• Description

Le 16 août 1870 s’engage la bataille de Gravelotte. Les hostilités commencent à dix heures du matin et se poursuivent jusqu’à huit heures du soir. Nous sommes sur un plateau dont l’accès se fait par d’étroites vallées et sur des chemins larges de quatre pas et bordés de murs de vignes. Il fait une chaleur de mois d’août.

L’ennemi attaque la cavalerie du 2e corps. A l’ambulance, le médecin chef Beurdy est occupé à soigner un blessé lorsque les uhlans chargent, sans respecter ni le drapeau international marquant l’emplacement d’une ambulance, ni le brassard à croix rouge qu’il porte au bras. Il décède, frappé au cœur d’un coup de lance et à la nuque d’un coup de sabre. Plusieurs infirmiers sont blessés pendant l’attaque.

Les cuirassiers de la garde chargent une première fois suivis de deux charges de la cavalerie Ladmirault qui se terminent au corps à corps.

Le bilan est effroyable pour la France, 837 officiers (147 tués, 597 blessés, 93 disparus) et 16 124 hommes de troupes (1220 tués, 9525 blessés et 5379 disparus) sont mis hors d’état.

Les français restent maîtres du champ de bataille mais, pendant la nuit, les corps d’armée reçoivent l’ordre de se retirer vers Metz où les blessés doivent être évacués.

Les soins aux blessés tardent. Ceux qui n’ont pu être évacués dès les combats restent sur place sans soin. Certains mettront six jours avant d’arriver à Metz sans avoir reçu aucun pansement et ils décèdent pratiquement tous faute de soin.

Les allemands prennent possession de Gravelotte et déclarent tous les français présents, soldats et médecins, prisonniers de guerre, sans se soucier des brassards de la croix rouge. Ils s’emparent des voitures des ambulances pour leurs propres blessés.

Sur les 350 blessés restés sur place, seuls 80 ont pu être évacués sur Metz. Les autres sont abandonnés dans un état déplorable, couchés sur de la paille non changée, sans eau ni nourriture, les prussiens ayant pillé tout ce qui pouvait l’être.

Plus loin, entre Gravelotte et Conflans, l’ambulance installée dans la ferme de Mogador a plus de chance. Le médecin principal Boulian y

Gravelotte Mogador

fait flotter le drapeau international. L’ambulance du docteur Bertrand, médecin-major de la cavalerie de la garde s’y installe aussi.

La ferme est grande, constituée d’une longue suite de bâtiments séparant deux cours immenses entièrement entourées de murs. Les granges sont remplies de paille et de foin. Contrairement aux autres ambulances, celle-ci est bien fournie en médicaments, nourriture et vin.

Les blessés affluent très vite, français, prussiens. Une ambulance volante est envoyée directement sur le champ de bataille avec quatre infirmiers porteurs de sacoches et tous les conducteurs de cacolets et litières.

Deux médecins aides-majors de l’ambulance du malheureux Beurdy, dont le corps est amené à la ferme, les rejoignent. L’ambulance a été dispersée à la mort de son chef. Le pharmacien de l’ambulance a disparu.

Les blessés ne cessent d’arriver, toute la nuit et la journée du lendemain. Ils sont soignés, couchés sur la paille, dans les chambres, les granges, les écuries et les tentes disponibles.

Les restes du matériel de l’ambulance Beurdy permettent de dresser de nouvelles tentes mais le nombre de blessés ne cesse de croitre et ils doivent être mis directement dans la cour, sur la paille avec les couvertures qui restent.

L’armée française recule et quitte le secteur, il faut évacuer vers Metz mais les voitures sont en nombre insuffisant. Les hommes pouvant marcher partent à pied et les voitures et cacolets disponibles permettent d’évacuer 420 blessés, mais il en reste encore 300.

L’ambulance part néanmoins en leur laissant un médecin major et deux aides-majors pris dans chaque ambulance avec la promesse de leur envoyer des transports dès que possible.

A midi, ils sont partis, un quart d’heure après, les prussiens entrent dans la ferme.

La position n’est plus tenable pour les médecins sur place. L’officier prussien accepte de leur fournir des transports mais tous ne peuvent y prendre place. Dès son arrivée à Metz, le médecin-chef réussit à trouver de nouveaux chariots et repart à Mogador. Là, il charge les derniers blessés avec ceux de Gravelotte qu’il a ramassé au passage et repart pour Metz. Nous sommes le 18 août.

Plus de 600 blessés ont été soignés à la ferme de Mogador.

Le 20 août, le docteur Ledentu et son ambulance tente de rejoindre Metz mais n’obtient qu’un sauve-conduit du prince Frédéric-Charles pour Gravelotte où se trouvent encore de nombreux blessés.

Sans respecter ni le sauve-conduit ni le brassard de la croix rouge, le général en place commence par leur faire enlever le brassard et les déclare prisonniers. Ils doivent attendre le lendemain pour être autorisés à soigner les blessés. Les conditions sont exécrables. La nourriture manque, l’eau potable doit être prise dans un rivière à trois km et le champ où ils sont regroupés, attenant au village, est gardé de près. Le temps devient un autre ennemi : la pluie transforme le sol en champ de boue dans lequel ils doivent patauger toute la journée ; le vent se lève et détruit une tente qu’ils remontent à grand peine. Les conditions climatiques sont propices à la diarrhée qui frappe même le corps médical. Le docteur Burlaud en mourra à Lamotte Beuvron, le 24 octobre, à l’âge de 35 ans, ayant rejoint l’armée de la Loire.

Mais la situation de l’ambulance sur le bord de la route permet aussi aux médecins de soigner les prisonniers qui partent pour l’Allemagne et de leur apporter un peu de réconfort.

Elle quitte à son tour Gravelotte, le 2 septembre.

Le musée de « la guerre de 1870 et de l’annexion » retrace ces évènements :

http://www.cg57.fr/vivrelamoselle/Pages/Tourisme/museesdepartementaux/MuseeGravelotte.aspx

Quelques blessés à Gravelotte originaires de Seine Maritime :

Louis Ernest Boust, 23 ans, natif de La Chapelle, 94e de ligne, plaie à la face par éclat d’obus

Pierre Jean Guillaume Lecanu, 25 ans, natif de Sassetot-le-Mauconduit, 23e artillerie, fracture de l’humérus droit et du coude par éclat d’obus, amputé du bras au tiers moyen

Charles Henri Anthime Bernier, 27 ans, natif d’Ingouville, sergent au 70e de ligne, fracture comminutive de la jambe droite par éclat d’obus, amputé de la jambe au tiers supérieur.

Napoléon Paul Fé, 20 ans, natif d’Yvetot, 94e de ligne, plaie compliquée au bras gauche par coup de feu.

Christine Lescène - Le blog d'une généalogiste - 8 juin 2016