Second siège de Paris :
Les derniers insurgés se rendent, à dix heures du matin, abandonnant le fort de Vincennes.
En tout, pendant cette terrible guerre civile, 7 817 soldats français vont être tués, blessés ou portés disparus : 83 officiers et 794 soldats sont tués, 430 blessés officiers et 6024 sont blessés, certains handicapés à vie et 183 sont portés disparus.
L’infanterie paye le plus lourd tribut, avec 63 officiers tués et 353 blessés, 698 soldats tués et 5201 blessés et 162 portés disparus.
Si je regarde l’ambiance générale qui ressort de la guerre, je garde cette impression d’amateurisme durant la guerre contre la Prusse : des troupes non préparées, des officiers sans expérience, des ordres absurdes, un gigantesque gâchis. Au contraire, le siège de Paris et les combats contre la Commune montrent tout le contraire : ordre, efficacité, organisation.
L’armée a tiré profit de la première catastrophe en un temps record. Il est vrai que les incompétents ont été écartés.
Mais, du début jusqu’à la fin, les soldats ont fait preuve d’un courage sans limite.
En un mois, l’armée réunie à Versailles a accompli des travaux considérables : creusé près de quarante km de tranchées, élevé quatre-vingts batteries armées de 350 canons. Pris cinq forts, forcé l’enceinte de Paris, pris les grandes forteresses de la ville et toutes les barricades. Malgré les nombreux incendies allumés par les fédérés, le pire a été évité, un grand nombre d’explosif n’ayant pas pu être activés.
Si l’on a quelques chiffres sur les pertes militaires et insurgées, il n’en est pas de même des civils, qui, eux aussi, ont payé un lourd tribut, qu’ils aient été tués par les insurgés pour les empêcher d’éteindre les incendies ou parce qu’ils refusaient de combattre à leurs côtés, qu’ils aient été tués dans les combats de rue, victimes collatérales des balles perdues, ou tués par les tirs d’artillerie et les incendies, leur chiffre reste inconnu.
Des témoignages épars parlent de certains : comme des sept cadavres d’une même famille retrouvés réfugiés dans la cave de leur maison de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, à l’angle de la rue Royale. Ils pensaient échapper aux obus et aux balles, ils n’ont pu échapper aux flammes qui ont détruit leur maison. La cave a été incendiée par le pétrole, l’arme fatale des insurgés.
Le bilan est plus « facile » à dresser des pertes mobilières et immobilières : Les Tuileries n’ont plus que deux étages, le troisième et le dôme, ainsi que tout ce qui se trouvait à l’intérieur ont été détruits par les flammes.
De l’Hôtel-de-Ville, il ne reste plus que les murs, l’état supérieur a disparu. Il ne reste également plus que les murs du palais du Conseil-d ’Etat, du palais de la Légion d’Honneur. Les galeries du Carrousel n’ont plus d’étage supérieur et il ne reste plus que les murs des autres. L’intérieur de la bibliothèque du Louvre est détruit. Le Palais-de-Justice a perdu plusieurs corps de bâtiments, la Préfecture de police est détruite. Le théâtre de la Porte-Saint-Martin, les magasins du chemin de fer du Nord, à la Villette, ont entièrement brûlé. L’Arsenal, le Théâtre-Lyrique n’ont plus que leurs murs.
De monstrueux chicots noircis se dressent à l’entrée de la rue du Bac, à presque toutes les entrées des maisons de la rue de Lille, à l’entrée du boulevard du Prince-Eugène, aux angles du boulevard de Sébastopol et de la rue de Rivoli et sur la place de la Bastille.
Dans le quartier de la Madeleine, des maisons n’ont plus que leurs façades extérieures, trois angles de la rue Royale et de la rue Saint-Honoré ne sont plus que tas de cendres.
Le ministère des Finances a perdu le mur de la façade. Et la liste est longue de monuments, de maisons et d’entrepôts incendiés.
L’art a également subi des pertes irréparables : les statues et les tableaux de la bibliothèque du Louvre, les statues extérieures et intérieures de l’Hôtel-de-Ville, ses tableaux, les décorations de tous les palais sont détruits.
La bibliothèque entière du Louvre, la bibliothèque de l’Hôtel-de-Ville, la bibliothèque du conseil d’Etat ont été réduites en cendres.
La commune a même réalisé ce que la Révolution avait refusé de faire : détruite les preuves de l’existence des Français, de leur naissance, de leur mariage et de leurs décès en détruisant l’état-civil des Parisiens qui se trouvait, pour un exemplaire, à l’Hôtel-de-Ville, et pour l’autre au greffe du Palais-de-Justice.
Les archives du conseil d’état et de la cour des comptes et tous les titres qui se trouvaient au ministère des Finances ont également été détruits.
Après l’incendie de la Préfecture de Police, tous les objets du culte volés dans les églises y sont retrouvés, tordus, brisés, fondus par le feu.
De nombreux engins explosifs ou incendiaires vont être trouvés dans les jours qui vont suivre, dans de nombreux bâtiments et caves de maisons particulières. Les insurgés n’ont pas eu le temps de les actionner. Sans cela, Paris entière aurait été la proie des flammes.
L’incendie de Paris est considéré comme un désastre national. Des secours arrivent très vite des départements alentours. Les premiers arrivés sont ceux de l’Eure, de l’Eure-et-Loir, de la Seine-Maritime, de la Seine-et-Marne et de toute la banlieue. Le colonel Willermé va coordonner ces aides.
