• Description

Boisdesdames

L’ambulance numéro 4 de la société de secours suit toujours l’armée, le 5e corps, dans une marche de nuit, qui les mène vers Sommauthe. Depuis les combats de Buzancy, l’armée allemande serre de près l’armée française.

Vers cinq heures du soir, la veille, la brigade de Bernis, arrivant sur le plateau de Bois-des-dames, entend six coups de canon, un signal de l’armée allemande. Vers neuf heures du soir, la division de Lespart se trouve en première ligne, protégée, sur son front, par le 3e bataillon du 17e de ligne, sous les ordres du commandant Buffenoir, deux km en avant.

L’ennemi est là, à quatre km, qui les attend, artillerie prête. Les uhlans sont à six cents mètres des avant-postes français.

La nuit est tombée. Les troupes françaises passent la nuit-là, sous une pluie battante et un vent qui arrache les tentes.

A trois heures du matin, les troupes sont réveillées. Tous les campements allument des feux, préparent le café, plient les tentes qui ont résisté à la nuit. Le jour se lève, gris. La pluie reprend. A six heures, les troupes sont prêtes à marcher, prêtes au combat.

Pourtant, curieusement, les ordres ne viennent pas. Les hommes restent là, arme prête, jusqu’à une heure de l’après-midi.

Il semble que l’état-major ait décidé d’attendre que les prussiens arrivent jusqu’à eux !!

Bientôt, les dragons bleus du Hanovre apparaissent sur les hauteurs de la rive gauche de l’Aisne. Le 10e dragon français, sous les ordres du colonel Perrot, monte à cheval et se dirige sur Voncq.

Le combat d’avant-postes s’engage dans un terrain boisé et coupé des deux côtés de l’Aisne et du canal d’embranchement.

Le 4e escadron du 10e dragon, sous les ordres du capitaine Durand descend la vallée, traverse l’Aisne et le canal et détache une division en tirailleurs.

La 1ère division d’infanterie prend position sur la route du Chesne.

Les deux armées sont face à face.

Pendant une demi-heure, une violente fusillade éclate. Le capitaine Durand reçoit l’ordre de rallier ses dragons et rejoindre le régiment.

L’escadron se replie, poursuivi par les dragons allemands qui s’avancent jusqu’au canal où ils sont accueillis par les tirs du 13e chasseurs à pied, embusqué dans les vignes. Ils repartent.

Les troupes françaises bougent. Elles font cent mètres, s’arrêtent, repartent, sous la surveillance de cavaliers uhlans.

La route est défoncée par le passage de l’artillerie, les pluies violentes. Il faut doubler les attelages pour les canons.

La nuit arrive. Les colonnes s’engagent dans les bois et marchent une bonne partie de la nuit. Etrange bataille que celle du Bois des dames. Les deux armées semblent danser un drôle de tango : un pas en avant, un pas en arrière, etc.

La 4e ambulance de la société a quitté Sommauthe, à deux heures de l’après-midi pour Beaumont, ce 29 août.

Pendant tout le trajet, les membres de l’ambulance entendent le son du canon. Il y a une bataille, tout près, au bois des dames, à Belval. Ils accélèrent leur marche et, dès leur arrivée à Beaumont, ils se divisent. Un détachement de vingt brancardiers part en direction des combats. Le reste de la compagnie reste au point de ralliement, sous la direction des comptables. Arrivés au château de Belval, ils y trouvent trois ambulances militaires qui ont déjà pris en charges des blessés. Mais ces ambulances doivent suivre leur corps et abandonner leurs blessés. Ils confient alors leurs patients à l’ambulance numéro 4.

Les brancardiers sont de retour du champ de bataille. Ils arrivent avec une cinquantaine de blessés trouvés là-bas.

Le 17e de ligne a bien souffert des combats.

