A la guerre, il y a les batailles, les combats au corps à corps, les morts et les blessés............. c'est la règle. Mais qu'arrive-t-il aux blessés ?
La plupart des blessés et des amputés sont transportés sur cacolets ou litières, le jour même, ou le lendemain de la blessure. Ils quittent l'ambulance qui leur a donné les premiers soins pour être dirigés vers l'ambulance de la plage, à Kamiesch où il ne font que passer, un jour, deux jours..... jusqu'à six jours d'attente pour être évacué sur les hôpitaux de Constantinople. Cela nécessite donc une traversée de la mer Noire, par tous les temps, en quatre jours.
Cette traversée s'effectue rarement sur des bâtiments de la marine mais plus souvent sur des transports de commerce et dans des conditions................ pas idéales pour des blessés, même à l'époque.
En général, il n'y a à bord ni médecin, ni soignant et pas de provisions autres que celles du bord.
Les amputés sont placés à l'entre-pont, les blessés et les malades sur le pont, tous serrés les uns contre les autres, immobilisés durant tout le voyage au milieu du pus et des déjections des diarrhéiques.
Pendant la traversée, sans soin, des hémorragies foudroyantes achèvent beaucoup de blessés et d'amputés. Chez les autres, ce sont des complications graves qui apparaissent (pneumonies, bronchites) sous l'influence du froid ainsi que escarres, gangrène, pourriture.
A cela s'ajoute, pour les survivants à la traversée, de nouvelles fatigues dues au transport des bateaux vers les hôpitaux de Constantinople, également très encombrés. Les lits n'ont pas le temps de refroidir.
A cela s'ajoute le typhus.
En avril 1855, tous les bâtiments chargés du transport des malades sont plus ou moins atteints par le typhus. L'escadre française a 1 713 malades. Typhus pendant la traversée de Kamiesch à Constantinople et typhus pendant la traversée de Constantinople à Toulon et Marseille.
Ce même mois, l'effectif moyen des troupes françaises est de 91 000 hommes. Les mouvements dans les ambulances de Crimée indiquent 4 433 malades et blessés évacués dont plus de la moitié sont des malades (fièvre, choléra, scorbut, typhus).
C'est le siège de Sébastopole avec 356 tués, 2482 blessés et 50 disparus dans l'armée française.
Un exemple de ce voyage infernal ?
Jean Baptiste Champion, soldat au 9e bataillon de chasseurs à pieds, originaire de Lussac, dans la Vienne, est blessé le 11 avril 1855 au siège de Sébastopole d'un coup de feu à la tête avec fracture du crane, d'une plaie pénétrante au côté gauche et d'un coup de baïonnette à la main gauche. Il entre à l'ambulance de la 2e division du 1er corps le lendemain. Il est évacué le 16 avril, et arrive, deux jours plus tard à l'hôpital de Kamiesch. Il est évacué le 28 mai et arrive en France le 4 juin 1855.
Bilan : perte absolue de l'usage des deux membres après dix ans onze mois et vingt-huit jours de service. Il bénéficie d'une pension à compter du 30 juillet 1855.
Survivre au combat, survivre à ses blessures, survivre aux déplacements des ambulances aux hôpitaux de Constantinople, des hôpitaux de Constantinople aux hôpitaux français, survivre au typhus et au choléra............ effectivement, les blessés qui ont pu toucher leur pension sont des survivants.
Christine Lescène - le blog d'une généalogiste