Siège de Paris : le bombardement de Paris et des forts continue sans interruption. Dans la nuit, une partie de la ville située entre Saint-Sulpice et l’Odéon, reçoit un obus toutes les deux minutes. Tout est cible : les hôpitaux regorgeant de blessés, les ambulances, les écoles, les musées et les bibliothèques, les prisons, l’église de Saint-Sulpice, celles de la Sorbonne et du Val-de-Grâce, un certain nombre de maisons particulières. Les victimes ne sont plus militaires mais civiles. Des femmes, des enfants, sont tués dans la rue, ou dans leur maison. Le musée du Luxembourg qui contient les chefs-d’œuvre de l’art moderne et le jardin où se trouve une ambulance, qu’il faut évacuer en urgence, reçoivent vingt obus en quelques heures. Les serres du Muséum sont détruites. Au Val-de-Grâce, pendant la nuit, deux blessés, dont un garde national, sont tués dans leur lit. Le dôme du Val-de-Grace, visible de loin, sert de cible aux artilleurs prussiens.
Vers une heure du matin, dans un établissement scolaire rue de Vaugirard, le Frère directeur fait lever les enfants pour qu’ils aillent s’abriter dans les caves. Ils sont un millier, que les parents ne sont pas venus chercher, malgré les suppliques du directeur. Ils sont presque tous en sécurité lorsqu’un obus tombe sur l’école, traverse le toit pour éclater dans un dortoir, traverse un deuxième pour finir sa course dans un troisième. Trois des élèves sont tués sur le coup, la tête emportée par l’explosion. Un quatrième ne survit pas à ses blessures. Vite, les blessés sont transportés dans une salle basse. Malgré le bombardement, deux chirurgiens, bravant le danger, viennent au secours des enfants blessés, dont un chirurgien du 19e bataillon. Ils vont rester auprès d’eux pendant trois heures. Un des enfants est amputé de la cuisse. Il ne survivra pas à ces blessures, portant à cinq le nombre des enfants tués dans l’école. Deux autres enfants grièvement blessés subiront une amputation.
Paris est désormais un champ de bataille.
Armée de la Loire, à Chahaignes, des colonnes prussiennes débouchant de la Maladrerie, se dirigent vers Saint-Pierre-du-Lorouer. Elles sont accueillies par un feu violent de l’artillerie française du général Barry, qui les oblige à reculer. L’ennemi installe alors une batterie à l’Homme, pour déloger les français du Pressoir, mais doit reculer sous le feu de l’artillerie française, jusqu’à la Gandonnière. Il reçoit le renfort de six autres pièces et un combat d’artillerie commence. Une troisième batterie prussienne tire à la volée sur l’arrière des lignes françaises, dans le ravin de Chahaignes, que l’ennemi croit être occupé par la réserve française. La fusillade est maintenant sur toute la ligne de front.
A gauche, le 31e recule lentement, tout en combattant. L’ennemi réussit à passer la Veuve. Pour éviter d’être pris à revers, le général Barry envoie le 8e mobile garder les passages de la forêt de Bersay. Les pièces d’artillerie de la Héraudières réussissent à stopper une colonne prussienne qui tente de prendre le village de Chahaignes. Il est dix heures.
L’amiral Jauréguibery, prévenu de l’attaque, envoie des renforts, mais l’ennemi avance déjà en force sur le plateau de Chahaignes, par le chemin du Présidial, précédé par des pièces d’artillerie de montagne qui tirent la mitraille sur les troupes françaises.
Sous la pression de l’avancée des prussiens et de leur nombre, les français reculent, la droite du Château-du-Loir par Flée, la gauche sur Jupilles par la forêt de Bersay. La retraite est inévitable et le général la fait en ordre et arrive le soir à Jupilles avec son artillerie, pour prendre, le lendemain, la direction d’Ecommoy.
Les pertes françaises s’élèvent à 12 officiers et 350 soldats tués, blessés ou disparus.
Le colonel Bayle, qui allait au secours du général Barry avec le 38e de marche et le 66e mobile se retrouve bloqué, sur le secteur de Courdemanche, lorsque l’ennemi attaque, à dix heures du matin, à la Martinière, Brives, Saint-Frambault et le château de la Chinchuère, défendu par le 70e mobile.
