• Description

Siège de Paris : avant que le jour ne se lève, les prussiens lancent une attaque sur toute la ligne de défense du général Ducrot, de Champigny jusqu’à Bry-sur-Marne, mais échouent. Malgré l’artillerie importante que l’ennemi aligne face aux français, ceux-ci résistent. Les pertes sont importantes et la lutte longue et terrible. Les batteries françaises arrêtent les colonnes prussiennes sur le plateau. A onze heures, les prussiens ne peuvent plus avancer et à quatre heures, le feu cesse. Les français sont restés maître du terrain, mais 6 000 hommes sont hors de combat, morts ou blessés, c’est une hécatombe également chez les officiers. ; les survivants sont épuisés et affamés. Le lendemain, à la faveur d’un brouillard épais, les troupes françaises, près de 100 000 hommes, repasseront la Marne sans être inquiétées par les prussiens.

Dans le Centre, des escarmouches ont lieu, à Bazoches-les-Gallerandes, entre les avant-postes du 15e corps français et des fractions de la 2e division de cavalerie allemande.

Après les combats de la veille, le 16e corps suivi du 17e et du 15e tentent de rejoindre l’armée de Ducrot. La rencontre avec l’ennemi a lieu à Loigny et Lumeau. Les français sont écrasés par les troupes allemandes. Tous les corps allemands, disposés en un vaste demi-cercle, pointent sur Orléans. L’armée de la Loire doit battre en retraite. C’est la fin de la première armée de la Loire.

J’ai déjà parlé, à plusieurs reprises de cette bataille, si meurtrière pour l’armée de la Loire et pour les mobiles du Loir-et-Cher, du sacrifice des zouaves pontificaux, partis à 300, dont 198 tombèrent ce jour-là, dans une charge héroïque. Alors, comme hier, je vais laisser ceux qui y ont participer, en parler :

Souvenirs d’un mobile de la Sarthe, 33e régiment de mobiles : « Le temps était beau, le soleil se levait radieux, ce matin du 2 décembre 1870, anniversaire d’Austerlitz, mais la bise piquait dur .. un vent glacial nous coupait la figure, la terre était durcie par la gelée, les pas de cette masse d’homme résonnaient sur le sol… c’est un spectacle magnifique : lignes immenses de fantassins alignés, fusils sur l’épaule, batteries d’artillerie arrivant en arrière au trot des attelages à six chevaux, les artilleurs sabre au clair…. La plaine où nous nous alignions s’étendait immense, pas un accident de terrain ne se dressait devant nous si loin que notre vue pouvait porter et voici le panorama que nous pouvions contempler : un peu à notre droite, à deux km environ, un village dominé par un clocher aigu, c’était Loigny, nous ne l’avons pas perdu de vue de la journée….. Les premiers coups de feu, rare d’abord, furent tirés par les cavaliers, puis les deux lignes de tirailleurs arrivées face à face et à portée, ouvrirent le feu à leur tour .. c’était le choc, la bataille de Loigny était commencée !. Autour de nous, sur nos têtes, passait le plus effroyable ouragan de plomb et de mitraille, et les victimes étaient nombreuses. Etendu à terre, cherchant à offrir le moins de surface possible, chacun de nous pensait aux siens, à sa famille laissée au foyer et se demandait avec angoisse s’il lui serait permis de revoir ces êtres chéris…. Soudain, sur notre droite, un bruit bien connu, craquement sinistre que nous ne pouvions entre sans sentir un frisson courir dans nos veines. C’était le bruit strident, prolongé, des « moulins à café », autrement dit des mitrailleuses françaises qui tiraient par-dessus nos têtes, dans la direction des cavaliers. Il restait deux mitrailleuses d’une batterie placée autour du moulin à vent de Villepion. Les officiers qui les commandaient avaient vu le danger que nous courions, et, au moment précis, ils nous sauvaient… Une fumée intense couvrait de grands espaces ; la ferme de Morâle, le village de Loigny flambaient ; à tous les points de l’horizon, des incendies lançaient leurs gerbes de flammes et de fumée ; des corps sans mouvements étaient disséminés de tous côtés, autant de cadavres, autant de victimes…dans nos rangs se trouvaient en même temps des lignards et des chasseurs à pied, auxquels nous nous étions trouvés mêlés à la suite du combat en tirailleurs ; nous avions battu en retraite un peu pêle-mêle. Par surcroit, et ce qui augmentait le désordre, la nuit était venue. Le froid plus vif nous pénétrait et défense fut faite d’allumer du feu. »

