sous les ordres du capitaine Olivier Le Gonidec de Traissan, trent-et-un ans.
En arrière, les positions françaises s’appuient, sur le flanc droit, sur la gare des Aubrais, et le gazomètre, mis en état de défense. Le 8e bataillon de marche de chasseurs à Pied, sous les ordres du commandant Eugène René Antonini, quarante-trois ans, légèrement blessé la veille à la bataille d’Artenay, et les mobiles de la Nièvre, sous les ordres du lieutenant-colonel Philippe de Bourgoing La Beaume, quarante-trois ans, y tiennent la position.
A l’aile gauche, la 18e batterie du 10e d’artillerie, sous les ordres du capitaine René François Léon Chauliaguet, trente-six ans, sont embusqués derrière la haie d’un jardin, à l’ouest d’ouvrage construits par l’armée dans le terrain situé en avant de la vieille église du village d’Ormes. Le 34e de marche est, en partie, au même endroit. Le reste est en avant de la ferme Bois-Girard. Curieusement, six batteries d’artillerie sont à la gare et sur le mail. Elles ne prendront pas part au combat, appelées bien trop tard sur l’avant. Etrange réserve inutile.
A ces troupes, il faut ajouter le 5e bataillon de la légion étrangère (1350 hommes), le 5e bataillon de marche de chasseurs à pieds, le 39e de ligne et 4 escadrons de cavalerie, soit 8 000 hommes environ.
Vers huit heures du matin, les premiers éclaireurs prussiens arrivent sur l’aile gauche française. Ils viennent d’Artenay. Ils se heurtent à deux escadrons de cavalerie française, près de Boulay. L’artillerie prussienne entre en action et le hameau des Barres, occupé par des troupes de la division Peytavin, est criblé d’obus. Il est neuf heures, et la bataille d’Orléans vient de commencer.
Très vite, une brigade prussienne débouchant de Heurdy, enlève les Barres et s’avance sur Orléans par la route de Châteaudun. Elle enlève dans la foulée, la ferme Bois-Girard.
L’artillerie allemande fait mouvement et se place près de la ferme Fessard. De là, elle ouvre un feu violent sur l’artillerie française établie à Ormes qui répond en criblant de mitraille les cuirassiers bavarois qui débouchent à l’est des Barres, stoppant l’avancée de l’infanterie prussienne.
Le général von Wittich installe alors sept batteries à droite et à gauche de la route, auprès des Masures et de la ferme Bois-Girard, ciblant l’artillerie française. Dès les premiers coups, le lieutenant de Coffinières a le bras fracturé par un éclat d’obus, il devra être amputé. Il avait déjà été blessé la veille, au combat d’Artenay. Les quatre chevaux d’un caisson sont tués et plusieurs hommes blessés. Les quatre pièces d’artillerie sont déplacées en arrière et recommencent à pilonner les troupes prussiennes, sous les ordres du lieutenant François Maxime de Landrevie, vingt-trois ans.
Malgré leurs efforts, l’armée prussienne s’empare des Chabasses et de la Borde. Mais elle échoue à déborder l’aile droite française et doit reculer face à sa résistance. Il est une heure de l’après-midi. La retraite française a commencé, mais les ordres sont mal transmis et l’information ne parvient pas aux troupes qui combattent en premières lignes.
Des renforts viennent soutenir l’armée prussienne qui entre à Ormes où elle fait huit cents prisonniers qui sont parqués dans la ferme Bois-Girard.
La cavalerie prussienne est désormais inutile, le terrain planté de vignes ne lui est pas favorable. Le reste de l’armée continue sa marche sur Orléans. Vers trois heures et demie, elle atteint le Petit Saint-Jean. Chaque pouce de terrain est gagné par le combat. Les français résistent de toutes leurs forces. Soixante soldats français tombent à Ormes, où les habitants leur dresseront une stèle à leur mémoire. Quelques années plus tard, une centaine de soldats enterrés dans les champs environnant, là où ils sont tombés, seront exhumés et placés autour de ce monument. Une vingtaine d’entre eux sera prussien.
