La société de secours aux blessés continue à envoyer des ambulances sur le front. Le 28 août, c’est une ambulance particulière qui quitte Paris, il s’agit de l’ambulance n°15, anglo-américaine.
Rappelons que, pour cette guerre, ces deux nations sont restées neutres.
Malgré son nom, il s’agit d’une ambulance française.
Au commencement de la guerre, des américains vivant à Paris, créent un comité pour organiser une ambulance. Lorsque celle-ci est prête, le comité décide que l’ambulance restera à Paris pour y attendre les Prussiens. Leur foi dans la réussite française est très encourageante !! Mais plutôt visionnaire.
Mais tous les chirurgiens recrutés pour l’ambulance refusent. Pour eux, une ambulance doit secourir les blessés sur le champ de bataille, et non attendre que le champ de bataille arrive jusqu’à elle. N’arrivant pas à se mettre d’accord, les chirurgiens américains décident de quitter le comité et de rejoindre le docteur Wiliam Mac Cormac, le docteur Franck, le docteur Webb et autres médecins anglais pour former une ambulance anglo-américaine. Mais ils ne peuvent fonctionner sans soutien ni autorisation, alors ils proposent leur service à la société française de secours aux blessés, qui accepte immédiatement de les intégrer.
Les anglais ont de l’argent et des provisions, la société les pourvoie en argent supplémentaire, en chevaux, en voitures, tentes et tout ce qui leur manque d’autre.
Alors, aussi étrange que cela puisse paraître, l’ambulance anglo-américaine, composée uniquement d’anglais et d’américain, devient l’ambulance n°15 de la société française, sous organisation totalement française.
Le docteur Marion Sims est le chirurgien en chef. Il a, sous ses ordres, huit chirurgiens majors, cinq chirurgiens aide-majors, cinq chirurgiens sous-aides, un aumônier, un pasteur et dix-huit infirmiers, ces derniers étant français.
Le 28 août au soir, l’ambulance anglo-américaine quitte Paris pour Mezières qu’elle atteint le lendemain soir.
Arrivée là, le maire de la ville confie au docteur Sims, la caserne d’Asfeld, déjà transformée en ambulance. Les soignants prennent possession des lieux le 31 août 1870. Les combats font déjà rage aux alentours. Les blessés commencent à arriver, et, le soir même, trente-six blessés sont déjà entre leurs mains.
Ce n’est que le début. Demain, commence la grande bataille qui verra l’avenir de la France changer de main, demain, c’est la bataille de Sedan, et l’ambulance anglo-américaine va pouvoir justifier de sa création.
Comme pour les autres ambulances, le problème des infirmiers va se poser. Si les chirurgiens sont anglais ou américains, les infirmiers sont français. Ce sont les mêmes genres d’infirmiers que pour les autres ambulances. Excepté deux ou trois, tous les infirmiers sont ignorants, sales et négligents, désobéissants et insolents. Le docteur Sims doit les renvoyer. La société de secours leur adjoint alors des infirmiers militaires, mais la ville est alors aux mains des prussiens, qui veulent les emmener comme prisonniers de guerre, malgré la convention de Genève.
Heureusement pour le docteur Sims, à Donchery se trouvent des dames anglaises venues soigner les blessés. Ces émules de Florence Nightingale acceptent immédiatement de venir soigner les blessés de l’ambulance anglo-américaine. Dès l’arrivée de ces infirmières, l’ambulance change.
Melle Pearson, Mme Mason, Mlle Mac Laughlin, Mlle Neligan, Mlle Barclay et Mme Hottemann viennent de Londres. Rappelons qu’en France, les femmes sont interdites d’hôpital militaire et d’ambulance volontaire. Seules les religieuses peuvent soigner les blessés.
C’est là une grande nouveauté, et une grande aide pour les chirurgiens.
Mais, pour l’heure, l’ambulance s’installe dans la caserne d’Asfeld. C’est un bâtiment à deux étages, de quatre-vingt mètres de long et contenant, à chaque étage, neuf grandes salles et quatre petites. Connaissant, d’expérience, les problèmes liés à la promiscuité et à l’air vicié, les fenêtres resteront ouvertes, quelque soit le temps, et le sol bitumé des salles sera lavé deux fois par jour avec une solution phéniquée. Tous les objets de pansement ayant servi, seront brûlés.
Ce sont des méthodes anglo-saxonnes qui vont être appliquées, loin des méthodes françaises.
Le jour même de leur installation, le 31 août, les premiers blessés commencent à arriver. Des combats ont lieu à cinq kilomètres de là. Les plus atteints sont amenés sur des brancards, les autres, arrivent à pied, comme ils peuvent. Le docteur Webb et quelques aides sont là, à les accueillir. La plupart ont déjà été pansés sur le champ de bataille.
Les moins blessés ont leurs pansements refaits. Ils sont renvoyés, avec un ou deux biscuits à manger. Renvoyés où ? Rejoindre leur régiment ? Ils ne sont pas assez blessés pour rester à l’hôpital, mais peuvent-ils retourner au combat ? Beaucoup insistent pour rester, supplient même, mais les médecins ne peuvent accueillir que les plus atteints et doivent les renvoyer.
Cent trente soldats arrivent à l’ambulance dans l’après-midi. Ils sont soignés, renvoyés ou admis.
Vers six heures, alors que l’organisation se poursuit dans les bâtiments, on vient les avertir que deux cents blessés sont restés sans soin au village de Balan, centre du champ de bataille. C’est à deux kilomètres de là.
Il n’y a qu’une voiture d’ambulance, conformément à leur méthode d’organisation, mais elle est prête, et six chirurgiens partent, dont les deux chefs de l’ambulance, le docteur Sims et le docteur Mac Cormac.
Les blessés sont éparpillés dans les maisons et les voitures restées sur place. Trois médecins restent à Balan pour les soigner, pendant que les autres vont sur le champ de bataille. Pendant plusieurs heures, ils vont porter secours aux soldats, couchés sur le sol même de leur calvaire, abandonnés là par les régiments en fuite.
Le docteur Mac Cormac, avec l’aide de ses habitants, investit une grande maison où il dispose des lits sur le sol et improvise une table d’opération.
La nuit est déjà là.
Le premier arrivé, un soldat de la marine, a le tibia gauche fracassé par une balle. Il doit être amputé. Le second, un artilleur, subira le même sort, un éclat d’obus lui ayant broyée la jambe. Contrairement à beaucoup d’amputé, ces deux-là survécurent à leurs blessures et opération.
Les opérations s’enchainent, parfois pour rien, l’état des blessés étant trop grave. Pendant l’après-midi et la soirée, 260 blessés seront secourus par les anglo-américains. Deux d’entre eux vont rester à Balan, plusieurs jours, tandis que les autres rentrent à Sedan.
Le lendemain, le pire les attend. Le lendemain, 1er septembre.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 28 août 2020