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Souvenirs du capitaine de Maricourt, des mobiles du Loir-et-Cher : « Je me hâtai d’établir mes hommes dans le fossé de la route qui va de Loigny à Lumeau, la gauche du village, la droite reliée aux tirailleurs du 1er bataillon, établi à Ecuillon. Le feu commença. Sur cette route, déjà largement tachée de sang, et çà et là semée de cadavres, nos pauvres mobiles commencèrent à tomber… un capitaine de mobile, de la Haute-Vienne je crois, était étendu mort au bord de la route ; près de lui, un de ses hommes sanglotait, indifférent aux balles qui pleuvaient…. Les obus nous arrivaient si serrés que le sol, semblable à la croûte d’un volcan, tremblait et détonait sous nos pas ; la terre, les pierres, les éclats de métal, tout volait, tout passant en hurlant, comme emporté par un fantastique ouragan. Aveuglés par la fumée et la poussière, étourdis par le vent et le vacarme des projectiles, nous avancions toujours…leurs projectiles éclataient comme les grains d’une trainée de poudre sur la cendre brûlante, et soulevaient un rideau rougeâtre qui ondoyait devant nous. Cette barrière de fer et de feu, la mobile de Loir-et-Cher la franchit….. Le colonel, qui, seul à cheval dans la plaine, par une sorte de miracle n’était pas encore blessé, fit sonner la retraite. … Un obus vint fouiller la terre, comme une taupe monstrueuse, tout contre mon pied gauche. Par un geste instinctif et bête dont j’eus le temps de me rendre compte, j’avançai la main pour me garantir. L’explosion me rejeta à trois ou quatre mètres de là, sans autre mal que quelques cloches de brûlures et quelques contusions, de cailloux sans doute, à la main et à l’avant-bras. Encore tout étourdi, je secouai la terre dont j’étais couvert, lorsque je ressentis un choc violent mais pas très douloureux, me frappant tout entier, de la racine des cheveux jusqu’à la plante des pieds. Je ne me rendis compte de ce qui m’était arrivé que longtemps après, à plus d’un km de là, en voyant que chacun de mes pas était marqué en rouge par le sang qui débordait de mon brodequin gauche. Deux petits filets rouges coulaient le long de ma guêtre, et je compris que j’avais la jambe traversée par une balle. Dans le désordre o nous étions, la retraite ne pouvait être qu’une déroute… Le pied droit meurtri, la jambe gauche traversée, la main endolorie, j’allais comme je pouvais, à travers toute l’horreur du champ de bataille, m’appuyant lourdement sur mes deux sabres …. Mais une grande faiblesse me gagnait, je sentais comme le vertige, et je ne voulais pas être pris. A Loigny, j’espérais bien trouver quelque voiture d’ambulance qui m’emporterait…. J’atteignis enfin une grosse meule de blé, près du village, et la contournant, je me trouvai à l’abri de la grêle de plomb, avec un sentiment d’étrange bien-être, je l’avoue. Mais bientôt, les balles françaises commencèrent à venir du village, que je gagnai en me traînant de plus en plus difficilement. La ruelle par laquelle j’entrai dans le bourg de Loigny, aujourd’hui complètement transformé à mon grand regret, était hideuse à voir, le sang coulait, littéralement, sur les ruisseaux gelés. Les blessés s’étaient en grand nombre traînés comme moi jusque-là ; quelques-uns marchaient encore : d’autres s’étaient entassés dans les rares endroits à l’abri des projectiles, et des plaintes navrantes retentissaient. Un pauvre mobile atteint à la tête et délirant appelait « Maman ! Maman ! » et cet appel désespéré et vain à la tendresse qui, après avoir consolé tous les petits chagrins de l’enfance, pouvait seule adoucir l’horreur de l’agonie, avait quelque chose de si déchirant que rien n’a pu me le faire oublier…. » 

Et les familles ?

Le jeune Bonnau, de la compagnie de Maricourt, était reconnaissable à ses vêtements, un caban et un capuchon. Pendant l’assaut de Loigny « dans l’effroyable confusion causée par le feu de trente pièces dont les obus, éclatant de tous côtés, nous couvraient de terre, de pierres, de débris de toute nature, je le perdis bientôt de vue. Ni moi, ni ses camarades, ni ses parents, que je connaissais et dont il était le fils unique et adoré, ne l’avons jamais revu ; personne n’a pu dire comment il était tombé. Depuis vingt ans, sonpère et sa mère vnt sans y jamais manquer passer le 2 décembre à Loigny, et ce douloureux pèleringe est, m’ont-ils dit, le meilleur moment de leur triste année ».

De nombreuses familles feront ce pèlerinage, pendant très longtemps et, dans la crypte de l’église de Loigny, repose un ossuaire, comme à Douaumont, de soldats inconnus. Ou plutôt, Douaumont est comme Loigny, car Douaumont, ce sera après la guerre suivante.

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 Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 2 décembre 2020