à l’hôpital militaire de Strasbourg, une nouvelle catastrophe vient d’arriver, la pourriture d’hôpital. Malgré tous les soins apportés aux blessés et la dextérité des chirurgiens, beaucoup, qui auraient dû guérir et se rétablir, vont mourir.
Il y a déjà 700 blessés dans l’hôpital, et le chiffre va croître jusqu’à la fin du siège. A partir du 10 septembre, les accidents infectieux vont frapper les blessés. Les chirurgiens étaient plutôt satisfaits, jusqu’ici, de leur travail et de l’état de leurs patients.
Cette date du 10 va faire basculer les statistiques encourageantes vers une augmentation de la mortalité. Du jour au lendemain, la pourriture (gangrène) et la pyohémie (septicémie) vont s’installer dans les services, les uns après les autres.
Ces deux calamités prolifèrent à cause du grand nombre de blessés qu’il faut entasser, littéralement, dans les services. Impossible d’écarter les lits, pour une meilleure circulation d’air et empêcher la propagation de ces maladies. Sans compter les règles d’hygiène qui sont quasiment impossibles à appliquer, dans de telles conditions.
Tous les degrés de la pourriture d’hôpital sont présents : diphthérie simple jusqu’à la gangrène. Dans ces premiers effets, les médecins réussissent à enrayer la diphthérie, en cautérisant les plaies avec du persulfate de fer. Mais lorsque la maladie a évolué, rien n’y fait : ni le persulfate de fer, ni le perchlorure, ni l’acide nitrique, ni le nitrate d’argent. Seul le jus de citron semble faire de l’effet, mais dans une ville en état de siège, cette précieuse denrée va vite faire défaut.
Beaucoup en mourront. Certains auront plus de chance.
Antoine Viala, vingt-sept ans, soldat au 87e de ligne, natif de Cadalen, dans le Tarn, reçoit une balle qui lui fracture comminutivement (avec de nombreux fragments) la jambe droite au tiers moyen.
Il est, dans un premier temps, transporté à une ambulance de la ville où ont essaye de lui sauver la jambe, en la plaçant dans une boîte de Baudens. Mais la méthode est mal appliquée.
Il aurait dû être immobilisé avec des liens convenablement disposés. Une inflammation se développe sur tout le membre, suivie de fusées purulentes. Il est alors évacué sur l’hôpital militaire, le 16 septembre, soit quatorze jours après sa blessure.
L’amputation est la seule chance qui lui reste et elle est pratiquée le jour-même de l’entrée d’Antoine dans l’hôpital.
Malheureusement, la pourriture se déclare dès le premier pansement et envahit rapidement toute la plaie et le tissu cellulaire sous-cutané. Une portion de la manchette se gangrène et l’escarre, en se détachant, laisse une boutonnière un pue plus grande qu’une pièce de cinq francs. Les médecins procèdent alors à de larges applications de persulfate de fer qui n’agissent que partiellement sur la plaie. Le moignon est infiltré par le pus. Il faut plusieurs applications de cautère, des injections d’acide phénique au 100e dans les foyers purulents, sans succès. En dernier espoir, le docteur Reeb qui le soigne, utilise le jus de citron. Au bout de deux jours, la plaie devient saine.
Avec la disparition de l’infection, Antoine recommence à manger, dormir et rire. Il prend même du poids. Lorsque le docteur Reeb quitte Strasbourg, le 21 novembre, Antoine Viala est en bonne voie de guérison.
De retour à Albi, il bénéficiera d’une pension pour invalidité à compter du 1er juin 1871. Le 22 juin 1876, il se mariera, à Sant-Genest-de-Contest, dans le Tarn, avec Julie Galinier. Il est devenu ouvrier imprimeur.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 10 septembre 2020