• Description

A Paris, le siège commence à peser : réquisition des fourrages, rationnement de la viande à cent gramme par jour et par personnes.

Les mobiles de la Drôme, de la Côte-d’Or et du Tarn exécutent une reconnaissance en avant des forts de Rosny et de Nogent. L’aile gauche va dans le parc du Raincy, jusqu’à la porte de Paris, puis, Villemonble, fouillé de fond en comble. Les troupes réussissent à débusquer l’ennemi dans le parc de Launay. Nicolas Auguste Maxant, dix-huit ans, garde national de la Seine, est blessé à la face par coups de feu à Villemonble. Il souffre d’une plaie à la racine du nez avec lésion de l’orbite gauche. Il perd l’usage de son œil.

Pendant ce temps, quelques compagnies, après avoir monté les pentes d’Avron, occupent tout le plateau et ouvert le feu sur le poste avancé prussien de la Maison-Blanche.

Au centre, Avron occupé, les troupes entrent dans le village du Bois-de-Neuilly, évacué. Les tirailleurs français dépassent le village et se dirigent sur Neuilly-sur-Marne. Cette fois, l’ennemi tient la position avec des troupes importantes. Yves Marie Blochet, soldat au 71e de ligne, a la mâchoire fracturée par un coup de feu, avec perte d’un grand nombre de dents.

La reconnaissance permet de constater la présence des prussiens à Launay, la Maison-Blanche et Neuilly-sur-Marne, soit à quatre kilomètres de Nogent.

La nuit venue, les prussiens attaquent, à deux reprises, un poste de mobile à Cachan. Ils sont repoussés et une canonnade venue des forts atteint les positions ennemies de Châtillon jusqu’à Bourg-la-Reine et l’Hay.

Incendie d’une partie de la forêt de Bondy. Aux avant-postes de Bondy, le capitaine Cyprien Ernest Valet, trente-sept ans, de la compagnie des éclaireurs du 2e arrondissement de Paris, est grièvement blessé par deux coups de feu à une barricade où tous ses hommes sont tués ou blessés. C’est un rescapé de la guerre de Crimée, blessé à la tête par un éclat d’obus devant Sébastopole.

L’ennemi, vers dix heures du soir, attaque les avant-postes français dans la vallée de la Bièvre. Ils sont repoussés en abandonnant leurs blessés et leurs morts.

A Châteaudun, huit cents francs-tireurs de Paris arrivés depuis le 29 septembre au soir, harcèlent les prussiens dans la campagne alentours. Le 8 octobre, une centaine d’entre eux a attaqué quatre cents prussiens logés dans Ablis, dont les prisonniers ont été emmenés à Châteaudun Après cette action d’éclat, Châteaudun devient une cible à détruire.

Dans la ville se trouvent, outre le corps des francs-tireurs de Paris, deux escadrons de hussards et un bataillon de mobiles de Loir-et-Cher. En prévision d’une attaque, les murs de clôture sont crénelés, des barricades sont montées. Mais, le 12 octobre au soir, l’annonce de l’arrivée prochaine d’une force prussienne importante avec son artillerie, décide l’état-major à faire évacuer la ville de ses troupes. Connaissant la haine des prussiens, pour les gardes nationaux, et leur propension à les fusiller s’ils sont pris les armes à la main, la moitié d’entre eux est désarmée, l’autre, refusant de livrer leurs armes.

Devant cette résistance, le conseil municipal décide de rappeler les troupes. Mais seuls les francs-tireurs reviennent. A leur tête, le comte Ernest de Lipowski prend le commandement de Châteaudun. Il commence par s’opposer à la décision de la municipalité, de désarmer les gardes nationaux. Le désaccord s’installe avec le sous-préfet qui, avec l’accord de la ville, a décidé de ne pas résister, pour éviter de livrer la ville au pillage et aux incendies. 

Lorsque les prussiens arrivent aux portes de la ville, ils la croient désarmée. Les troupes, à leur connaissance, ont quitté Châteaudun. Mauvais renseignements. Autre mauvais renseignements, mais cette fois-ci du côté français. Un messager a annoncé l’arrivée de six cents prussiens. Au lieu de se retirer sur Vendôme, comme ils en ont reçu l’ordre, les francs-tireurs décident qu’ils peuvent se battre contre cette troupe. Malheureusement, ce ne sont pas six cents prussiens qui arrivent, mais douze mille, avec vingt-quatre pièces de canon et des mitrailleuses, sans compter six milles hommes de réserve.

Vers midi, le 18 octobre, les prussiens sont signalés dans la plaine, à droite et à gauche de la route de Beaugency.  Le clairon sonne aussitôt et le tocsin retentit. La nouvelle se répand dans la ville et affole la population « les prussiens sont à la gare ». Une poignée de francs-tireurs, sous les ordres du lieutenant Chabrillat, s’élancent vers leurs positions, aux canons, et cinq minutes plus tard, le combat commence. A une heure, l’ennemi tire son premier coup de canon.

