• Description

La bataille commencée le 30 août à Beaumont, se poursuit à Remilly, puis à Bazeilles, pour atteindre Sedan.

L’armée française y arrive le 31, à sept heures du matin, après avoir marché toute la nuit. Très vite, les portes de la ville sont encombrées de voitures transportant blessés, ravitaillement, bagages, artillerie, etc.

Au milieu de ces embouteillages de véhicules de toutes sortes, les soldats s’entassent à leur tour, fantassins, artilleurs, cavaliers, rescapés des combats précédents.

Si Sedan est un grand nom dans l’histoire de France, pour les combats décisifs qui y ont été menés, ce n’est qu’une petite ville de province.

Elle est dominée de toutes parts : Illy, Floing, Givonne, Bazeilles, Baigny, Wadelincourt, Frénois, Vrigne. La ville est pratiquement sans défense. Elle n’a pas reçu d’armement ni d’approvisionnement avant la guerre. Si l’artillerie prussienne prend position autour, la ville sera incendiée et rasée très facilement.

La logique voudrait de laisser les blessés à Sedan, de gagner les hauteurs, que les prussiens n’ont pas encore atteintes, vers le Nord-Est. Mais, comme depuis le début de la guerre, l’état-major hésite, lanterne et, lorsque le canon commence à tonner, les français ne sont toujours pas en position.

Le général de Wimpffen a réclamé et obtenue de Mac Mahon, le commandement du 5e corps et il œuvre sans relâche à le réorganiser, distribuant des vivres aux hommes, passant dans les bivouacs pour leur remonter le moral.

L’armée finit par prendre position, en demi-cercle autour de la ville, les deux ailes appuyées à la Meuse. La position est désastreuse. Il n’y a pas de retraite ou d’échappatoire possible.

Le 2e régiment d’infanterie de marine arrive vers deux heures de l’après-midi près du village de Bazeilles, à cinq kilomètres de Sedan. Ils sont suivis et précédés, sur les hauteurs, par les prussiens, qui, bientôt, font tomber les obus sur la route. L’artillerie française, dans la plaine, réplique a cette agression, mais, mal placée, elle doit se déplacer pour atteindre des positions plus élevées.

Pendant une heure, les obus prussiens tombent, avec régularité, sur les troupes françaises. Les hommes du 2e régiment d’infanterie de marine se dirigent vers Balan où ils prennent position, se déployant en tirailleurs dans les chemins, les jardins du côté de la Meuse et de Bazeilles.

Très vite, ils doivent bouger et s’embusquent partout où ils le peuvent, dans Bazeilles. Vers trois heures, une importante colonne prussienne apparait sur le pont de la Meuse.

Malgré les mitrailleuses françaises, les prussiens réussissent à prendre le village. Les soldats français reçoivent l’ordre de le reprendre.

Première charge à la baïonnette à trois heures trente, sur la route, au son des clairons. Le général de brigade Martin des Pallières commandant la charge, est blessé à la cuisse et doit être évacué. Le colonel Alleyron prend le relais, avec pour seul bâton de commandement, un piquet de tente.

Le corps à corps est partout : c’est un carnage. Pire encore, alors que l’infanterie de marine à l’avantage, elle reçoit l’ordre de reculer. Un régiment d’infanterie française placé sur une colline plus loin les a pris pour cible. Plusieurs soldats tombent ainsi sous des tirs amis. De loin, les uniformes se ressemblent.

Les prussiens se replient. A trois reprises, ils vont tenter de prendre Bazeilles. Ils sont repoussés, à chaque fois, par l’infanterie de marine, au prix de lourdes pertes, des deux côtés.

Une traîtrise d’un officier bavarois coûte la vie à plusieurs marins. Alors qu’il lève son arme, crosse en l’air, signe de reddition, il donne l’ordre de tirer, alors que les français se sont mis à découvert, pour les faire prisonnier.

Ce genre d’acte explique, en grande partie, la sauvagerie des combats et le refus de grâce et de se rendre des soldats français. Les combats sont au corps à corps, à la baïonnette, au couteau, même les crosses de fusil sont utilisées lorsque les balles font défaut.

Les marins finissent par se retirer dans Bazeilles où ils passent la nuit. Le ravitaillement n’est pas arrivé, mais les jardins regorgent de légumes dont les hommes font leur repas. Ils ne dorment pas, ils veillent.

Toute la nuit, les prussiens, qui ont établi un pont de bateaux sur la Meuse, et en utilisant les ponts de Bazeilles et de Pont-Maugis, que les français ont omis de faire sauter, font passer leurs troupes. Plus de 20 000 hommes passent ainsi, sans être inquiétés. Il n’y a pas eu d’ordre pour faire sauter ou faire garder les ponts !!!

Les français veillent. Les prussiens avancent. Six autres ponts sont installés par eux. Ils sont prêts.

A quatre heures et demie du matin, le 1er septembre, malgré un épais brouillard, l’attaque commence.

L’infanterie de marine qui campe dans la plaine, rejoint Bazeilles une demi-heure plus tard. Les combats y font rage. Fusillades, tirs d’artillerie : la mitraille et les obus tombent sur la petite ville et les troupes françaises.

Pendant qu’ils combattent au Nord-Ouest du village, le premier corps bavarois, fort de 40 000 hommes prend position à l’Est, renforcé par le corps d’armée du prince de Saxe.

