Lors de la guerre de 1870, il y eut les ambulances militaires, rattachées aux régiments, plus ou moins bien loties, et il y eut les ambulances privées, dont celles de la Société de secours aux blessés.
Ces ambulances étaient neutres et pouvait, pour cela, aller et venir d’un camp à l’autre, en théorie.
La deuxième ambulance de cette société était appelée ambulance de la Presse Française. Elle était composée du vicomte Foucher de Careil, délégué de la société, Marc Sée, chirurgien en chef, de quatre chirurgiens-major, neuf chirurgiens aide-major, treize chirurgiens sous-aide, l’abbé Loizellier et Emmanuel Domenech, aumôniers, Espérandieu, pasteur protestant, cinq comptables, deux infirmiers-majors, un piqueur, dix cochers et cuisiniers, un maréchal-ferrant, le comte d’Aboville, fourrier, Lançon, dessinateur, et soixante infirmiers, dont Habeneck, rédacteur au journal « la marseillaise ». Auguste André Lançon va d'ailleurs laisser, à la postérité, des dessins de cette guerre.
C’est un véritable hôpital itinérant, dont la vocation est d’aller, de champ de bataille en champ de bataille, pour donner les premiers soins, avant que les blessés ne soient évacués à l’arrière des combats. D’Espine avait une autre fonction. Outre aide-chirurgien, sa connaissance de la langue allemande le plaçait comme interprète.
Il ne s’agit pas de militaires. Si les « gradés », chirurgiens, aides et autres membres de l’ambulance qui ne sont pas infirmiers, sont tous volontaires pour des raisons qui leurs sont propres. Les caractères, les origines, les talents sont divers et variés au sein du groupe, les accords et désaccord seront nombreux.
En ce qui concerne les infirmiers, l’ambulance en possède de chacune des quatre catégories peuplant les ambulances civiles : les dévoués, qui consacrent leur temps aux blessés, les utiles, qui s’occupent surtout de l’intendance, cuisine, chevaux et service, les inutiles, qui mangent, boivent, dorment et ne font rien d’autre, et les Ivrognes-voleurs (soit l’un, soit l’autre, parfois même les deux). Ces derniers ne sont là que pour piller les morts, les blessés, les villages traversés. Il faudra attendre la réorganisation des ambulances, à Tours, pour que tous les infirmiers soient renvoyés et remplacés par des membres de corporations religieuses, évitant ainsi, le discrédit des ambulances privées.
Pour compléter le convoi, six fourgons transportent les grandes tentes pour les blessés, les brancards, les vivres et tout le matériel de pansement, ainsi que les cantines du personnel. Un omnibus à six places devant servir à « l’état-major » de l’ambulance, mais qui sert surtout à transporter leurs effets. Il y a, en plus, deux chevaux, pour services exceptionnels. L’armée est passée par là, et les seuls chevaux qui restent sont vieux, usés et fatigués.
L’ambulance de la presse française quitte Paris le 11 août pour se rendre à Metz en chemin de fer.
Mais la route n’est pas simple. Arrivée à Frouard, la voie est coupée à un kilomètre de la station. Les prussiens tiennent la gare. Les civils fuient la ville. Les militaires présents dans le train, descendent pour engager le combat. Mais les prussiens n’ont fait que passer.
Le train ne peut continuer et doit rebrousser chemin. Qu’à cela ne tienne, l’ambulance ira jusqu’à Toul pour y prendre la route de Metz, à pied.
Le 13 août, à 10 heures du matin, l’ambulance repart de Toul, à pied. Elle assiste au triste spectacle des militaires et des civils abattant les arbres et les maisons qui sont dans la zone de défense.
Jusqu’à Rozières, tout va bien. Bien accueillie par la population, l’ambulance y reste pendant une heure puis reprend sa route jusqu’à atteindre, vers six heures, une hauteur dominant Dieulouard.
Arrivés là, les membres de l’ambulance entendent des coups de feu provenant de la voie de chemin de fer, en contre-bas. Elle croise des femmes et des enfants qui fuient la zone de combat.
Envoyés en estafette avec le drapeau de la Société, Habeneck, rédacteur de la « Marseillaise », Espérandieu, le pasteur protestant, et Domenech, le prêtre catholique, se rendent dans la commune. Ils apprennent qu’un train composé du 40e, du 14e et du 20e de ligne a été attaqué par des batteries prussiennes, en face de Dieulouard. Le train est reparti, laissant derrière lui deux blessés, un français et un prussien, installés dans l’école transformée en ambulance.
Le maire de la commune, également médecin, est en train de les soigner. Le prussien a la cuisse traversée par une balle de chassepot. Le français a reçu trois éclats d’obus, d’on l’un, fiché dans son poumon droit, ne pourra être extrait. Les trois fantassins qui ont amené le blessé français ont tout juste le temps de partir que les prussiens arrivent et envahissent la place. Plus de 1 100 prussiens s’installent dans la commune.
Le blessé français s’appelle Jules Hyre. Né le 12 avril 1848 à Ivry, il fait partie du 14e de ligne. L’éclat d’obus a traversé sa poitrine, entre les 2e et 3e cotes, à droite. Souffrant d’engorgement pulmonaire et de dyspnée, il survivra à ses blessures. Pensionné le 31 octobre 1872, pour perte de l’usage d’un membre, il se mariera à Paris, deux ans plus tard.
Pendant la nuit, le village est pillé. Les portes et fenêtres fermées sont fracassées. L’occupant exige.
Les seuls villageois encore là, sont les plus pauvres. Ceux qui n’ont nulle part où aller, et pas de cheval ou d’âne pour les emmener. Leurs femmes ont fui dans les bois, celles que l’ambulance a croisé en arrivant.
La communication passe difficilement entre ces pauvres hommes et les prussiens qui leur prennent ce qui leur reste. Les membres de l’ambulance qui parlent allemand essayent de les aider, traduisent les ordres, pendant que les autres membres protègent l’ambulance de la rapacité des occupants.
L’ambulance n’obtiendra le droit de reprendre la route que le lendemain et, dès 6 heures du matin, part pour Pont-à-Mousson, vers d’autres champs de bataille.
Auguste LançonAndré Lançon dit Auguste Lançon à partir de 1872, né à Saint-Claude (Jura) en 1836 et mort à Paris en 1887, est un peintre, graveur et sculpteur français. André Lançon étudie à l'école des beaux-arts de Lyon et finit ses études à Paris. Il devient sculpteur animalier par admiration pour les œuvres d'Antoine-Louis Barye.
http://www.deartibussequanis.fr Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 13 août 2020