• Description

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Le Ve corps marche sur Buzancy.

Le 12e chasseurs à cheval, commandé par le colonel Louis Adrien de Tucé, forme l’avant-garde.

Le colonel de Tucé est né à Montoire, dans le Loir-et-Cher, en 1817. Il a combattu en Afrique, en Syrie et au Mexique. Le combat, il connaît.

Les 5e et 6e escadrons sont arrivé le 26 août, au soir, à Châtillon-sur-Bar.

Le 27 août, les 3e et 4e escadrons les rejoignent et ils se mettent en route vers Buzancy. Le général de la Mortière suit les chasseurs avec le 5e lancier.

L’avant-garde est confiée au 4e escadron de chasseurs, sous les ordres du capitaine commandant Alexandre Charles Joseph, comte d’Ollonne, quarante-et-un ans, natif de Saint-Dié, dans les Vosges.

Les français avancent avec précaution. Un brouillard dense les empêche de voir les alentours. Les cavaliers qui explorent les abords de la route ne signalent rien, jusqu’à ce que l’un d’eux, à l’extrême avant-garde prévient de la présence de quelques uhlans, à quatre cents mètres devant.

Arrivés au village de Buzancy, les habitants leurs parlent également de la présence de l’ennemi, dans le bois de la Folie.

Il est 8 heures et demie du matin, le 27 août.

Le 12e chasseurs à cheval est devant Buzancy. Le général de Bernis donne l’ordre à leur colonel d’aller fouiller les bois. C’est le 4e escadron qui s’y colle.

La deuxième division se dispose en tirailleurs, pour surveiller les routes de Nouart et de Bayonville.

Le capitaine d’Olonne et le sous-lieutenant Rossignol, avec leurs hommes, s’avancent vers le bois de la Folie.

Buzancy

Imaginez ce spectacle : les hommes, portant le fusil haut, la crosse appuyée sur le paquetage, habillés d’un dolman vert clair à dix-huit brandebourgs noirs, s’avancent au trot, sur leurs petits chevaux arabes, vers le bois, en face d’eux, dans un brouillard épais.

Soudain, ce dernier se lève. Il est neuf heures du matin. Et ils voient à la lisière : un uhlan, puis deux uhlans, puis dix, vingt, de plus en plus d’ennemis.

Il faut engager le combat. Les chasseurs ouvrent le feu et font reculer les uhlans, qui se réfugient dans les bois.

Alors que les français cherchent les uhlans repartis dans les bois, une masse de cavalerie apparaît au-dessus de la crête qui domine le village de Buzancy et charge le 4e escadron, à bride abattue. C’est le 3e régiment de cavalerie saxonne.

Ils sont trop nombreux. La division qui sert d’éclaireur n’a que le temps de se replier pour rejoindre les autres pelotons du 4e escadron.

Cette fois, ce sont les saxons qui s’arrêtent, en voyant les troupes françaises, à cent cinquante mètres. Ils s’arrêtent à quarante mètres de Buzancy.

A ce moment-là, le 3e escadron français charge. Les hommes, sanglés dans leurs dolmans verts à brandebourgs noirs, le talpach enfoncé jusqu’aux oreilles, le corps penché, la pointe du sabre en avant, traversent Buzancy au grand trot pour soutenir la retraite du 4e escadron. Il est onze heures.

D’après les récits de l’époque, la situation est digne des histoires chevaleresques de l’ancien régime. Se faisant face, l’officier supérieur allemand et le lieutenant-colonel de la Porte lèvent, l’un son épée, l’autre son sabre, en un salut.

Le reste tient plus de la boucherie que de la chevalerie.

Les trompettes sonnent la charge et le 3e escadron s’élance, ses officiers en première ligne.

