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Froeschwiller, 7 heures du matin, une fusillade éclate aux avant-postes. A 9 heures, l’engagement est général sur tout le secteur de Froeschwiller : Reischoffen, Woerth, Gunstett, Langensulzbach, Elsasshausen, Morsbronn.

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Le 1er corps d’armée, fort de 25 000 hommes va affronter 70 000 soldats prussiens. Pourtant, tout le 3e corps, soit 35 000 hommes, avec la division du Mexique et la garde sont très proches des combats, mais l’ordre d’avancer arrivera trop tard.

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L’armée française a deux handicapes qui vont lui faire perdre cette bataille : l’armée d’Alsace est déployée trop tôt et en ligne et son artillerie est largement inférieure à ce qu’elle devrait être. Le premier problème empêche le maréchal de Mac-Mahon de parer et riposter au mouvement enveloppant de l’armée allemande, le deuxième oblige l’infanterie française à combattre, pratiquement seule, les deux armes, artillerie et infanterie prussiennes.

Vers 11 heures, les prussiens tirent sur le champ de bataille et jusque sur la réserve avec près de quatre-vingt bouches à feu placées en batterie sur les hauteurs de Gunstett, fauchant les troupes d’infanterie françaises.

Cette fois encore, le 1er tirailleurs va être héroïque. 1 700 turcos vont charger à la baïonnette et obliger, un temps, les troupes allemandes, à quitter Elsashausen, le Petit Bois et une partie du Nieder-Wald. Mais la bataille est déjà perdue à ce moment-là.

Vers trois heures, le maréchal ordonne la retraite sur Saverne, sous la protection de la 1ère division, qui elle-même se retire sur la Petite-Pierre.

Le bilan est très lourd, 17 000 français sont hors de combat, dont 6 000 portés disparus. Les allemands essuient également de lourdes pertes, avec 10 527 hommes hors de combat.

Les troupes battent en retraite dans le désordre le plus complet et se dirigent sur Reischoffen, Saverne et Niederbronn. L’ennemi continue à avancer et les projectiles qu’il envoie sur cette armée en débandade creuse des sillons sanglants. Le terrain est couvert de mourants et de blessés. Beaucoup sont abandonnés sur place.

Un nombre important d’officiers supérieurs et de commandants de compagnie sont morts. Les régiments sont totalement désorganisés. Beaucoup d’hommes sont sans effet de campements ni même de munitions et il est impossible de leur en trouver. Le Maréchal doit donc continuer sa retraite jusqu’au camp de Châlons, pour y trouver les ressources manquantes à son armée.

Sur le chemin de la déroute, le maire de Reichshoffen, Paul Louis de Leusse, dois gérer les encombrements dans sa ville. Il faut que les

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convois passent coute que coute. Les voituriers civils refusent d’avancer, et il doit les menacer pour qu’ils dégagent le terrain « si dans cinq minutes vous n’êtes pas parti, je brûle la cervelle à votre cheval et cinq minutes après, si vous y êtes encore, je ferai sauter la vôtre ». A 10 heures, il a réussi à dégager le village qui accueille très vite, les premiers blessés. Les écoles, l’église et le château se remplissent. Bientôt, ils sont si nombreux qu’on ne sait où les mettre.

Le lieutenant-colonel Victor Martin Colonieu, des turcos, arrive avec deux balles dans le corps et trois dans son cheval. Paul Louis de Leusse le prévient qu’il sera fait prisonnier s’il reste. Qu’à cela ne tienne, il peut bien faire encore une heure de route jusqu’à Saverne, et son cheval aussi.

A 5 heures, les boulets commencent à atteindre la ville. Le maire de la commune donne un guide au général Ducrot, au capitaine Bossan, son aide de camp et au capitaine de cavalerie de Néverlée, son officier d’ordonnance, pour qu’ils réussissent à échapper aux prussiens qui sont déjà là, en traversant les bois. Ils évitent ainsi la capture.

Pour Reichshoffen, c’est fini. Paul Louis de Leusse est sur le perron du château, entouré de blessés lorsque les prussiens arrivent. Il agite un mouchoir blanc et va à leur rencontre. Il y a 250 blessés dans le château, dans les vestibules, sur les escaliers dont les marches ruissellent de sang, dans le grand salon où sont étendus plus de vingt officiers, et 1150 blessés dans le village et aucun médecin.