Les prussiens semblent hésiter. Ils ne savent pas vraiment ce qui les attends : des barricades, de l’artillerie, plus ? Pourtant, en face, il n’y a que neuf cents francs-tireurs et trois cents gardes nationaux, protégés par des barricades.

Grâce à leurs chassepots à longue portée, les francs-tireurs ciblent les artilleurs ennemis.

Pendant neuf heures, les obus et les boulets tombent sur toute la ville. A deux heures, des maisons du quartier Saint-Valérien, prennent feu. Le clocher du quartier, où des francs-tireurs se sont embusqués est criblé de projectiles. Les obus viennent frapper l’hôtel de ville. L’incendie se propage dans la ville, poussé par un vent de sud-est. Il n’y a ni bras ni eau pour l’éteindre, les habitants se sont enfuis ou se cachent. Vers sept heures, les défenseurs de la barricade de la rue de Chartres se replient, laissant le passage à l’ennemi qui s’engouffre dans la brèche.

Les rues deviennent des champs de bataille, la fusillade se fait à bout portant. Les francs-tireurs de Nantes, cent-vingt, qui ont rejoint depuis quelques jours les francs-tireurs de Paris, doivent se replier. Ils arrivent par la rue d’Angoulême sur la place qui est déjà envahie. Ils s’élancent, baïonnette en avant et réussissent à traverser jusqu’à la rue de Chartres. Le sol est jonché de cadavres et de blessés, mais, miraculeusement, tous les francs-tireurs de Nantes passent. Au passage, ils sauvent la vie à un garde national sur le point d’être fusillé, à côté d’un franc-tireur qui lui, vient de l’être.

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Les prussiens n’aiment pas les francs-tireurs. Pour eux, comme les gardes nationaux, ce ne sont pas des soldats et ils peuvent être exécutés, s’ils sont pris les armes à la main.

Une charge identique à lieu une demi-heure plus tard, rue de Chartres, par les francs-tireurs de Paris, accompagnés des gardes nationaux. Faits d’arme collectifs, faits d’arme individuels, le combat de Châteaudun est un combat héroïque.

Louis Henri Brossier-Charlot, cinquante-deux ans, photographe, est à la barricade rue de Chartres. Il a été placé là comme garde national en sentinelle. Il reste avec les francs-tireurs accourus sur les lieux. Des soldats prussiens, après avoir franchi la gare, et combattus à l’extrémité de l’avenue Florent-d’Illiers, arrivent en longeant le mur du clos de Bel-Ebat. Ses baïonnettes plus hautes que le mur les trahissent et ils sont accueillis par les tirs de la barricade. Les trois premiers tombent sous les balles de Louis Henri Brossier-Charlot. Les autres reculent. Il en recevra la légion d’honneur.

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Une autre âme héroïque recevra la légion d’honneur pour ces actions dans la même rue. C’est une femme, Marie Julienne Biohain, femme Jarrethout, cinquante-trois ans, native de Plöermel, cantinière des francs-tireurs de Paris. Tout au long des combats, elle approvisionne la barricade en munitions, soigne les blessés et les emportent sur son dos, quand ils ne peuvent pas marcher.

Laurentine Proust, jeune fille de dix-huit ans, porte également des munitions, depuis l’hôtel de ville jusqu’aux barricades. Elle sauve un franc-tireur, blessé grièvement, en le transportant en arrière, pour être soigné.

Rue de Jallans, le capitaine des sapeurs-pompiers Claude Géray, soixante-trois ans, avec vingt-six francs-tireurs de Paris, douze francs-tireurs de Nantes et de Cannes et quelques gardes nationaux, défend une barricade jusqu’au bout. A la guinguette, une centaine de nantais et de gardes nationaux sont disséminés en tirailleurs, dans les vignes, ou retranchés dans les maisons. Le capitaine des Nantais est tué d’une balle. Quelques gardes nationaux tombent. Ils se battent jusqu’à ce qu’un obus mette le feu au hameau.

Neuf heures durant, sans repos ni boire ni manger, les français se battent et s’affaiblissent, alors que les troupes prussiennes sont renouvelées régulièrement. Vers neuf heures et demie, plusieurs compagnies de francs-tireurs battent en retraite et se retirent par le mail, sur la route de Brou qui est encore libre.

Les autres se replient avec la garde nationale, laissant quelques irréductible continuer le combat jusqu’à minuit, vers Saint-Gilles. Cette résistance permet aux autres de battre en retraite. Parmi eux se trouve un collégien de quinze ans, Arthur Déniau. Il s’était présenté à Saint-Gilles, aux francs-tireurs, avec le vieux fusil de son père. Ils lui ont donné un chassepot. Il va combattre avec eux et ne quittera la place qu’avec ses derniers défenseurs.