L’aile gauche française est refoulée vers Orléans, le 34e et le 33e traversent la ville et passent la Loire alors que les bavarois avancent sur les Aydes par la vieille route de Chartres. Rien ne semble pouvoir arrêter les prussiens dans leur marche sur Orléans.
A Epineux et Sary, ils sont reçus par le 27e de ligne qui occupe ces fermes et les bois voisins. Des combats acharnés ont lieu à la ferme de la Chiperie qui est prise, et reprise avant d’être définitivement abandonnée par les français.
Les bavarois qui arrivent par la vieille route de Chartres sont stoppés par des hommes du 34e de marche. Un violent combat s’engage pour la possession du village de Saran que l’ennemi réussit enfin à gagner. Le 27e et le 4e de ligne battent en retraite sur Orléans, en passant par l’Orme au Coin, les Quintaux et les Vallées. Le 27e se retire sur la ville par les Chaises et combat jusqu’au soir.
L’artillerie française qui s’est déplacée du côté de Saint-Jean-de-la-Ruelle à ordre de passer la Loire. Elle entre dans la ville à quatre heures et demie.
Au centre de la ligne de front, sur la route de Paris, l’ennemi ne rencontre aucune résistance jusqu’à la Montjoie et la Tuilerie. Ils sont reçus par la fusillade des zouaves pontificaux. Le capitaine Le Gonidec a embusqué ses hommes au carrefour des Quatre-chemins. Ils attendent l’ennemi, couchés dans le taillis, en arrière du carrefour. Ils stoppent un temps l’ennemi, lui infligeant de lourdes pertes, avant de battre en retraite sur Orléans par le petit Sougy. Miraculeusement, ils ne perdent que sept hommes.
Toutes les troupes françaises battent en retraite et se retirent dans la direction d’Orléans, tout en se battant. Les prussiens, maîtres d’Ormes, occupent Saran et commencent à atteindre les premières maisons des Aydes, sur la route de Paris.
Voyant la première ligne obligée de reculer, le général de La Motterouge envoie les réserves en avant. La légion étrangère arrive à hauteur de Bel-Air, à cheval sur les deux routes de Chartres et de Paris. Une partie du 39e occupe, à sa droite, le terrain qui s’étend jusqu’au chemin de fer, le reste s’établit à sa gauche et se déploie en tirailleurs, dans les vignes vers le château des Bordes. Ce dernier est occupé par 125 hommes du 5e bataillon de marche de chasseurs à pied.
L’artillerie prussienne pilonne les Bordes et les bavarois arrivent à Bel-Air. Ils sont stoppés par une vive résistance.
Aux Aydes, les soldats de la légion étrangère, sous les ordres du commandant Arago, rejoints par quelques hommes du 5e bataillon de chasseurs à pied, combattent de toutes leurs forces. Le feu est épouvantable. « Nos soldats se tenaient la plupart le long des maisons, ils armaient leur fusil, s’avançaient sur la voie et tiraient. Beaucoup étaient couchés, d’autres à genoux. Pas un qui tremblât .. sur la rue, et dans les environs, ce n’était que soldats gisant sur la terre. Dans les champs et auprès de leurs maisons, des paysans avaient le sort des combattants… »
A trois heures de l’après-midi, l’ennemi est stoppé aux Aydes. Mais le commandant Arago est tué, atteint d’un éclat d’obus au cou. Malgré les soins, il succombera à ses blessures. Son corps sera inhumé au cimetière Saint Vincent, par ses officiers. Le capitaine de Morancy prend le relais et, secondé par l’adjudant-major de Villeneuve, continue à résister. Les compagnies du 39e qui arrivent à la droite de la légion étrangère, résistent avec vaillance. Ils vont retenir l’avancée prussienne pendant près de quatre heures.