  • Bergerioux, vingt-sept ans, natif de Saint-Georges, dans l’Indre, figure parmi les blessés. Un coup de feu lui a fracturé la jambe gauche. Il en gardera une déformation de sa jambe et une paralysie de son pied.
  • Le caporal Michel Faure, doit subir l’amputation de l’annulaire de la main droite, après qu’un coup de feu lui ait déchiré la main.
  • Sylvain Deschamps, vingt-sept ans, de Nevoy, dans le Loiret, perd l’usage de son avant-bras gauche, après une fracture du cubitus, par un coup de feu.

 

  • Barthelemy Jean Mas, a reçu un coup de feu en pleine face, qui lui a fracturé la branche montante du maxillaire inférieur. Le tympan est rompu, l’os temporal va se nécroser.
  • Jean Claude Valla a reçu une balle en pleine poitrine.
  • François Donat Bourlot a reçu une balle en pleine tête, fracturant l’os frontal. Il souffrira de migraines périodiques.
  • Le caporal Joseph Vettard perd l’usage de son bras gauche après avoir reçu une balle dans l’épaule.
  • Le caporal Edouard Marie Cousteix, vingt-et- un ans, natif de Paris, perd l’usage de son pied gauche, après une plaie compliquée, par balle, dans le mollet.
  • Jean Marie Léandre Couston, vingt-deux ans, de Belcaire, Aude, perd l’usage d’une partie de sa main droite après une fracture et plaie compliquée de l’avant-bras, par balle.
  • Le caporal Marc Balusson, vingt-quatre ans, de Tailhet, Ariège, souffre d’une paralysie partielle après avoir reçu une balle qui lui a fracturé l’humérus gauche.
  • Augustin Etienne Masson, vingt-sept ans, natif d’Orléans, perd l’usage de sa main gauche, pour les mêmes raisons.
  • Georges Barroy, caporal-tambour, a la jambe droite paralysée. Un coup de feu lui a provoqué une plaie compliquée lésant le nerf poplité.
  • Ange Adrien Raulet souffre d’une plaie contuse à la hanche et à la fesse gauche, après un coup de feu
  • Etienne Poichot, vingt-quatre ans, de Choisey, Jura, perd une partie de l’usage de la main gauche, par coup de feu
  • Louis Ernest Dubois garde des séquelles à la main droite pour les mêmes raisons,
  • Jean Baptiste Hospice Gibaud, vingt-sept ans, natif de Nice, gardera une paralysie partielle de l’avant-bras droit, par coup de feu
  • Le sergent Jean Léon Laguerre souffre de plaies contuses à la poitrine et au mollet droite, avec une plaie compliquée du pied gauche. Il a reçu trois balles.
  • Joseph Guillaume Margéric, vingt-deux ans, de Laudun, Gard, est blessé à la jambe gauche, par coup de feu
  • Le sergent Julien Soum a le fémur gauche fracturé par un coup de feu, atrophiant sa jambe
  • Le sergent Victor Auguste Duchène, trente ans, de Roan-aux-Bois, Vosges, perd son œil gauche par un éclat d’obus
  • Mathieu Maurette, vingt-cinq ans, d’Uston, en Ariège, reçoit une balle en pleine face, fracturant le maxillaire inférieur. Il ne pourra plus se nourrir que de bouillie.
  • César Ferdinand Francezon souffre d’une plaie contuse à la cuisse gauche par coup de feu

 

Il n’y a pas que le 17e de ligne.

Grégoire Lycuras, du 68e, est blessé à la cuisse et au mollet par des éclats d’obus.

Tous ces hommes survivront et recevront une pension pour leurs blessures. D’autres auront « moins de chances ». Beaucoup d’autres.

Le lendemain, les blessés ayant tous été soignés, l’ambulance repart pour Beaumont, de crainte d’être capturée par les prussiens. Il est trois heures du matin. Un chirurgien et un aide sont laissés avec les blessés, pour le reste de la nuit. Ils rejoindront l’ambulance le lendemain matin.

Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 29 août 2020