A 5 heures et demie, toutes les issues sont bouclées. A 6 heures, les intendants de la 3e division et les médecins arrivent. A ce moment-là seulement, les blessés peuvent être pansés.

A l’hôpital militaire de Strasbourg, les blessés commencent à arriver dans la soirée. A peu près cinq cents d’entre eux sont transportés dans les ambulances de la société de secours, dont celle de la halle couverte, et quatre-vingts sont dirigés sur l’hôpital militaire.

Même s’ils passent tous entre les mains des médecins, certains ne seront pas soignés : les éventrés par éclat d’obus, les fractures du crâne avec délabrements, les larges mutilations des membres avec hémorrhagie. Les médecins n’ont pas le temps de s’en occuper. La priorité est donnée à ceux qu’ils peuvent sauver. Les autres meurent dans l’heure, ou parviennent à survivre quelques heures, voire quelques jours, avant de succomber.

Les combats qui se déroulent à Froeschwiller ne sont pas les seuls que l’armée doit affronter ce 6 août.

Le quartier de l’état-major du 2e corps est à Forbach. C’est là que va se dérouler une autre bataille, également appelée bataille de Spicheren (Spikeren) ou Styring-Wendel.

Forbach

Le général Frossard tient la place mais n’a aucun ordre. Doit-il attaquer ? Refuser le combat ? En fait, il ne sait pas pourquoi le 2e corps est à Forbach. Le général est dans la même position que le général Douay à Wissembourg. On sait ce que cela a donné.

Lui aussi se trouve avec les renforts de quatre divisions du 3e corps à 14, 19, 20 et 18 km, et comme pour Wissembourg, aucune ne viendra à sa rescousse. Les premières lignes sont placées de telle manière qu’elles sont séparées par le Spicheren-Wald. Le front de combat va être coupé en deux par des pentes boisées et abruptes, la forêt de Spicheren, entre Stiring et Spicheren, où seule l’infanterie peut combattre.

Les ordres qui devraient être donnés sont absents. A Forbach, le convoi du quartier général, composé de 35 voitures du train régulier

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et de 300 voitures auxiliaires, ainsi que les convois des divisions ne reçoivent aucun ordre en prévision de la bataille et encombrent l’unique route de Saint-Avold. Lorsque l’ordre arrive enfin, l’avant-garde allemande est déjà là et l’armée prussienne ouvre le feu sur les voitures du train auxiliaire. Les conducteurs civils, pris de panique, s’enfuient laissant 150 voitures aux mains de l’ennemi.

L’approvisionnement en munition, là encore, va manquer, et dès quatre heures du soir, l’infanterie de la division de Laveaucoupet n’a plus de munition.

A sept heures du soir, le général Frossard donne l’ordre de la retraite. Pourtant, à ce moment-là, le 2e corps a réussi à contenir l’ennemi. Mais le général est seul, sans ordre, les munitions viennent à manquer et aucune aide de troupe fraiche n’arrive aux français, contrairement aux prussiens. La retraite est donc faites vers Sarreguemines.

Les pertes françaises s’élèvent à 4 078 hommes hors d’état (320 morts dont trente-sept officiers, 1664 blessés et 2096 disparus). Les pertes allemandes sont équivalentes.

Les blessés de la bataille de Forbach sont évacués à Metz par la voie de chemin de fer. Un grand nombre d’entre eux reste à Saint-Avold, et tombent entre les mains de l’ennemi. Les médecins militaires qui ont refusé de les abandonner sont capturés avec eux. Malgré la convention de Genève, les prussiens refusent de les considérer autrement que comme des prisonniers de guerre. Certains réussissent à s’échapper en passant par la Belgique. L’article 3 de la convention de Genève est violé dès le début de la guerre.

Après la bataille de Forbach, l’armée bat en retraite sur Metz.

Le bilan de la journée est terrible : le maréchal de Mac-Mahon a une division entièrement détruite à Froeschwiller, le général Frossard est battu à Forbach, l’ennemi est sur le territoire français et l’armée française recule.

Au soir du 6 août, le 2e corps a battu en retraite à Sarreguemines et Puttelange. Le 3e corps est à Saint-Avold, Woustwiller, Puttelange et Valmont. Le 4e corps est à Boulay, le 6e au Camp de Châlons, Nancy et Paris, la garde est à Courcelles-Chaussy.

Et cela ne fait que commencer.

Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 6 août 2020