Un terrible combat, au corps à corps et à l’arme blanche, s’engage. Je laisse là, la parole aux souvenirs parvenus jusqu’à nous : « Pour pénétrer dans la masse saxonne, il faut creuser des vides à coups de révolver. Alors on entre les uns dans les autres ; les talpachs en peau d’astrakan de nos chasseurs s’entremêlent avec les casques à hauts cimiers des cavaliers saxons. Les Germains lâchent les rênes pour prendre, à deux mains, leur lourd glaive à large tranchant et s’en servent comme d’une massue. Mais nos petits chasseurs, plus souples, plus adroits, qui ont affilé leur lame de sabre sur la peau tannée des Mexicains, portent aux saxons des coups de pointe terribles qui ne pénètrent pas, il est vrai, ni dans la poitrine, ni dans le dos, mais entrent avec une étonnante facilité dans les flancs. »

Cette première charge dure cinq minutes environs et déjà, de nombreux cavaliers gisent au sol.

Les saxons reculent, poursuivis par le 3e escadron. Au moment où ils atteignent la crête, deux nouveaux escadrons saxons apparaissent. Cette fois, ce sont les français qui reculent.

Mais le 4e escadron est là, et c’est une nouvelle charge, des 3e et 4e escadrons réunis, remontent la pente pour attaquer les saxons.

Le cheval du lieutenant-colonel Ernest de la Porte est tué sous lui. Lui-même est atteint au bras droit par deux coups de sabre. Renversé à terre, piétiné, cerné par les saxons, il est blessé à la tête, mais réussit à se traîner jusqu’à la lisière d’un petit taillis où il est fait prisonnier.

Le capitaine de Bournazel, la tête fendue en croix par plusieurs coups de sabre, tombe de cheval et est également fait prisonnier. De son nom complet Léon Joseph de Lespinasse de Bournazel, natif de Tulle, âgé de 46 ans, c’est un militaire aguerri, qui a fait les campagnes d’Afrique et du Mexique. Le coup de sabre qu’il a reçu a fracturé la table externe du crâne, avec des esquilles.

Le capitaine d’Ollonne, balafré par un coup de sabre, démonté, cerné par plusieurs prussiens, réussit à s’en débarrasser.

Le sous-lieutenant Marescaux est assailli de toute part. Blessé aux reins, à la tête, il va céder sous la masse des assaillants lorsqu’il est dégagé par l’adjudant Fourès.

Le sous-lieutenant Sarrailh a son cheval tué sous lui et doit se rendre à un officier saxon.

Le sous-lieutenant de Merval est capturé. Le sous-lieutenant Alfred Rossignol, trente ans, prend le commandement du peloton de Merval. Cerné par les saxons, il refuse de se rendre, un coup de sabre lui arrache sa coiffe, il est blessé à la face, à l’épaule. Les cavaliers près de lui sont atteints de graves blessures au visage et sur les bras. Les sabres ne font pas de cadeau.

Mais le sous-lieutenant Rossignol se bat toujours jusqu’à un coup qui lui fend le crâne. Aveuglé et étouffé par le sang, il tombe de cheval. Un peu partout, les hommes tombent, refusent d’abandonner le combat jusqu’à ce que la force leur fasse défaut.

Au loin, le général de Bernis suit les combats. Il donne l’ordre au colonel de Tucé de faire diversion avec les derniers escadrons qui restent. Avec le 5e escadrons du 12e chasseurs, le colonel traverse le village au galop pour soutenir la retraite des 3e et 4e escadrons, poursuivis par les saxons.

Le combat change alors de visage. Les français et les saxons sont entassés dans l’unique rue du village, étroite, incapables de se servir de leurs armes.

Le 5e escadron trouve une échappatoire sur la gauche, le capitaine Compagny commande « haut les fusils » et les trompettes sonnent la charge.

D’une ruelle du village débouche une nouvelle colonne, française, avec en tête, le colonel de Tucé. Une décharge générale des chassepots du 5e escadron éclate à une quinzaine de mètres des allemands. Puis ils lâchent leur fusil pour reprendre leur sabre et chargent, à l’arrière des saxons.

