Les prussiens arrivent à Epernon (Eure-et-Loir). Dans la ville, bien décidée à se défendre, la garde nationale s’est organisée. L’ennemi est à Rambouillet. Le 3, l’ennemi est signalé à deux kilomètres avec six pièces de canon. Prévenu, le maire fortifie les principales entrées de la ville avec une centaine d’hommes et l’aide de la garde nationale.
Le 4, à dix heures du matin, plusieurs obus tombent sur la ville. La ferme du Mousseau, sur le plateau des Marmousets, est incendiée volontairement par les prussiens. Le combat s’engage, il est onze heures.
Le plateau des Marmousets et celui de la Diane dominent la ville. Ils sont séparés par une vallée étroite traversée par la grande route. Les Marmousets sont occupés par un important détachement de gardes mobiles. Malheureusement, devant l’arrivée de l’artillerie prussienne, les gardes mobiles se replient, entraînant, avec eux, les autres combattants. Les prussiens se rendent maîtres du plateau et tuent six gardes nationaux du petit village de Droue.
Sur le plateau de la Diane, les défenseurs tiennent bon. Ils réussissent à contenir près de six cents bavarois, mais l’artillerie prussienne qui s’est installé sur le plateau des marmousets les oblige à reculer.
A quatre heures et demie du soir, le combat est terminé. Les pertes françaises s’élèvent à quarante-cinq français, dont quinze sont morts. Le commandant Marie Felix Hippolyte Lecomte, chef de bataillon au 63e régiment provisoire, garde mobile et le sous-lieutenant Louis Désiré Martin, de la garde nationale sédentaire, de Droue sont parmi les victimes.
Pierre Gustave Duclos, vingt-et-un ans, natif de Paris 5e, garde national d’Epernon, décède sur le plateau de la Diane.
A Epernon, Barthelemy Louis Narcisse Manceau, vingt-deux ans, natif de Bouville, sergent de la garde mobile, et Jacques Désiré Lepicard, soixante-quatorze ans, veuf de Marie Madeleine Chevillard, décèdent dans la rue de la Madeleine.
Marie Felix Hippolyte Lecomte, trente-six ans, commandant du 2e bataillon de la garde mobile d’Eure-et-Loir, Eugène Leroy, de Méréglise, garde mobile d’Eure-et-Loir, 4e bataillon, 3e compagnie, et Célestin Bois, vingt-deux ans, natif de Montigny-le-Gannelon, garde mobile d’Eure-et-Loir, 2e bataillon, décèdent à l’ambulance place du Change.
Alfred Trouvé, dix-neuf ans, garde national natif de Maintenon, et Louis Victor Maurice Dauvilliers, vingt-et-un ans, garde national, natif de Chartainvilliers, décèdent près d’Epernon. Louis Victor est tué alors qu’il s’est déjà rendu, ayant laissé tomber son fusil. Il est accompagné d’un jeune de dix-huit ans qui est épargné grâce à l’intervention d’un sergent et emmené prisonnier. Il ne rentrera chez lui qu’en mars de l’année suivante.
Après les combats et le lendemain, cinq gardes mobiles et un garde national dont l’identité est inconnue sont trouvés et inhumés dans le cimetière d’Epernon. Il s’agit de trois gardes mobiles dont le signalement n’a pu être pris, à cause de la présence de l’ennemi dans le cimetière et les environs, au lendemain du combat, d’un garde national ayant les cheveux roux et d’un garde mobile atteint d’une balle à la tête, retrouvé près du bois de la Diane, dans un champ de luzerne, à côté des corps de quatre soldats bavarois.
Un autre garde mobile est trouvé dans les oseraies, en face le cimetière, entre la morte rivière et la rivière de Crochet. Il semble avoir vingt-trois ou vingt-quatre ans, mesure un mètre soixante environ. Il est de forte corpulence, a les cheveux et sourcils roux, moustache et impériale de même couleur, taches de rousseur au visage. Les mâchoires sont garnies de toutes leurs dents, il porte l’uniforme de garde mobile, avec des souliers presque neufs, non cloués, avec un fusil 176 fabriqué à Châtellerault. Il a sur lui du tabac, un cahier de papier à cigarette, une ancienne pièce de monnaie et un crayon, ainsi qu’un cahier de chansons.
Aucun des gardes mobiles non identifié ne porte son livret militaire ou n’a son matricule sur ses vêtements.
Les actes de décès seront inscrits le 13 octobre, dans les registres de la commune. Mais pour celui de Frédéric Arthur Baillon, vingt-trois ans, natif de Terminiers, garde mobile, il faudra attendre un jugement du tribunal en 1878
Le 31 mars 1871, le garde mobile aux cheveux roux est identifié comme étant Pierre Dominique Martin, garde mobile de Luigny, natif de Dampierre-sous-Brou, âgé de vingt-quatre ans. Il faisait partie de la 4e compagnie du 4e bataillon d’Eure-et-Loir. Les autres sont toujours inconnus.