Le lieutenant de Mibielle, du 39e est frappé d’une balle à la tête, vers deux heures. Après avoir perdu connaissance, il revient à lui et reprend le commandement de ses hommes. Il n’acceptera d’être soigné que vers neuf heures du soir, après avoir passé la Loire.
Après une lutte acharnée, les prussiens réussissent à s’emparer du château des Bordes. Il est quatre heures et demie. Ils tentent de contourner les soldats français qui combattent aux Aydes. Les bavarois réussissent enfin à s’emparer des Aydes. Ils mettent le feu aux premières maisons du faubourg. Vingt-huit brûlent pendant que les combats continuent dans la rue. Certains observateurs prussiens compareront la prise du faubourg des Aydes à la prise de Bazeilles, vu la résistance d’une poignée de soldats français et les pertes considérables dans les rangs prussiens.
Le 8e bataillon de marche de chasseurs à pied et la mobile de la Nièvre doivent abandonner la gare des Aubrais, après une forte résistance, puis le gazomètre, au sud. Ils tentent à plusieurs reprises, de reprendre la gare, mais échouent.
Le bataillon du 27e et les chasseurs du 5e bataillon de marche s’accrochent à la Grange des Groues et au remblai du chemin de fer de Tours. Ils finissent par se retirer dans Orléans, par les rues des Cloziers (rue du Parc) et des Murlins. Plusieurs chasseurs, tués derrière le chemin de fer, seront inhumés sur place. Puis, plus tard, ils seront enterrés au cimetière Saint-Vincent. Un seul restera sur place, là où il est tombé. Sa tombe, la tombe du petit chasseur, est sur l’un côté du chemin qui conduit à la rue des Vaupulants, à 150 m de la voie ferrée. La tombe est entretenue par le régiment d’infanterie en garnison à Orléans et par la ville : « ci-gît un soldat français du 16e chasseurs, tué en ce lieu au combat du 11 octobre 1870. Passants priez pour lui. Il était âgé d’environ vingt ans et portait le n°2625. Ci-gît un enfant de la France, dont le nom nous est inconnu, petit chasseur plein de vaillance, ta mort attesta ta vertu. » Il sera ensuite identifié comme étant Louis Rossat, vingt-et-un ans, alsacien natif de Grosne.
Les bavarois atteignent le village de Saint-Jean-de-la-Ruelle, vers cinq heures du soir. Le général von der Tann s’impatiente. Les combats sont trop longs, les pertes trop lourdes. Il décide de lancer le tir de ses batteries placées au sud de Saran sur la ville. Quelques obus sont tirés sur Orléans. Il veut que la population oblige les soldats à cesser le combat, mais le maire, M. Crespin, malgré les injonctions de ces concitoyens refuse. Si la ville doit être anéantie pour sauver la France, elle le sera.
L’artillerie à ordre d’épargner la cathédrale. Un obus tombe sur le clocher de Saint Paterne et blesse deux soldats qui passent à ce moment-là.
Saint-Jean-de-la-Ruelle tombe, les troupes françaises abandonnent le faubourg Saint-Jean, envahi par le 1er régiment bavarois.
Le lieutenant-Colonel de Jouffroy apprend que l’armée française a passé la Loire. Les ordres ne lui sont pas parvenus et il a continué le combat, pendant que, trois heures durant, l’artillerie, la cavalerie puis l’infanterie sont passés par le pont de chemin de fer, de l’autre côté de la Loire. Il fait sonner la retraite, mais la légion étrangère refuse de céder. Il faut toute l’énergie de leur commandant, François Paul de Morancy, pour qu’ils acceptent la retraite. Ils reculent, pas à pas, sans cesser le combat. La légion étrangère atteint la grille de l’octroi que l’on ferme derrière eux. Ils continuent à tirer à travers la grille.