Du côté des français, il n’y a que les quatre régiments d’infanterie de marine, soit 10 000 hommes environs, sous les ordres du général de division de Vassoigne. Ils sont divisés en deux brigades, la première sous les ordres du général de Brigade Reboul, la seconde sous les ordres du colonel Alleyron.

Malgré leur infériorité numérique, les hommes de l’infanterie de marine vont tenir Bazeilles pendant une demi-journée, reprenant, à trois reprises, le village.

Bazeilles-2

De terribles corps-à-corps ont lieu dans les bâtiments, les maisons. Les corps jonchent les rues et les pièces, les parquets sont couverts de sang, les murs noircis par la poudre.

Chaque fois qu’ils sont repoussés, les prussiens mettent le feu aux maisons. Ils incendient également l’église. Les cris des blessés sont insoutenables. Il est impossible de secourir ceux qui sont tombés dans les rues. Ceux qui sont tombés dans les maisons brulent avec elles.

Peu à peu, les français reculent. A un moment, sont réunis une centaine de combattant de plusieurs régiments, dont l’infanterie de marine.

Presque tous les habitants de Bazeilles ont fui, emportant ce qu’ils ont de plus précieux. Mais certains sont restés, et ils prennent les armes à leur tour, pour défendre leurs maisons. Bien mal leur en prendra. Ils ne sont pas protégés par la convention de Genève. Seuls les militaires ont le droit de combattre. Les civils n’ont que le droit d’être pillés et tués. Ceux qui seront pris les armes à la main, ou même sans arme, seront fusillés par les prussiens, hommes et femmes confondus.

Les troupes françaises se replient. Il ne reste, dans Bazeilles, que 150 à 200 combattants qui s’accrochent aux dernières maisons.

Puis ils doivent abandonner et se retirer vers Balan. Un petit groupe de soldats français, tirant sur les prussiens qui les poursuivent, arrivent jusqu’à une maison à la jonction de deux chemins, à l’écart du village. Elle n’a pas encore été incendiée. Des haies vives, épaisses entourent le jardin sur un mètre de hauteur.

Les hommes investissent chaque pièce de la maison, près à combattre jusqu’au bout. Cette maison, visiblement celle d’un menuisier, va devenir la maison des dernières cartouches.

Une soixantaine d’hommes se retrouvent là : des officiers, sous-officiers, caporaux et soldats des quatre régiments d’infanterie de marine, et un sergent et deux soldats d’infanterie de ligne.

Le chef de bataillon Arsène Lambert est là, avec les capitaines Georges Aubert, Eugène Bourgey, Eugène Bourchet, le lieutenant Edouard Sériot, les sous-lieutenant Gaston Joseph Saint-Felix, et Alexandre Escoubet. Ils partagent le sort de leurs soldats.

Bazeilles-4

Dès qu’ils ont pris position aux fenêtres de la maison, ils ouvrent le feu sur les prussiens. La riposte est immédiate et la fusillade dure vingt minutes, ce qui attire l’attention de l’artillerie prussienne qui dirige ses tirs sur la maison.

Les tirs cessent. Les troupes prussiennes continuent leur route vers Sedan, croyant la maison vidée de ses occupants.

Une nouvelle fusillade éclate. Les hommes restés au rez-de-chaussée tentent une sortie qui leur sera fatale. Ils tombent presque tous sur le seuil de la porte. Une véritable pluie de mitraille s’abat de nouveau sur les français.

Les hommes essayent de se protéger du mieux qu’ils peuvent, entassant devant les fenêtres les meubles, les matelas, mais ces maigres remparts sont vite détruits par la mitraille. Bien vite ; l’artillerie prussienne recommence à pilonner la maison.

Les hommes tombent, la mitraille qui traverse les murs les fauche les uns après les autres.

Devant la résistance des soldats français, les prussiens amènent des canons qu’ils disposent près de la maison, pendant que des pionniers commencent à saper les murs à la base.

Le chef de bataillon rassemble les officiers et sous-officiers. Ils sont huit pour décider de la suite. Les dernières cartouches ont été tirées. Ils doivent se rendre.

Un rideau est arraché et placé au bout d’une baïonnette et brandit à la fenêtre, au grand plaisir des prussiens.

Mais leurs sorts n’est pas scellé. A leur sortie de la maison, les soldats prussiens ont décidé de les exterminer, même désarmés. Il faut l’intervention du capitaine Lissignolo, bavarois, qui s’interpose pour les protéger.

La résistance, dans cette « maison des dernières cartouches » aura duré deux heures.

Bazeilles-1

Emmenés prisonniers, les rescapés traversent de nouveau Bazeilles.

Toutes les maisons sont en feu et s’écroulent, les unes après les autres, propageant l’incendie aux maisons jusqu’ici épargnées, qui servent d’ambulance.

Les blessés qui ne peuvent fuir le brasier y périssent, brûlés vifs, comme les habitants cachés dans les caves qui ne peuvent en sortir.

Parmi les cadavres de combattants, se trouvent les cadavres des habitants fusillés.

Pour les soldats rescapés, ce sera la captivité en Allemagne.

 

 

 

Récit des combats de Bazeilles
Chaque année, les 31 août et 1er septembre, les Troupes de Marine commémorent les combats de Bazeilles. Cette épisode de la guerre de 1870, où s'est illustrée la "Division Bleue" constituée de marsouins et de bigors, est devenu le symbole de l'abnégation et de l'accomplissement de la mission jusqu'au sacrifice suprème.

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Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 31 août 2020