D’après les témoignages de Achille Louis Lemé, vingt-huit ans, cultivateur à la Louvière, commune de Saint-Lucien, et Louis Etienne Supersac, cinquante-neuf ans, corroyeurs à Epernon, le soir du 4 octobre, vers neuf heures, il a été attaqué à cent mètres de la vieille tour de la Tourneuve, entre les bâtiments de la ferme et le chemin de Nogent-le-Roi, par deux hussards prussiens qui s’étaient détachés, en l’apercevant, d’une patrouille revenant de Saugis. Il était en habits civils, prêtés par un nommé Pichard, de Cady, raison pour laquelle on l’a pris pour un garde national sédentaire, lorsqu’il a été retrouvé. Supersac a entendu le coup de carabine qui l’a tué. Il portait une lettre de sa famille, ce qui a permis de l’identifier. Il avait sur lui, lorsqu’il a quitté Pichard, un mouchoir violet, un crayon et une boîte d’allumette, vingt francs d’argent, mais il n’y avait plus rien sur son corps. Les prussiens l’ont dévalisé. Il a été trouvé le lendemain matin et emmené à Epernon par le sieur Leclerc, fermier de la Tourneuve.
Les actes de décès des gardes nationaux de Droue (Droue-sur-Drouette) sont rédigés dans leur mairie. Il s’agit de François Etienne Roger, quarante-quatre ans, carrier, époux de Louise Octavie Lafosse, Louis Désiré Martin, quarante ans, époux de Louise Doisneau, sous-lieutenant de la garde nationale sédentaire, Léon Eugène Lacour, vingt-trois ans, natif de Soissons, Louis Léopold Lehongre, trente-quatre ans, époux de Clémentine Victorine Joyeux, Eugène Marie Ravet, quarant ans, époux de Joséphine Touchard, Auguste Ludovic Ringuenoir, trente-deux ans, instituteur, époux de Thérèse Angélique Aiglehoux
Aucun des actes de décès des morts de Droue ne mentionne leur statut de garde national. Ils pourraient aussi bien être mort de leur belle mort, mais non. C’est la guerre et le combat qui les ont tués.
Parmi les blessés, certains en garderont des séquelles à vie. Dans la garde mobile d’Eure-et-Loir, Bazile Victor Gonsard, vingt-cinq ans, natif d’Authon, est amputé du bras avec une fracture de l’humérus, par coup de feu.
Noël Frédéric Genty, vingt-deux ans, natif de Charray, a le fémur droit fracturé par une balle, à son extrémité inférieure, gardant un raccourcissement et une ankylose du genou.
Sylvain Joseph Corron, vingt-cinq ans, natif de Manon, perd l’œil gauche après avoir reçu un éclat d’obus dans la région orbitaire et temporale. Pierre François Edmond Douin, vingt-deux ans, de Luplanté, devient aveugle après avoir reçu un éclat d’obus qui détruit son œil droit et l’orbite de son œil gauche.
Pierre Edouard Fauconnier, souffre d’une nécrose de son tibia après avoir reçu une balle dans la jambe droite.
André Ferdinand Tricheux, vingt-cinq ans, natif de Hanches, garde nationale d’Eure-et-Loir, a le fémur droit fracturé au tiers supérieur par coup de feu. La balle ne pourra pas être extraite et provoquera une perte partielle de l’usage de sa jambe.
Nous ne sommes plus dans les combats de l’armée régulière. Ce sont des civils, qui ont pris l’uniforme pour défendre leurs maisons, leurs villages. La guerre change de visage.
L’ennemi s’installe aux deux extrémités de la ville et repartent le lendemain à Rambouillet, après avoir imposé la ville de 4 000 francs.
Pendant les combats, la maison de M. Groswarlet, rue du Prieuré, et la ferme du Loreau, à Hanches, sont incendiées par les projectiles tirés par l’artillerie prussienne. Plusieurs boutiques d’épiciers et de marchands de vin sont pillés après le combat.
Lors de la bataille d’Epernon, les prussiens qui ont déjà envahi Droue le 1er octobre, reviennent le 4. Pendant la nuit, ils dévastent et pillent toutes les maisons qui ont été abandonnées par leurs habitants, fuyant les combats.
A Fresnay-l’Evêque, trente-huit cuirassiers blancs venant d’Orgères sont reçus à coups de fusils. Ils réussissent à s’échapper en emmenant deux charretiers qui se trouvent dans leurs champs. Faits prisonniers, ils sont conduits à Janville. A trois heures de l’après-midi, trois milles gardes nationaux sont dans la commune et se dirigent vers Trancrainville, au-devant des Prussiens. Le combat dure plus de deux heures et s’achève avec la nuit. Une douzaine de maisons sont incendiées.
Dans les Vosges, la désorganisation de l’armée empêche le général Cambriels d’organiser une défense efficace. Le 4 octobre, des combats ont lieu à Champenay. Le lendemain, ils continuent de Raon-L’Etape à Saint-Dié. Le général Dupré est battu au combat de la Bourgonce, le 6. Il se replie sur Bruyères où il rallie le général Cambriels. Mais il est déjà trop tard pour l’armée des Vosges. Elle se replie à Remiremont puis sur Lure et Bezançon.
La guerre s’étale sur le territoire français.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 4 octobre 2020