En ces temps de commémoration de la grande guerre, on parle beaucoup de jugement déclaratif de décès pour les soldats disparus au combat et dont les corps n'ont pas toujours été trouvé ou bien l'ont été trop tard pour un acte d'état civil normal.
Mais qu'y a-t-il dans ces jugements déclaratifs de décès ?
Je vais prendre l'exemple de Jules Edmond Mathiot, né à Paris 6e le 11 novembre 1898 (il aurait au vingt ans le jour de l'armistice, s'il avait vécu !!!) et porté disparu le 6 septembre 1918, dans la Marne.
Bien qu'il soit né à Paris, que ses parents vivent à Paris et qu'il ait été recruté à Paris, 3e bureau de la Seine, son jugement déclaratif de décès est passé au tribunal civil de Romorantin. En effet, au moment de son appel, il est domicilié à Soing, chez monsieur Boucher, cultivateur, comme pupille de la colonie de Saint Maurice.
Les documents trouvés dans son dossier sont les suivants, dans l'ordre chronologique :
- Acte de disparition du 23 septembre 1918 provenant du 4e régiment d'infanterie, écrit par Emile Labbé, lieutenant officier de détails, certifiant que Mahtiot Jules Edmond, fils de Charles Jules Edmond et Louise Marie Pottez, né le 11 novembre 1898 à Paris, 6e, soldat inscrit sous le numéro au recrutement 1047 du registre matricule, a disparu la nuit du 6 au 7 septembre 1918, près de Courlandon, dans la Marne, et que depuis cette époque toutes les recherches auxquelles il a été procédé pour découvrir son sort sont demeurées infructueuses. Les circonstances de sa disparition : le soldat mathiot a disparu au cours du combat qui a eu lieu la nuit du 6 au 7 septembre 1918 près de Courlandon, Marne. D'après les recherches faites et renseignements obtenus par les différentes formations voisines, il résulte que le soldat Mathiot a été tué par une bombe d'avion et inhumé au Nord Est de Villette par les soins de l'ambulance américaine attachée à la 55e brigade américaine. Il y a présomption de décès.
- Compte-rendu d'exhumation, le 7 octobre 1919, provenant de l'état major de la 6e région, n° au cahier d'enregistrement 792, 13 heures, au grand hangar à foin (entrée nord de Villette) en présence du caporal Hutin Georges, 155e régiment d'infanterie et du soldat Maurice Piquet, 153e régiment d'infanterie, il a été procédé par ses soins à l'exhumation d'un cadavre dont la tombe portait les indications suivantes : plaque d'identité sur croix Mathiot Jule classe 1918 - Seine 3e Bureau 1047. L'examen du corps n'a pas permis d'obtenir d'autre indication. Le corps a été placé dans un cercueil et inhumé au cimetière militaire de Baslieux tombe n°4 travée 3 et la tombe a été munie de l'inscription suivante : Mathiot Jules cl 1918 4e infanterie 9e compagnie.
- Questionnaire du 17 novembre 1920 provenant du service général des pensions, ministère de la guerre, rempli à Auxerre, avec les mentions suivantes : nom Mathiot, prénoms Jules Edmond, grade soldat, corps 4e infanterie, numéro matricule 18423, recrutement Seine 3e bureau, matricule au recrutement 1047, date et lieu de naissance : 11 novembre 1898 Paris 6e, lieu du dernier domicile au moment de sa mobilisation : 9 rue Laplace, Paris 6e, domicile de la famille, 9 rue Laplace, Paris 6e - le militaire vous a-t-il été signalé prisonnier : non, résulte-t-il de l'enquête faite à ce jour qu'il y a lieu d tenir sa disparition pour constance ? oui
- État signalétique et de service d'un homme de troupe du 17 novembre 1920 : le document reprend l'état civil déjà cité, avec en plus son signalement : cheveux châtains, yeux marrons, front vertical, nez rectiligne, visage long, taille 1.64 m puis sa courte "carrière" militaire
- Extrait de naissance du 25 novembre 1920
- Demande de renseignements, du 9 décembre 1920, du parquet de Romorantin à la mairie de Soings concernant Jules Mathiot sur sa situation familiale. La réponse est faite directement sur le formulaire du courrier : Jules Mathiot est pupille de la colonie de Saint Maurice, de Lamotte Beuvron, placé à Soings chez M. Boucher, cultivateur, il est célibataire. Aucun renseignement récent le concernant n'est parvenu à la mairie ou à la famille, qui puisse faire douter de son décès, et le domicile de la famille est Paris, rue Laplace.
- La requête, le 24 décembre 1920, du procureur aux président et juges du tribunal civil de Romorantin, qui demande de déclarer "constant" le décès de Jules Edmond Mathiot, soldat au 4e régiment d'infanterie, né à Paris, 6e, le 11 novembre 1898, fils de Charles Jules Mathiot et Louise Maria Pottez, disparu le 6 septembre 1918 près de Courlandon, dans la Marne. Il est domicilié à Soings. Et demande que ce jugement soit transcrit sur les registres de décès de la commune de soings dans l'année courante.
- L'ordonnance suivie du jugement, qui reprend les termes de la requête, le même jour
- Le courrier du parquet de Romorantin adressé à la mairie de Soings, joint à la grosse du jugement et demandant que celui-ci soit transcrit dans le registre de décès de la commune avec mention que la transcription a été faite en janvier 1921 et que la famille en a été informée le même mois.
Tout un dossier avec beaucoup de redites mais également des renseignements inédits qui ne sont pas repris dans l'énoncé du jugement, retranscrit dans le registre d'état civil. Et surtout, une chronologie de démarches faites par les administrations pour en arriver à la rédaction d'un acte de décès.
Alors si vous avez un jugement déclaratif de décès d'un ancêtre mort à la guerre ou ailleurs, ne vous contentez pas de la retranscription dans le registre de décès, recherchez le dossier de justice, pour avoir plus de détails.
Et pour le coup, j'en ai profité pour l'indexer sur mémoire des hommes.