• Description

L'homme à la tête de cire

Ames sensibles s’abstenir de lire…………

Joseph Moreau naît le 4 avril 1848 au Favril, dans le Nord, fils d’Edouard Fidèle Moreau, journalier et Victoire Josèphe Gantoir.

Sa mère décède le 8 mars 1865. Son père meurt juste avant la guerre, le 19 juin 1870, au Favril.

Lorsque la guerre éclate, il est incorporé comme soldat à la 1ere batterie de l’artillerie de la garde mobile du Nord.

Moreau Joseph

Il mesure 1.75 m, a les cheveux et sourcils châtains, les yeux bruns, le visage ovale, le nez moyen la bouche grande et le menton rond.

Le 31 décembre 1870, il est versé comme premier canonnier servant, au 15e régiment d’artillerie de l’armée active. Il rejoint la batterie du capitaine Stoffel, le 2 janvier 1871, et le lendemain, c’est la bataille de Bapaume.

Le combat commence dès neuf heures du matin et fait, du côté français, 183 morts, 1 115 blessés et 303 disparus.

Vers trois heures du soir, alors que l’artilleur charge sa pièce, un éclat d’obus frappe Joseph à la face lui arrachant les deux yeux, le nez et les deux maxillaires supérieurs. Il est laissé pour mort sur le champ de bataille.

Mais, contre toute attente, une demi-heure plus tard, il se relève et réussit à grand peine à rejoindre le village d’Ervillers, se laissant guider dans la nuit venue par une faible lumière que son œil gauche peut encore capter.

Vue la gravité de ses blessures, le colonel du 24e régiment de ligne le fait transporter le lendemain à l’hôpital d’Arras. Il va y rester jusqu’au 4 octobre mais neuf mois ne suffisent pas à cicatriser ses plaies et il est admis à l’ambulance de la Société de secours aux blessés. C’est une gueule cassée et il a besoin de pansements spéciaux pour pouvoir respirer.

Joseph y reste deux semaines avant d’être évacué sur l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, à Paris, le 14 octobre 1871. Il y reste jusqu’au 26 mars 1872.

Ses blessures sont tellement particulières qu’il est l’objet de beaucoup d’attention, de discussions médicales, d’hypothèses et de conflits entre médecins jusqu’à ce qu’on lui adapte une prothèse.

Dix-huit mois après avoir été touché par l’éclat d’obus, il est à peu près guéri.

Toutes les parties molles de la face ont été enlevées, la charpente osseuse est broyée en certains endroits. Il ressemble à une tête de mort avec trois trous à l’emplacement des yeux, du nez et une large ouverture à l’emplacement de la bouche.

Il aurait dû mourir mais il a survécu. Le chirurgien-dentiste Delalain lui fabrique une figure artificielle, comme un masque qui remplace ce qui a été arraché. Il lui fait un palais armé de dents.

Le masque, dont les yeux sont fermés, est appliqué aux portions saines de la peau qui avoisinent l’immense cicatrice. L’adhérence est à peu près hermétique, complétée par un bourrelet naturel de la peau qui à la longue, encastre le rebord adouci du masque.

Grâce à cette adaptation entre artifice et nature, il peut respirer par les narines du faux nez et deux petits orifices vers l’angle interne des faux yeux complètent le système d’aération interne.

A l’intérieur du masque, de la charpie est adaptée de manière à protéger la muqueuse nasale et éviter les brusques variations de température, de chaud ou de froid. Une petite éponge est placée dans l’enfoncement des fosses nasales, absorbe le mucus et arrête le passage des corps en suspension dans l’air.

La voûte palatine est protégée par une plaque qui forme un blindage avec des dents postiches qui permettent la mastication des aliments.

Grâce au masque et au nez postiche, la respiration redevient normale et régulière, la voix reprend son timbre naturel. Joseph respire, mange, parle, a toutes les sensations de l’odorat et joue même de la flute.

Il est bien sûr totalement aveugle et touche une pension militaire à compter du 12 mars 1871. Il est nommé chevalier de la légion d’honneur le 1er février 1872.

Malgré son handicap, il se marie le 30 octobre 1873 à Landrecies avec Valentine Lesne. Il a vingt-cinq ans, elle en a trente-huit. Valentine est veuve. Son mari, Honoré Antoine Covin est décédé le 25 novembre 1872 à Landrecies.

Joseph est militaire pensionné et c’est son grand-père maternel, Philippe Gantois, quatre-vingt ans qui donne son consentement au mariage.

Valentine a une petite fille, Anaïs, âgée de sept ans. Elle va vivre avec eux jusqu’à son mariage, en 1883 au Favril où Valentine est débitante de boisson.

En 1906, Joseph et sa femme vivent à Marbaix, au hameau de la Rocaille. Il y décède le 26 septembre 1918.

Christine Lescène - Le blog d'une généalogiste - 9 juin 2016