Théophile est le fils aîné d’une fratrie de trois enfants. Né le 22 juin 1846, à Autainville, il est le fils d’Eugène Lafaille et de Rosalie Leroux. Lorsque la guerre éclate, il est tailleur de pierres, dans sa commune de naissance.
Comme tous les hommes de la classe 1866 qui ne sont pas déjà au service militaire, il est rappelé et intègre le 75e, deuxième bataillon, deuxième compagnie de la garde mobile du Loir-et-Cher. Il arrive le 2 septembre au corps.
Le 8 novembre, le 75e bivouaque près d’Ouzouer-le-Marché, à moins de dix kilomètres à vol d’oiseau de chez lui. Le camp du 16e corps s'étend à perte de vue.
Le lendemain, après une nuit tranquille, dès huit heures, les hommes font mouvement dans la plaine de Beauce.
Vers dix heures, ils entendent le son du canon. Les combats sont devant eux. C’est le baptême du feu pour le 2e bataillon, celui de Théophile. La bataille de Coulmiers a commencé.
Les hommes tombent sous la pluie d’obus et les balles. Les rangs se serrent pour combler les vides. Les mobiles continuent à avancer et participent à la charge générale de la division. Ils arrivent les premiers au village de Champs. Les prussiens sont repoussés.
Les pertes sont énormes. Mille cinq cents hommes sont hors de combat. Les blessés sont nombreux dans le bataillon. Ils sont transportés à Epieds, dans l’attente de l’arrivée des ambulances.
Pendant la nuit, les soignants se rendent sur le champ de bataille. Le temps est affreux. Ils parcourent les champs, dans tous les sens, à la recherche des blessés et des morts. Beaucoup de blessés se sont trainés jusqu’aux fermes les plus proches, à la recherche de secours ou d’abri.
Quelque part, au sein de cette terrible bataille, Théophile est tombé. Il est grièvement blessé, mais il n’est pas emmené avec les autres à Epieds. Autainville, en lisière de la forêt de Marchenoir, est proche de la zone de combat. Il est transporté par d’autres mobiles chez ses parents.
Le lendemain, le docteur Camille Baudron, médecin à Ouzouer-le-Marché, lui prodigue ses soins. Il va le soigner jusqu’au 30 novembre. Son état est trop grave pour qu’il soit transporté à l’ambulance qui s’est établie le 12, à Ouzouer-le-Marché. C’est l’ambulance de l’école de médecine. Elle va y soigner cent vingt blessés.
A plusieurs reprises, le docteur Baudron emmène avec lui le docteur Muller, chirurgien major de l’ambulance, mais tous leurs soins sont inefficaces. Théophile souffre de plaies pénétrantes à la poitrine et des hémorragies consécutives.
Après vingt jours d’atroces douleurs, Théophile décède chez lui, le 30 novembre, à onze heures du matin, entouré de sa famille. Une consolation que beaucoup n’auront pas, morts sur le champ de bataille ou dans les ambulances, bien loin de chez eux.
Son père et son beau-frère, Désiré Emmonet, déclarent son décès le lendemain, à onze heures du matin. Il sera inhumé au cimetière d’Autainville, au frais de sa famille. Son acte de décès ne contient aucune mention de la guerre ou de l’armée. Impossible, à sa lecture, d’imaginer son histoire. En août 1871, ses parents font une demande de secours pour que les frais médicaux et d’enterrement soient pris en charge par l’état, leur fils étant mort à la guerre.
Ils ont perdu leur fils, mais auront eu la double consolation d’avoir été près de lui, jusqu’au bout, et de savoir où il est inhumé.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 13 novembre 2020