La mêlée est alors indescriptible. Les quatre escadrons du 3e saxon sont renversés, dispersés.

Les officiers fait prisonniers à la charge précédente, en profitent pour s’échapper, couverts de sang, comme les chevaux qu’ils attrapent au vol. Seul le lieutenant-colonel de la Porte, le bras cassé, reste entre les mains des prussiens. Il sera conduit à Dun (âgé de quarante-huit ans, natif de Paris, il rentrera en France, le 18 décembre 1870).

Même le sous-lieutenant Rossignol, malgré son horrible blessure au crâne, reprenant connaissance, réussit à attraper la crinière d’un cheval et à le monter, rejoignant son régiment. Il souffre d’une fracture de la table externe du crâne, avec esquilles, région occipitale frontale, comme de Bournazel.

Pour la troisième fois, les cavaliers allemands sont poursuivis par les français. Le 6e escadron du 12e chasseurs vient d’entrer à son tour dans Buzancy.

Les français pourchassent les saxons jusqu’à la crête. Et comme la dernière fois, ils s’arrêtent. D’autres escadrons saxons sont arrivés et s’apprêtent à reprendre l’offensive à l’Est de la route de Rémonville.

Deux pièces de leur artillerie ont pris position sur les hauteurs et lancent leurs obus sur les français. Un régiment de cavalerie appuyé par le 3e escadron du 2e régiment de Uhlans débouche du bois de la Folie et commence à descendre la crête.

De nombreux fantassins prussiens s’embusquent au même moment, à la lisière des bois. Décidément, ce bois porte bien son nom.

Les français doivent reculer. Le colonel de Tucé commande le demi-tour. Les chasseurs français sont fauchés par les obus. Buzancy est aux mains de l’ennemi.

Les escadrons français se reforment à l’arrière et se comptent. Soixante-deux chasseurs sont blessés, la plupart légèrement, de simples estafilades sur le visage ou les bras, là où les sabres ont frappé.

Deux ont été tué. Cinq officiers sont blessés.

Vu la violence des combats, « si peu » de morts est étonnant. Certains mourront de leurs blessures, parfois longtemps après, comme Denis Chanset, de Gros-Chastang, en Corrèze. Il succombera, le 17 mai, des suites de ses blessures, coup de sabre à la tête.

Tous les talpachs sont lacérés de coups de sabre. Les chasseurs, exténués, se mettent en retraite et se dirigent vers le gros du 5e corps, vers Châtillon.

Le 12e chasseurs à cheval bivouaque dans la boue, autour d’Authe. Les femmes du village réparent les vêtements déchirés par les sabres saxons. La cavalerie reste sans tente, sans feux, la bride au bras, prêt à repartir. L’infanterie s’enveloppe dans des couvertures mouillées, sur des lits de feuilles.

Authe

Demain, il faudra repartir. Mais ce sera demain.

Les blessés sont soignés par l’ambulance n°4 de la société de secours, sous les ordres du docteur Pamard. Les blessures sont presque toutes les mêmes : coups de sabre.

  • Georges Louis Woelffel, d’Audincourt, dans le Doubs, du 12e chasseurs, souffre de plusieurs plaies au coude gauche et à la région occipitale.
  • Marie Lucien Sohnlé, de Brunstatt, Haut-Rhin, du12e chasseur, plaies à la nuque et au coude gauche par coups de sabre.
  • Jean Jung, d’Estendorff, Bas-Rhin, 12e chasseurs à cheval, fracture des os propres du nez par coup de sabre.
  • Emile Viennet, de Nods, Doubs, brigadier au 12e chasseurs à cheval, fracture du coude droit et de l’avant-bras par coup de feu. Il sera amputé du bras.

Le 27 août, à Buzancy, le 12e chasseurs à cheval a rencontré la Folie, dans un petit village des Ardennes.

Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 27 août 2020