A Brives, les troupes françaises sont débordées par le nombre d’assaillants et, malgré le secours que leur apporte le 46e de marche, ils doivent reculer sur Saint-Pierre et Saint-Vincent du Lorouer.
A quatre heures, apprenant la retraite de celui qu’il devait secourir, le colonel Bayle renonce à la lutte et se replie sur le général de Jouffroy, au Grand-Lucé et à Pruillé-l’Eguillé. La neige tombe à gros flocons, les chemins sont impraticables. Une partie des voitures du convoi doivent être abandonnées, malgré tous les efforts faits pour les dégager des ornières dans lesquelles elles se sont enfoncées.
La 2e division du 17e corps, arrivée à quatre heures du matin sur la route de Saint-Calais, précédée de trois escadrons du 4e régiment de cavalerie légère, atteint Ardenay à onze heures et demie du matin. Le bataillon du 48e forme la tête de la colonne et est placé en grand’garde dans le parc du château d’Ardenay et sur la droite et la gauche de la route. La division s’établit sur la butte d’Ardenay avec, sur sa gauche, quatre compagnies du 85e mobiles pour surveiller la route du Breil, où des coureurs ennemis ont été signalés. La cavalerie et la compagnie d’éclaireurs du capitaine Taillandier revient après une reconnaissance infructueuse, le temps est sombre et la neige épaisse.
A midi et demi, le bataillon d’avant-garde est attaqué par des tirailleurs ennemis. Au bout d’une heure, le combat est général.
La gauche des troupes doit se replier dans les bois, au pied des crêtes d’Ardenay, malgré la résistance du commandant Corcelet du 51e de marche, jusqu’à ce qu’il soit tué. La droite réussit à se maintenir plus longtemps, mais, à la tombée de la nuit, elle doit reculer sur le village d’Ardenay.
Les hommes s’abritent derrière les haies et les chemins creux. La nuit est tombée et l’ennemi arrive en nombre toujours plus important. Avec grand peine, les français réussissent à hisser au sommet de la butte, trois pièces de 4 et une mitrailleuse. Après une demi-heure de canonnade, cette artillerie réussit à réduire au silence une section d’artillerie ennemie placée à 1200 mètres de l’escarpement.
A cinq heures et demie, toutes les troupes de la division sont au combat. Le 85e mobile, à gauche, est menacé par une forte colonne d’infanterie. Sur le front, les hommes repoussent à la baïonnette une attaque dirigée contre un groupe de maisons au pied de la butte.
L’obscurité est presque complète. Les hommes, épuisés par la marche pénible de la veille et la lutte de la journée n’en peuvent plus. Le général Paris décide donc qu’il est impossible de conserver la position jusqu’au lendemain. Il profite de la nuit et poursuit le combat jusqu’à ce que l’artillerie et les convois aient pris de l’avance en arrière.
A Thorigné, le 26e de ligne attend les renforts du général Goujard, qui remonte la rive gauche de l’Huisne. Au matin, trois colonnes ennemies débouchent par les routes de Breil, de Dollon et de Bouloire et les obligent à abandonner le village. Les allemands marchent alors sur Connerré mais le 26e résiste et réussit à les arrêter. Il a reçu les renforts du 90e mobiles, bataillons de la Corrèze et de la Sarthe, sous les ordres du colonel Feujeas et ils tiennent jusqu’à la nuit.
Sur la route de la Ferté-Bernard, une autre attaque est repoussée par le lieutenant-colonel Roux. L’ennemi, rendu maître de Vouvray, qu’il incendie et ayant repoussé le bataillon de l’Aude qui gardait le village, arrive sur le flanc droit des troupes françaises. La position est dangereuse. Le lieutenant-colonel Roux, le commandant Lombard du 13e chasseurs à pied et le chef d’escadrons Dubuquoy, du 6e dragons, entraînent leurs troupes à l’offensive et réussissent à refouler l’ennemi à la baïonnette jusque dans les bois. La colonne française dégagée peut se replier sur Connerré, protégée par l’artillerie qui a, jusqu’à ce moment, été rendue muette par la neige qui tombe en abondance depuis le matin. A la nuit tombante, les fusiliers marins et le 19e de ligne qui gardent la barricade de la Touche-de-Veau, à l’intersection de la route de Connerré au Breil et de celle de Thorigné à Soulitré, tentent une attaque contre Thorigné. Mais les troupes de renfort ne reçoivent pas l’information et, malgré une lutte acharnée, l’opération échoue. Les marins réussissent néanmoins à se dégager et ramener leurs blessés.
