• Description

Siège de Paris : le bombardement continue. Les forts du sud et principalement celui d’Issy sont la cible de l’ennemi. A la maison de la légion d’honneur, plus de 600 malades et blessés sont exposés aux tirs de l’artillerie allemande. L’amiral demande leur évacuation sur Paris.

A Port-à-l’Anglais, les canonnières sont prises dans la glace et de grands efforts sont faits pour les dégager.

Les forts de l’Est ont sept blessés, le fort de Montrouge, en a huit et le fort de Vanves a un tué et dix blessés.

Armée de la Loire :

Ce jour funeste pour l’armée de la Loire est marqué par la bataille du Mans. Les 90 000 hommes de la 2e armée de la Loire, comprenant les 16e, 17e et 21e corps, et les divisions de mobilisés de Bretagne, Lalande et Le Bouedec, vont se heurter aux 75 000 allemands de Frédéric-Charles. Les chiffres sont plutôt en faveur de la France, et pourtant.

A minuit, le colonel Ribell reçoit l’ordre de quitter les Arches et de refermer la trouée laissée par sa retraite, d’occuper le plateau des Granges jusqu’au tertre, en arrière de Changé et de garder cette position, jusqu’à l’arrivée de la division de Jouffroy. Il faut protéger les accès au Mans. Les hommes sont réveillés, il faut repartir.

Dans la nuit, les mobiles du 33e de Denis Erard, reçoivent l’ordre de bouger, sans le moindre bruit, ni cigarette pouvant signaler leur position. Ils se mettent en marche, contournent le château et s’engagent dans les allées du parc des Arches. Ils traversent, en silence, un ruisseau, des taillis, des sentiers impraticables aux voitures et arrivent près de murs de l’ancienne abbaye de l’Epau. Une neige épaisse s’est mise à tomber, rendant la marche encore plus difficile et pénible. Par des chemins détournés, ils arrivent au Tertre de Changé. Ils attendent, veillée d’arme, le combat qui aura lieu dès le lever du jour.

Les compagnies du 33e régiment de mobiles de la Sarthe, conduites par leurs capitaines, gagnent les emplacements qu’ils doivent tenir, à la lisière de la sapinière. Les hommes sautent dans les tranchées, dont la terre rejetée en avant forme une banquette qui les abrite jusqu’aux épaules. La neige fondue sous leurs pieds forme une boue liquide et froide, dans laquelle ils doivent patauger. La neige tome toujours en abondance, presque en tempête, recouvrant les hommes d’une chape blanche, comme tout ce qui les entoure. La nuit est noire et le silence absolu uniquement interrompu par les quintes de toux des poitrines malades, impossible à contenir. Ils attendent sans savoir ce qui se passe ailleurs. Derrière eux, en seconde ligne, se tiennent les lignards du 37e, leurs camarades de brigade. Après tous ces mois de combat, lignards et mobiles ne s’opposent plus. Ils ont vécu les mêmes combats, les mêmes drames, les mêmes marches épuisantes, les mêmes retraites.

Le froid devient intolérable pour ces hommes immobiles. Le jour commence à poindre et la neige cesse enfin de tomber. Devant eux, à quinze cents mètres environ, se dresse le clocher de Changé. Plus près, un verger de pommier, et, à soixante pas, une vieille bâtisse carrée. Les prussiens sont là. Ils ont, pendant la nuit, crénelé les murs. Ils attendent, eux aussi. Les officiers français observent : derrière le talus du chemin, derrières les gros châtaigniers, qui le bordent, une quantité de casques à pointes et de fusils ne laissent voir que leur extrémité. Seuls cents à cent cinquante mètres les séparent de l’ennemi. Qui va ouvrir le feu en premier. L’attente est interminable.

Le colonel de Touanne leur défend de tirer sans ordre, mais d’un bout à l’autre de la tranchée, le cliquetis des culasses mobiles se fait entendre. Chacun s’assure du bon fonctionnement de son chassepot et y introduit une cartouche. Le combat sera différent des combats menés dans les plaines de Beauce, où l’on se tirait à grande distance et où l’artillerie jouait le plus grand rôle. Ici, les canons sont au second plan. Ce sera un duel gigantesque de tirailleurs embusqués de part et d’autre.

