A 27 km de Reichshoffen se trouve la citadelle de Bitche.
Elle est bâtie sur une éminence, plus basse que les hauteurs qui l’entourent.
Quatre bastions sont aux angles, et son corps est très allongé et étroit.
Sous la majeure partie des constructions s’étendent des caves reliées entre elles par des passages souterrains.
Un puits profond permet l’alimentation en eau pendant un siège et trois citernes alimentées par l’eau pluviale complète ces ressources.
La ville s’étale sous le fort, bordée par la Horn.
Au bout de la ville, il y a un camp retranché qui va de la rampe menant aux glacis du château jusqu’à un fortin construit récemment. Tout autour se trouve une campagne boisée.
Bitche est loin de tout, isolée, à l’abandon et à peine armée. Rien n’est prévu, puisque la France doit gagner la guerre.
A l’intersection de cinq routes conduisant à Strasbourg, à Wissembourg, à Sarreguemines, Metz et Phalsbourg, entre autres, c’est pourtant une place stratégique. La voie ferrée qui dessert la ville relie le Rhin à la Moselle et Strasbourg à Metz.
Le 5e corps s’y trouve jusqu’au 6 août. Le généra de Failly lève le camp pour se porter au secours de Mac-Mahon et la ville reste sous la responsabilité du commandant Teyssier.
Si l’on doit qualifier cet homme, c’est un guerrier indestructible. Laissé pour mort devant Sébastopol, à l’assaut du bastion central, tête fendue, main droite broyée, il est fait prisonnier par les russes.
En Italie, il est laissé pour mort à Montebello, la poitrine traversée de part en part. Indestructible.
En ce 8 août 1870, il commande la place de Bitche. Les hommes sous ses ordres sont les 800 hommes d’un bataillon du 86e de ligne, menés par le commandant Bousquet, 200 douaniers menés par l’inspecteur Narrat, 250 artilleurs de la réserve, menés par les capitaines Poulleau, Lair de la Motte et Lesur.
A mesure que les combats à l’extérieur vont avoir lieu et être perdus, les effectifs vont se gonfler d’un millier d’hommes isolés de leurs régiments, de toutes les armes, pour la plupart venus de Reischoffen et de 250 gardes nationaux composant la milice de la ville.
La première tâche du commandant Teyssier est de mettre de l’ordre dans la débâcle. En moins de deux jours, le personnel administratif resté sur place s’organise. Une trentaine de gendarmes rétablit l’ordre. Les « isolés » sont rassemblés dans le camp retranché et mis sous le commandement au capitaine d’artillerie Lair de la Motte. Le capitaine Guéry est mis à la tête du génie, le capitaine Jouart, à celle de l’artillerie. Le fortin du camp retranché est occupé par une soixante de turcos et quelques fantassins égarés loin de leur régiment.
L’hypothèse probable d’un siège oblige à faire des réserves. Des détachements sont envoyés récupérer tout ce qu’ils peuvent de bétail, dans les environs. Un convoi de vivre et de fourrage emmagasiné dans la gare sont également récupérés. Il y a de quoi tenir quatre mois en vivres, moins en sel et luminaire. Le peu de vin et d’eau-de-vie est réservé aux malades. La garnison devra se contenter de l’eau.
La défense du château comprend 53 pièces d’artillerie, avec des obusiers ancien modèle, des canons de 4 à âme lisse et des mortiers à main. Heureusement, il y a aussi deux pièces rayées de 24, six pièces rayées de 12 et cinq mortiers de 0.27. A cela s’ajoute des fusils à tabatière et leurs cartouches, beaucoup de fusils lisses non transformés et un peu de cartouches chassepot.
Ce qui ne manque pas, par contre, c’est la poudre à canon. Il y en a tellement que son stockage devient dangereux et difficile.
Peut-être que le général du 5e corps a laissé entendre qu’il serait inutile de défendre la ville ; certainement que le maire de la ville aimerait que la ville soit laissée telle quelle aux mains de l’ennemi. Pour le commandant Teyssier, livrer la ville, c’est livrer le fort. Le fort est une place-forte à défendre donc, la ville sera défendue.
Le 7 août, des éclaireurs prussiens commencent à arriver. Puis de grosses reconnaissances viennent tâter le terrain et vérifier les possibilités de prise de la ville.
Ils sont accueillis par trois bordées d’une pièce de 24.
Le 8, un officier allemand vient demander la reddition de la place. Le commandant Teyssier refuse.
Entre deux et trois heures de l’après-midi, deux batteries ennemies, établies, l’une sur la route de Wissembourg, l’autre au bord de la route de Strasbourg, à deux km, commencent à faire pleuvoir les obus sur la place.
Le siège de Bitche vient de commencer.
Pendant huit mois, dans l’obéissance des prescriptions relatives aux places assiégées qui veulent qu’elles ne tiennent pas compte de ce qui se passe à l’extérieur, Bitche va résister à la Prusse.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 8 août 2020