C'est la grande guerre : vous connaissez la procédure. Les services de l'état civil militaire dressent les actes de décès qui sont ensuite envoyés aux maires des communes concernées.
Le maire passe alors son écharpe d'élu de la République et se rend au domicile de la famille pour l'informer du décès de leur fils, leur mari, leur frère..... puis rédige l'acte de décès dans les registres de la commune. Nous sommes le 25 mai 1915.
C'est ce qui s'est probablement passé à Suèvres lorsque l'avis de décès de Christophe Garnier est arrivé. Christophe Garnier, soldat au 313e régiment d'infanterie a été tué le 4 mars 1915 à Vauquois, dans la Meuse. On imagine sans trop de difficultés les effets d'une telle annonce sur la famille.
Mais ne cherchez pas son nom sur le monument au mort ou dans les MPF de mémoires des hommes, parce que Christophe Garnier n'est pas mort.
Non, Christophe Garnier est vivant, contrairement à Paul Arthur Garnier du 313e régiment d'infanterie, de Salbris, qui lui est bien décédé le 4 mars 1915 à Vauquois et dont le décès a bien été enregistré à la mairie de Salbris.
En 1922, il faut réparer les erreurs administratives et annuler l'acte de décès, transcrire le jugement, modifier les mentions marginales
Christophe ne survivra pas longtemps à la guerre, puisqu'il décède 14 février 1928, à quarante-quatre ans, après avoir fait campagne jusqu'en mars 1919 : intoxiqué par les gaz en janvier 1918, disparu le 13 janvier 1917, fait prisonnier et interné à Munster, il ne sera démobilisé que le 21 mars 1919.
Décédé en 1928, il n'a pas le statut de mort pour la France même si c'est la guerre qui l'a poussé dans la tombe. Au moins sa famille aura eu la joie de le voir revenir de cette guerre monstrueuse.
Christine Lescène - Le blog d'une généalogiste - 6 Novembre 2016