• Description

Pierre Oger

Tout commence par une carte postale ancienne, nichée au fond d'un lot d'autres cartes postales anciennes.

Oger Pierre Felix-1

Celle-ci montre une vue d'Angers, vue sur la Maine vers la Cathédrale. De prime abord je l'aurai écartée. Elle est écrite recto et verso et je ne peux donc pas l'utiliser comme simple vue. Mais la curiosité aidant, je m'attarde sur le texte.

Cette carte a un cachet daté du 8 février 1906, Saïgon, central cochinchine, adressée à un certain Pierre Oger, soldat au 12e infanterie coloniale, 5e compagnie à Saïgon.

L'expéditeur, Eugène Thomazeau, lui écrit ceci

"Angers, le 7 janvier 1906 - Mon cher Felix, je suis enchanté que tu sois rendu à bon port et en te remerciant sincèrement de la peine que je te donne pour les cartes postales. Je t'envoie tous mes voeux de bonne année et surtout de bonne santé. J'espère que par la suite tu continueras à ne pas m'oublier pour les cartes (toujours à l'adresse) et dans cet espoir, je te prie d'accepter une bonne et cordiale poignée de main."

Oger Pierre Felix-2

L'écriture soignée, le langage de l'époque, et ce paradoxe entre un service militaire à l'autre bout de la planète et l'innocence d'une collection de cartes postales, me donnent envie d'en savoir plus.

Vu la période et le fait qu'il soit militaire en 1906, je regarde tout naturellement sur mémoire des hommes, les morts pour la France.

Pierre Felix Oger est porté disparu le 22 août 1914 à Rossignol en Belgique. Il était adjudant au 2e régiment d'infanterie coloniale. Il avait trente-quatre ans. Un jugement du tribunal d'Angers le déclare tué à l'ennemi le 22 août 1914. A partir de là, les recherches sont faciles.

Né en 1880 à Champ, Maine et Loire, avant de partir au service militaire, il était valet de chambre à Angers. L'armée va lui montrer une autre vie qui visiblement va lui plaire car il va se rengager pour cinq ans, deux fois, après la fin de son service.

Il passe du 21e régiment d'infanterie coloniale, simple soldat, puis caporal puis sergent, au 23e régiment d'infanterie coloniale puis 12e colonial, 11e colonial, 6e colonial. Il est caporal fourrier le 1er août 1909 et passe au 3e tirailleurs malgaches, sergent le 1er octobre 1910, sergent fourrier le 1er décembre 1910, sergent major le 1er janvier 1913. Il passe au 2e colonial le 17 octobre 1913, il est nommé adjudant le 1er août 1914. Et c'est la guerre. Et la mort.

Il aura fait campagne deux ans en Cochinchine (temps de paix), trois ans à Madagascar (guerre), et vingt jours contre l'Allemagne.

Et celui qui lui a écrit la carte postale ? Ami d'enfance ou ami de régiment ? Valet de chambre comme lui mais voyageant par cartes postales ?

En tous cas, il ne figure pas dans les morts pour la France. Il va être bien plus difficile à débusquer.

La magie de la recherche, on part d'une vieille carte postale et on découvre une vie.

Une petite parcelle de vie qui rappelle qu'un jour, Pierre Oger a existé.

Christine Lescène - Le blog d'une généalogiste - 23 août 2016