Le temps des comptes à rendre est également venu. La répression contre les insurgés, après les exécutions sommaires pendant les combats, va se retrouver entre les mains de la justice, la justice militaire. Mais avant cela, treize membres de la Commune ont été passés par les armes après leur capture.
Mais auraient-ils pu être jugés ? Je ne le pense pas.
La foule des Parisiens, peut-être la même qui mis en pièce des généraux Lecomte et Clement Thomas au début de cette guerre civile, cette foule s’en prend maintenant à tous ceux qui leur semble être de la commune. Des homonymes et des «sosies» en font les frais. Un homme pris pour Gustave Courbet est fusillé, une autre pris pour Billioray l’est également.
Une cour martiale, présidée par un lieutenant-Colonel, juge dans le foyer du théâtre du Châtelet.
Les individus reconnus coupables et condamnés à la peine de mort sont conduits à la caserne Lobau, derrière l’Hôtel-de-Ville. Les pelotons d’exécution les attendent et la sentence est exécutée immédiatement. Le sang doit encore couler.
Victimes de la guerre, condamnés exécutés, les corps s’entassent dans la ville, un peu partout, mais surtout dans les squares. Plus d’un millier de corps sont enterrés dans le square de la Tour-Saint-Jacques. Plus tard, les corps seront déterrés et conduits dans les principaux cimetières de la ville.
Devenu évènement emblématique de la Commune, le long du mur de Charonne, à l’Est, dans le cimetière du Père-Lachaise, cent quarante-huit insurgés ont été exécutés le 28 mai. Sinistre spectacle qui ne doit pas faire oublier tout le reste.
Oserai-je le dire ? Cette exécution n’est qu’un épiphénomène de la Commune, comme la Commune n’est qu’un épiphénomène de la guerre de 1870.
Ne parler que de cela, c’est nier tous les autres morts, nier le sacrifice des soldats français et de leurs familles.
Les arrestations vont aller bon train, pendant des jours et des jours et de longues files de prisonniers traversent Paris pour se rendre à Versailles, où les conseils de guerre les attendent.
Une fois interrogés, les insurgés sont emmenés à Cherbourg et à Brest, sur des bateaux mouillés en grande rade. Au 8 juillet, 31 000 fédérés sont dans les prisons de France.
Mais ce n’est pas fini. Si l’insurrection est stoppée, le traité de paix avec l’Allemagne signé, des soldats français continuent à mourir.
A Ulm, en captivité, Blaise Faillet, de Bougie, Dordogne, soldat au 3e régiment d’infanterie de marine, décède du typhus.
A Mayence, en captivité, Henri Liotard, de Saint-Barthelemy, Isère, du 3e d’artillerie, décède de pneumonie.
Jusqu’au 8 juillet, trente-huit prisonniers vont mourir à Mayence et sept à Ulm, alors même que le France a repris le cours de sa vie.
Le 1er juin, la liberté d’entrer et de sortir de Paris est rétablie. Le 5, le conseil de la société de secours aux blessés est de retour dans Paris et reprend ses fonctions.
Le 15 juin, le ministre de la Guerre charge cette dernière du rapatriement des blessés et malades français prisonniers en Allemagne.
Le 17 juin, le dernier train de prisonniers quitte Mayence pour la France, emportant deux cent soixante malades et blessés jugés capables de supporter le voyage. Cinquante-quatre infirmes vont rester dans les hôpitaux et une douzaine d’entre eux y mourra. Les rescapés rentreront chez eux à la fin du mois de juillet. Le dernier prisonnier à mourir à Mayence, est Paul Beuille, vingt-deux ans, natif de l’Ariège, du 1er dragon. Il décède de phtisie.
Le 26 juin les blessés de l’ambulance de Cours-la-Reine et de celle du corps législatif sont évacués sur l’ambulance de la grande-gerbe. Depuis le 30 mai, des blessés de l’ambulance de Cours-la-reine sont évacués sur les hôpitaux de la province, avec un pécule variant suivant la distance à parcourir.
Le 28 juin, c’est la fin de l’évacuation et la fermeture de l’ambulance de Cours-la-Reine. Elle a été dirigée par le docteur Chenu et a reçu 1 127 blessés ou malade. 206 y sont décédés.925 étaient grièvement blessés.
C’est également la fermeture de l’ambulance du corps législatif. Elle aura soigné, après sa deuxième ouverture, 76 blessés dont 7 officiers, 53 sous-officiers et soldats, 16 gardes nationaux.
A la fin du mois de juin, le gouvernement d’Ulm autorise les prêtres catholiques français présents à emmener les plus malades. Le dernier prisonnier français à mourir à Ulm est Florimond Nectoux, de Paris, du 1er régiment d’artillerie. Il décède le 14 juin de phtisie.
Le retour se fait par Constance, Schaffhouse et Bâle. L’accueil des Suisses ne se dément pas et à chaque étape, ils assistent du mieux possible ces soldats épuisés, poitrinaires pour certains. Ils vont rentrer en France, par les territoires perdus : l’Alsace et la Lorraine. A Strasbourg, puis Mulhouse, l’accueil de la population est admirable malgré toutes les souffrances qu’elle a subies.
Cette fois, c’est bien fini. La France peut panser ses plaies et entamer un nouveau cycle, avec un nouveau gouvernement, la République, de nouveaux hommes politiques (ou les mêmes un peu modifiés), et une haine farouche de l’Allemagne, qui va mener, quarante-trois ans plus tard, à la Première Guerre Mondiale.