Aux Acacias et à la Bourie, la lutte continue. Le détachement que de Morancy avait envoyé tente d’empêcher les prussiens d’entrer dans la ville. La nuit tombe. Les prussiens les contournent et les prennent à revers à la faveur de l’obscurité. Pris entre le feu des bavarois et des prussiens, les chasseurs et les légionnaires refusent de se rendre et tombent, les uns après les autres. De temps à autre, sur les côtés de la route, dans la nuit, une porte s’ouvre et se referme sur un blessé qu’elle a attiré. Le combat continue au corps à corps, à la baïonnette, dans les jardins, les maisons, puis, tout est fini. Il est sept heures et demie, les soldats français sont morts, ou blessés, ils ne se sont pas rendus. Les bavarois et les prussiens, qui ont fait la jonction, pénètrent dans la ville. Orléans est tombé.
L’armée française a perdu 2 000 hommes, tués ou blessés dont un certain nombre d’officiers, comme le commandant Gustave Vital de Boissieu des chasseurs à pied, porté disparu. Inhumé dans une fosse commune avec d’autres soldats, il sera exhumé et identifié par son frère, six mois plus tard, au cimetière de Fleury-les-Aubrais. Six officiers de légion étrangère sont morts, sept sont blessés et six prisonniers. Elle laisse également 1 500 hommes fait prisonniers dont un grand nombre sera capturé le lendemain matin, dans les jardins et les maisons qui leur ont donné asile. Ils seront enfermés dans le temple protestant et l’ancienne maison des petites sœurs des pauvres, en attendant leur transfert vers l’Allemagne. La moitié des hommes de la légion étrangère sont tombés.
Le 39e a perdu trois cents hommes, la moitié des effectifs. Cinq officiers ont été tués ou blessés et un fait prisonnier. Une cinquantaine dont un officier réussit, à la faveur de la nuit, à s’échapper par la forêt puis Beaugency et rejoindre la Ferté-Saint-Aubin.
La ville élèvera un obélisque à la gloire des hommes tombés pour la défendre, entre la Chapelle Vieille des Aydes et la ligne du chemin de fer, dans les environs de la gare des Aubrais. Il est élevé là où ont été entassés les cadavres des soldats français, 152 dont deux officiers, le capitaine Saglio du 39e de ligne et le sous-lieutenant Reuillon. 107 soldats bavarois les ont rejoints.
Orléans n’était pas une place forte, mais ne ville ouverte. Si l’état-major semble l’avoir abandonnée en battant en retraite de l’autre côté de la Loire, le sacrifice des soldats qui ont combattu pour la protéger montre le contraire.
Le lendemain, 11 octobre, des ambulances volantes parties d’Orléans, ramènent les blessés d’Ormes, des Aydes, de Cercottes et de Chevilly, puis, plus tard, de Lailly, Charsonville et Coulmiers.
Quelques blessés qui en garderont des séquelles à vie :
- Pierre Bascoul, vingt-et-un ans, natif de Laval-Roqueuzière (Aveyron), soldat au 77e de ligne, amputé de l’avant-bras gauche après une fracture du poignet par éclat d’obus à Ormes.
- Julien Alphonse Deroys, vingt-un ans, natif de Montblanc (Hérault), soldat au 27e de ligne, résection de l’humérus après une fracture comminutive par éclat d’obus à Orléans.
- Charles Mallet, trente-trois ans, natif de Paris, soldat au 7e de ligne, amputé de la jambe après fracture par éclat d’obus, à Orléans.
- Benoît Roget, trente-et-un ans, natif de Saint-Cosme (Saône-et-Loire), sergent au 77e de ligne, amputé de la cuisse gauche après coup de feu, à Ormes.
- Victorin Louis Allemand, soldat au 39e de ligne, fracture de la malléole interne du pied droit, par coup de feu à Orléans.
- Jean François Aubert, soldat au 53e de ligne, fracture de l’humérus droit par éclat d’obus à Orléans.
