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L'incendie de Lailly

En temps de guerre, les représailles de l’envahisseur sont toujours exercées contre les civils. Lailly en Val, dans le Loiret, en mesure toute l’horreur le 22 octobre 1870.

Alors qu’il fuit le combat, un cavalier bavarois tombe près de la Croix-Blanche. Le maréchal-ferrant qui se précipite pour le désarmer est frappé d’un coup de sabre. Les habitants accourent et le frappent à leur tour à coups d’échalas et le blessent à la tête. Il est remis aux chasseurs du 3e bataillon qui le ramènent à Blois comme prisonnier. Nous sommes le 16 ….. Les représailles attendront le 22 octobre pour s’exercer.

Lailly

Un fort détachement de bavarois arrive dans la commune et se heurte au 3e bataillon de marche commandé par Labrune. La lutte dure deux heures et les hommes de Labrune doivent se retirer sur Moque-Baril. Lailly est aux mains des prussiens et leur vengeance va pouvoir s’exercer.

Elle est épouvantable. Ce que les obus n’ont pas détruit, les soldats vont s’en charger. Le village est pillé puis incendié avec des amas de paille. D’un côté, l’auberge de la Croix-blanche, ses écuries et tout le quartier sont la proie des flammes. De l’autre, l’hôtel du Cygne et les maisons voisines brûlent aussi. En moins d’une heure, vingt-deux maisons sont réduites en cendres.

Entre les deux, les habitants, affolés, ne savent plus que faire.

Ceux qui essayent de sauver leur mobilier sont repoussés dans les flammes par les soldats à coups de baïonnette. On retrouve leurs corps carbonisés le lendemain. Un enfant a le bras traversé par une balle.

Un vieillard est tué à coups de sabre, deux jeunes gens et un ouvrier sont tués par balles, quatre autres grièvement blessés. Des hommes, des femmes et des enfants qui cherchaient à s’échapper des maisons incendiées ou des environs sont entassés sur la grande route avec la menace d’être fusillés.

Le premier conseiller municipal, Fernand de Geffrier, remplissant les fonctions de maire et le marquis de Fricon, capitaine de la garde nationale sédentaire, accourent sur les lieux et s’offrent en otage à la place des habitants. Ils parviennent à les faire libérer, sauf deux dont l’un revient quelques jours plus tard, le sort de l’autre est resté inconnu.

Il ne reste plus qu’à enterrer les morts et dresser leurs actes de décès. L’état civil nous donne la chronologie et le lieu des décès mais pas les causes.

Des morts du quartier de la Croix Blanche, Denis Bigot, dix-huit ans, jardinier au château des Gaschetières, est le premier, tué à dix heures du matin.

Suivent Alexandre Désiré Paulin Gaurand, quarante-sept ans, veuf depuis huit jours de Marie Sophie Lablée, bourrelier, natif de Neuville aux Bois, domicilié à la Croix Blanche, décède à onze heures du matin, chez lui.

François Victor Napoléon Gillet, cinquante-sept ans, charron, natif de Lailly, domicilié quartier de la croix blanche, époux d’Anne Eugénie Fleury, décède à onze heures du matin, chez lui.

Simon Germain soixante-treize ans, veuf de Marie Anne Renard, garde particulier natif de Binas, décède à onze heures du matin chez lui, à la Croix Blanche.

Sulpice Joseph Chevalier, journalier de dix-neuf ans, décède à onze heures du matin, chez ses parents Joseph Chevalier et Joséphine Loiseau

Jean Sylvain Griveau, vigneron de cinquante-sept ans, demeurant à la Bigardière, marié à Anne Gaillard, décède à onze heures du matin, chez lui.

Excepté le premier, ils sont tous morts à onze heures du matin, au moment de l’incendie.

Ces faits sont déjà terrifiants mais visiblement pas suffisamment pour attiser la haine du prussien car l’on trouve dans des ouvrages relatant l’évènement, des faits non vérifiés ou légèrement modifiés par rapport à la réalité.

Ainsi Ernest Gay, dans son livre « Guerre en province : campagne de la Loire et du Mans 1870-1871 » paru en 1905, indique qu’un jeune garçon de douze à quatorze ans a été tué d’une balle dans la tête à bout portant et qu’une femme venant d’accoucher, atteinte de la petite vérole a été tuée avec son enfant dans l’incendie de sa maison. De même un enfant de quatre ou cinq ans a été jeté vivant dans les flammes.

Pour le jeune garçon, il peut s’agit d’un des jeunes de dix-huit ou dix-neuf ans, mais pour les autres, aucune trace dans l’état civil de la commune, ni dans les témoignages de l’époque. La seule qui vient d’accoucher est Marie Cheret qui met au monde une petite Marie Octavie Morin, la veille de l’incendie mais elle décède en 1891 et sa fille en 1955.

Nul besoin d’en rajouter dans l’horreur !!

Malheureusement, Lailly ne fut pas un fait isolé dans cette guerre. De nombreux civils ont payé le prix des représailles et de nombreuses communes ont été incendiées.

Christine Lescène - Le blog d'une généalogiste - 10 juin 2016