Louis Dahuron est sabotier au village de l'Essert, à la Ville-aux-clercs, dans le Loir-et-Cher.
Il a vingt-sept ans, le vingt-trois octobre 1870.
C'est la guerre et son atelier de sabotier sert de corps de garde pour le poste de défense du village par la garde nationale.
Il est d'ailleurs de garde ce soir-là et il part en patrouille, à neuf heures du soir, avec deux autres gardes dont Louis Binois, vingt-neuf ans.
Il est minuit lorsqu’ils reviennent et à l'approche du poste de garde, une sentinelle leur crie "halte" à quoi Louis répond "patrouille de l'Essert, c'est vous Jules ?"
Il n'a pas fini de prononcer son nom que ledit Jules lui tire dessus, heureusement pour lui, trop haut. Si un plomb le blesse légèrement, les autres emportent sa casquette qu'ils percent, emportant en même temps une touffe de cheveux. Ils n'étaient pourtant qu'à trois à quatre mètres de la sentinelle.
Seulement voilà, la sentinelle, c'est Jules Papin, cinquante-et-un ans, et comme à son habitude, Jules Papin est saoul.
Une habitude d'autant plus désastreuse qu'il a le vin mauvais.
En réalité, c'est son fils qui est de garde avec deux autres hommes. Mais Jules est ivre et il les a menacés avec son fusil, les a enfermés dans le poste dont il a brisé toutes les carreaux.
Dès qu'ils entendent les coups de feu, les trois hommes arrivent à sortir et le fils désarme Jules qu'il entraîne immédiatement chez eux.
Parmi les hommes enfermés dans le corps de garde, Louis Mauclaire, vingt-et-un ans, et Victor Darde, vingt-neuf ans. Le premier confirme les faits aux gendarmes prévenus par la rumeur plusieurs jours plus tard. Le second est absent. Mais en recoupant les témoignages des uns et des autres, ils reconstituent l'histoire.
Personne n'avait osé les prévenir plus tôt, tout le monde ayant peur des représailles dudit Jules, car il est très dangereux, surtout quand il a bu, ce qui se produit tout le temps. Evidemment, il ne se rappelle de rien.
Les gendarmes rédigent donc leur procès-verbal en qualifiant l'évènement d'accident par imprudence faute de mieux.
Comme si l'arrivée des prussiens ne suffisait pas !!!