- Gabriel Auxiette, vingt-et-un ans, natif de Verdun (Cher), soldat au 16e chasseurs à pied, perte de la vision de l’œil gauche par éclat d’obus à Orléans.
- Joseph Barthel, soldat au 39e de ligne, paralysie de la main gauche par fracture du radius et lésion du nerf radial par coup de feu à Orléans.
- Jean Pierre Barthelemy, trente-six ans, natif de Coubon (Haute-Loire), soldat au 5e chasseurs à pied, fracture du fémur droit par coup de feu à Orléans.
- Jean Bauré, soldat au 39e de ligne, plaie à la jambe droite par deux coups de feu à Orléans.
- Louis Emile Becker, vingt ans, natif de Vitry-le-François (Marne) soldat au 51e de ligne, fracture comminutive de l’humérus, plaie en séton au dos, coup de feu, plaie à l’oreille par coup de baïonnette, à Orléans.
- Laurent Joseph Berthollet, garde mobile de la Savoie, plaie compliquée à la cuisse droite par coup de feu à Orléans.
- Augustin Bohyn, vingt-sept ans, natif de Stekene (Belgique), soldat de la légion étrangère, cécité complète après coup de feu à la région temporale gauche.
- Henri Edme Bossuat, natif de Cosne, sergent aux gardes mobiles de la Nièvre, plaie contuse à la cuisse par coup de feu à Orléans.
Officiers tués au combat ou morts de leurs blessures
- 39e de ligne : capitaine FL Saglio, capitaine LF Grech, lieutenant NA Daget
- 5e bataillon étranger : chef de bataillon VJ Arago, capitaine MJF Charnaux, sous-lieutenant S Kacskowski, sous-lieutenant HJ Fay, sous-lieutenant Yung de Cristofeu, sous-lieutenant Kurnewitch,
- 27e bataillon de marche : capitaine J Costa, chef de bataillon GA Murville
- 34e régiment de marche : chef de bataillon J Saupique, capitaine P CH Ricke
- 5e bataillon de marche des chasseurs à pied : capitaine GVGM de Boissieu
- Garde mobile de la Nièvre : capitaine A Josserand.
Mais tous les morts ne le sont pas.
Le docteur Nussbaum, professeur de chirurgie à l’école supérieure de Munich écrit d’Orléans constate : « j’ai éprouvé une épouvantable émotion après la bataille d’Orléans, le 10 et 11 octobre, lorsqu’une nuit sombre, froide et profonde, qui força de s’arrêter, a produit tant de morts léthargiques. Nous revînmes plusieurs fois, avec quatre ou cinq porteurs, auprès des blessés qui avaient été laissés pour morts, tandis que le battement de leur cœur se faisait encore bien sentir, et après les avoir recueillis, réchauffés et rafraîchis, nous les ramenâmes à la vie. Perte de sang, épuisement, faim, froid, frayeur, me parurent les causes qui avaient produit cette léthargie. Et si l’on ne pouvait, sur le champ de bataille, employer les longues épingles pour piquer la pointe du cœur, ce qui est le meilleur moyen de constater la mort, on pouvait au moins, ici comme en tous les autres cas possibles, appliquer son oreille contre leur poitrine, ce qu’il est très-facile d’enseigner à faire à tout porteur de blessés. Car il est trop épouvantable de penser que ces pauvres et braves gens peuvent passer toute une nuit gisant moribonds dans les fossés qui bordent les routes, tandis que les porteurs vont et viennent autour d’eux sans les regarder. Il n’y a la pas le moindre doute que cette léthargie se change en une vraie mort lorsqu’il se passe plusieurs heures sans qu’il leur arrive d’être soulagés ou réchauffés. »
Combien sont morts pour n’avoir pas été identifiés comme encore vivant ?
Les sources dont sont tirés les faits racontés ici datent d'avant la première guerre mondiale. Depuis, certains noms de rue ont changé, et les monuments et tombes également. Voir sur le site des archives d'Orléans.