• Description

Armée de la Loire, à Lorges, le 49e régiment des mobiles de l’Orne, à dix heures du matin, la 2e brigade reçoit l’ordre de se porter entre Lorges et Briou et la 1ère, celui de couvrir l’espace entre Poisly et Lorges. Les prussiens ne se montrent qu’à quatre heures du soir, devant une grand’garde du 4e bataillon de l’Orne, occupant Messilly, sous les ordres du capitaine Mauger. De loin, les mobiles voient les mouvements de l’ennemi et se rendent compte que celui-ci porte ses troupes sur Beaugency, marchant rapidement vers la Loire.

11décembre

A huit heures du soir, la 2e division se déplace pour se positionner sur la route de Marchenoir à Villemuzard, et la 2e brigade va à la Roche-Patin (la Motte Potain ?). De grands feux sont allumés en avant des anciens bivouacs et le 41e de ligne est chargé de les entretenir.

Les hommes se couchent, sans déplier leurs tentes, par un froid de dix degrés, dans un champ de blé, sous la garde d’un escadron de dragons et de la 3e compagnie du 3e bataillon de l’Orne.

La seconde armée de la Loire abandonne la Beauce et la plaine de Loire pour se replier sur Vendôme et la vallée du Loir, qu’elle met péniblement deux jours à atteindre.

Pour le 75e régiment de mobiles, Loir-et-Cher et Maine-et-Loire, la retraite commence dès dix heures du matin, sur toute la ligne et les hommes arrivent, à trois heures de l’après-midi, au château de Beaumont, à trois km au nord de Mer. Le camp est établi dans un champ détrempé par la pluie.

Des soldats tout frais venus du midi viennent d’arriver. Ce nouveau régiment est placé aux avant-postes, pour garder le camp. Pendant la nuit, il est surpris par l’ennemi et fait prisonnier en entier. Ils n’auront pas eu le temps de souffrir des combats, mais ils souffriront de la captivité.

A Blois, un début de bombardement a lieu. Malgré les suppliques des élus, le gouvernement décide que la ville serait défendue à outrance, même si elle doit être réduite en cendre.

A Janville, alors que les religieuses sont reparties, le soir venu, vers leur couvent, le capitaine de Maricourt et ses compagnons les voient revenir vers neuf heures. Elles ne sont pas seules, le chirurgien-major chef de toutes les ambulances françaises établies après la bataille de Loigny vient d’arriver, enfin.

Le colonel est le premier à passer entre ses mains et celles de ses aides. Son lit est entouré de ces hommes en tablier de boucher. A la lueur de la bougie, le chirurgien commence à sonder ses plaies. Il introduit une sonde à la suite de la balle qui a traversé son pied, brisant tous les os sur son passage. Le chirurgien Beaumetz commente l’opération, enlève des esquilles d’os, et tend vers son patient, une main pleine de sang dans laquelle repose trois fragments d’os entourés de chair. Tout cela s’est fait à vif. Pas d’anesthésie.

C’est ensuite au tour de Maricourt. Il a plus de chance, la balle est ressortie, l’os a été frôlé et la sonde traverse les chairs sans rencontrer de résistance.

Au suivant. Raoul de Saint-Venant est moins chanceux. Le chirurgien taille dans sa cuisse au bistouri, pour agrandir la plaie, à la recherche de la balle, qu’il ne trouve pas. Il fait, dans toute l’épaisseur de la cuisse, jusqu’à l’os, une entaille assez large pour y introduire la main. Il finit par en sortir un disque de plomb de l’épaisseur d’un sou, la balle s’est aplatie sur l’os de la cuisse.

Au suivant. Gaston de Brisoult va souffrir le martyr. Le chirurgien plonge sa sonde dans ses blessures, parcourant en tous sens les muscles et les nerfs déchirés par la balle, et cela dure. Pour rien, la balle a dû ressortir par le trou d’entrée. Erreur, la balle ressortira d’un abcès, deux ans plus tard.

Vient le tour de Charnod, qui a reçu une balle dans la hanche. Pendant dix minutes, le chirurgien sonde, agrandit la plaie, en sort de esquilles d’os auxquels adhèrent des lambeaux de chair. La souffrance du patient est intolérable. Le chirurgien ne l’a pas chloroformé, car il n’aurait pas survécu à l’opération. De toute manière, le chirurgien sait qu’il ne survivra pas. Pourquoi le torturer ainsi ? Parce qu’il est chirurgien et qu’il ne peut pas ne pas tenter de le sauver. Absurde ? Faire souffrir ainsi pour rien ? Peut-être pas. Il reste toujours l’espoir.

A Phalsbourg, cela fait trois jours que l’on détruit le matériel de guerre. 50 000 kg de poudre sont jetés dans la neige, au pied des remparts. Dès qu’un tas de poudre dépasse de la nappe blanche, les hommes y mettent le feu. Ce sont des explosions sourdes, lugubres, des explosions d’agonie. Les cartouches sont démolies et noyées, les canons encloués après avoir été chargés, les affûts sont sciés pour se briser au moindre effort, les fusils sont également brisés et mis hors de service. Il n’y a plus aucun espoir de secours de l’extérieur et la famine ne permet pas d’atteindre plus longtemps.

A Belfort, toute la journée, les bombes et obus tombent sur la place-forte. A dix heures du matin, quatre compagnies du 16e du Rhone, appuyées par une compagnie du 84e, s’élancent à travers le bois de l’Arsot, jusque sur la crête de la forêt. Les allemands, surpris par la rapidité de l’action, abandonnent une partie de leur matériel et se retirent sur Valdoie.

Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 11 décembre 2020