A neuf heures du soir, l’ennemi se présente par la route de la Ferté mais ne peut en déloger le 5e bataillon de fusiliers marins qui la garde.
Le 76e mobiles, Ain-Aude-Isère, perd quatre officiers, le capitaine Pailhez, le lieutenant Aupin et les sous-lieutenants Poudon et Roussel sont tués au combat.
Le 62e de ligne, de la division de Bretagne, est attaqué à la Belle-Inutile par des forces ennemies considérables et doit reculer sur Saint-Mars, laissant une partie du convoi de la 1ère division entre les mains de l’ennemi.
Les hommes sont épuisés. Leurs vêtements sont mouillés sans qu’ils puissent se sécher. Ils peinent à obtenir de quoi manger et, ils doivent encore trouver le moyen de préparer et cuire leurs aliments avant de les manger. L’ennemi est de plus en plus important et la résistance devient impossible. Le général Rousseau demande à se retirer sur Montfort et Pont-de-Gennes. Sa division a eu vingt-quatre morts, 98 blessés et un prisonnier. Le colonel Feujeas, malgré deux blessures reçues, est resté à son poste de combat, jusqu’à ce que son cheval soit tué sous lui.
Malgré les officiers envoyés aux nouvelles sur toutes les routes, le général en chef n’a aucune nouvelle des généraux Barry, de Curten et de Jouffroy. Il ne reste que la ligne télégraphique de Château-du-Loir qui fonctionne encore, où se trouve l’amiral Jauréguiberry. L’ordre qui lui est envoyé est clair : il faut protéger la route du Mans. Aucun régiment ne doit battre en retraite sur Le Mans sans avoir tenu jusqu’à la dernière extrémité. Le bilan des combats est de 24 tués, 98 blessés et 756 disparus.
La bataille du Mans se prépare.
Le 75e mobile, Loir-et-Cher et Maine-et-Loire, s’apprête à partir pour Parigné-l’Evêque. Il a quitté son campement des sapinières et fait mouvement par une neige abondante qui couvre la terre d’une couche épaisse.
Le 49e mobile, Orne, la 2e brigade du lieutenant-colonel Des Moutis est sur la route de Saint-Remy-la-Chapelle à Connerré. Les francs-tireurs du Mans s’installent au château de Couléon, pour doubler l’infanterie de Marine.
Le 33e mobile, Sarthe, cantonne à Changé et part, le 9 janvier, pour Yvré-l’Evêque. LE bataillon est disséminé par sections dans les maisons qui bordent la route de Paris, en face du plateau d’Auvours. Dans la nuit, Denis Erard est réveillé par une sentinelle qui le prévient. La route de Paris regorge de soldats de toutes arme. Ils marchent en désordre en direction du Mans. L’artillerie est tirée par des chevaux fourbus, il y a des marins, des mobiles, une véritable cohue de soldats hâves, crottés jusqu’à l’échine, harassés. Ils se trainent avec peine. Ce sont les soldats qui ont combattu du côté de Nogent-le-Rotrou et qui, depuis, battent en retraite. Ils ont marché toute la nuit et ne savent pas où ils vont. Triste spectacle qui n’augure rien de bon pour le jour qui s’annonce.
Armée de l’Est, à Villersexel, Bourbaki remonte les deux rives de l’Ognon et se heurte aux troupes de Werder. Le combat dure toute la journée, et, dans le bourg, une grande partie de la nuit. Pour une fois, les français sont les plus nombreux, 50 000 contre 25 000. Les allemands réussissent à se dégager et se retirent sur Belfort. Les pertes françaises s’élèvent à 27 officiers et 627 soldats hors de combat. Le canon de Villersexel s’entend jusqu’à Belfort qui guette l’arrivée de Bourbaki.
A Péronne, pensant que Faidherbe ne pourra les secourir, le commandant de la place capitule. Les 3500 hommes de la garnison sont faits prisonniers. Pas une maison n’est intacte et la variole sévit dans la ville.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 9 janvier 2021