L’ennemi est furieux et il va déverser sa colère sur la ville et ses habitants. Les soldats prussiens se répandent dans les rues, tirent à travers les fenêtres, défoncent les portes à coups de hache et mettent le feu, partout. Rue de Chartres, un vieux capitaine en retraite est tué à coup de baïonnettes alors qu’il ouvre sa porte. Un autre vieillard est brûlé vif dans son lit. Dix personnes sont asphyxiées dans les caves où ils se sont réfugiés et d’autres sont égorgés en voulant s’échapper.

A quarante kilomètres à la ronde, l’incendie de Châteaudun est bien visible. Deux cent soixante trois maisons sont la proie des flammes.

Les prussiens ont perdu plus de deux mille cinq cents hommes. Les assiégés ont eu cinquante-sept tués et soixante-quatorze blessés.

Les habitants qui n’avaient pas fui la ville, se sont réfugiés dans les caves. A la nuit tombée, les caves n’étant plus sûres et la ville en feu, le reste de la population s’enfuit à son tour. Une foule terrifiée se répand dans la campagne, femmes du peuple à peine vêtues, bourgeoises sans chaussures et tête nue, toutes conditions sociales mélangées. Les habitants de Châteaudun se retrouvent, dans la nuit, sous une petite pluie fine et persistante, sur la route de Logron à Brou, juste éclairés par l’incendie qui ravage leur ville. Ils marchent des heures durant et trouvent refuge dans les villes qu’ils traversent : Nogent-le-Rotrou, Arrou, la Bazoche, Droué, Mondoubleau. Ils se réfugient dans le Perche, croyant y trouver un abri sur. Mais ils se trompent. Quelques semaines plus tard, le Perche, comme la Beauce, sera envahi et saccagée.

Pendant les combats, le maire de Châteaudun, Ernest Lumière, cinquante-neuf ans, est resté à son poste, à l’hôtel de ville, s’efforçant d’éteindre l’incendie qui y fait rage. Il est absent de sa maison lorsque les prussiens y viennent le chercher, pour le fusiller. Il y retourne, vers onze heures du soir et y est accueilli par des coups de fusils. Miraculeusement indemne, il doit s’en aller et va errer dans la ville, à la lueur des incendies, jusqu’à ce qu’une porte s’ouvre à demi et qu’une voix amie le face entrer. Le lendemain, de retour à l’hôtel de ville, il réussira, par ses négociations, à faire épargner la moitié de la ville.

Dès les débuts des combats, l’hospice est devenu le refuge des femmes et des enfants. Les religieuses du couvent des Dames-Blanches s’y sont réfugiées aussi. Les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, soignent les blessés. Un obus s’abat sur le second étage où reposent des soldats blessés. Un franc-tireur, qui vient d’être amputé du bras, s’échappe et se réfugie deux étages plus bas. S’agit-il de René Eugène Dangiers, trente-et-un ans, des francs-tireurs de Paris, amputé après une fracture comminutive par éclat d’obus ?

Les pertes françaises s'élèvent à 290 hommes. Sur le monument aux combattants du 18 octobre 1870, il y est gravé : tués 22 gardes nationaux, 35 francs-tireurs, blessés, 18 gardes nationaux et 56 francs-tireurs, prisonniers 97 gardes nationaux et 18 francs-tireurs, morts en captivité 4 gardes nationaux.

Aux francs-tireurs de Cannes, Cresp, capitaine, blessé, Perrin, sous-lieutenant, blessé,

Aux francs-tireurs de la Loire Inférieure, A. Legalle, capitaine, tué. Félix Louis Dupré, vingt-neuf ans, natif de Pallet, caporal, souffre d’une plaie au sternum par coup de feu. Louis Marie Marcellin Noguès, caporal fourrier, a le poignet fracturé par coup de feu.

Aux Francs-tireurs de Paris, lieutenant A. Roussel, tué, capitaines E Chabout-Molard, Louis Henri Chabrillat, vingt-neuf ans, H Boulanger, A Bouillon et E Jacta, blessés, lieutenants GJFA Duchamp, Planart, et J Ducrot, blessés, Le caporal Victor Louis Bauvalet, trente-cinq ans, a reçu une balle dans la poitrine, au niveau de la 7e côte droite, fracturée et ressortie au dehors de l’apophyse épineuse de la 10e vertèbre dorsale. Germain Narcisse Deligny, trente-huit ans, natif de Neufmoutier, caporal, a le bras droit fracturé par balle.

A la garde nationale sédentaire, Blaise Georges Testanière, capitaine de cavalerie en retraite, chef de bataillon, est blessé par balle qui lui fracture le maxillaire supérieur avec perforation de la voûte palatine. Jean Louis Olivier, quarante-sept ans, natif de Bouffry, Loir-et-Cher, reçoit une balle dans le dos, enkystée près de la colonne vertébrale. François Théodore Pulvignon, quarante-trois ans, natif de Patay, Loiret, est blessé, rue des chantres, par balle au mollet droit.

Châteaudun est devenue une des villes martyr de la guerre de 1870.

Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 18 octobre 2020