Pour l’instant, le jour s’est levé et les seuls projectiles que les français peuvent lancer, sont des boules de neige. Et ils s’en donnent à cœur joie, invectivant l’ennemi au passage. Puérile n’est-ce pas ? Pas totalement. Pour ces hommes immobiles dans le froid depuis des heures, ce combat inoffensif les secoue de leur torpeur et ranime la circulation dans leurs membres engourdis.

Il est entre dix et onze heures. La neige a recommencé à tomber. Cela semble enfin bouger, les officiers haut-gradés arrivent et examinent la situation. Les ordres tombent enfin, mais pas ceux que les mobiles pensaient recevoir.  Un bataillon de chasseurs à pied vient prendre leur place dans la tranchée. Ils sont relevés, après dix heures de faction dans un froid glacial.

Les mobiles défilent par la droite, à couvert de la banquette et les chasseurs, à leur suite, pénètrent dans la tranchée et prennent leur place. Pendant ce temps, les deux autres bataillons de mobile sont remplacés par le 45e de marche. Ce sont eux qui iront à l’affrontement. Combien y survivront ?

Les mobiles de la Sarthe de Denis Erard n’ont quitté la tranchée que depuis une demi-heure que la fusillade commence dans la sapinière. La bataille du Mans vient de commencer.

En suivant le chemin aux bœufs, ils arrivent enfin à leur nouvelle position, leur ancien campement. Et ils vont attendre, toute la journée, simples spectateurs auditifs des combats. Le vacarme est épouvantable. Le canon fait rage, avec le bruit strident des mitrailleuses. Ils sont à droit de la route de Parigné, dans les sapins, sur la crête de la colline, juste à côté de deux pièces d’artillerie. Un feu de mousqueterie ininterrompu double le vacarme des canons. Et les mobiles attendent. A la nuit tombée, le bruit cesse.

Cela fait trois jours sans aucune distribution de vivre pour les hommes, les provisions sont épuisées. Les mobiles grelotent de froid et de fatigue. Que se passe-t-il ? Quand vont-ils enfin pouvoir combattre ?

Les hommes du 75e mobile, Loir-et-Cher, sont tout près d’eux. Ils ont vécu la même journée, sans pouvoir combattre, mais juste attendre. Eux aussi ont faim.

Le 49e mobiles, de l’Orne, a commencé la journée comme eux, mais la suite ne sera pas la même. En position à la Chapelle-Saint-Remy, deux voitures de munitions sont arrivées, leur permettant de se réapprovisionner. Le 1er bataillon de l’Orne a touché ses chassepots le 7 janvier seulement, et n’a eu que vingt cartouches par hommes. Ils sont les premiers à remplir leur musette, suivi du 2e. Le reste des cartouches est envoyé à l’infanterie de marine et au 59e de marche. Pendant la nuit, les allemands se sont gravement rapprochés. A dix heures, quelques uhlans se présentent devant la Chapelle-Saint-Remy. Une reconnaissance du 4e bataillon découvre, à un km en avant, de prussiens, placés en grand’garde et déguisés en mobiles. Mais les combats commencent un peu partout. Au bout de trois heures, les obus commencent à tomber sur la Chapelle-Saint-Remy.

Le 49e doit battre en retraite sur Lombron et abandonner la Chapelle-Saint-Remy aux mains de l’ennemi. Le 59e de marche essuie de lourdes pertes. Le chef de bataillon Manior est blessé, le capitaine La Gorce est fait prisonnier. Grâce à l’énergie du commandant Egrot, le 59e a réussi à conserver la position de Lombron, point de défense assigné à la 2e division, mais a perdu les deux tiers de son effectif, 1600 hommes. Dix capitaines sur treize ont été tués, blessés ou prisonniers, ainsi qu’un grand nombre d’officiers de tous grades. Le 49e mobiles de l’Orne a 350 hommes hors de combat.

A cinq heures et demie du soir, les grand’gardes sont reprises. Ils entendent parler les allemands, tout près. Demain, il faudra remettre cela.

Des combats, ce jour funeste du 11 janvier 1871, il y en a eu : à la Chapelle, Savigné-l’Evêque, Saint-Célerin, Point du Jour, Connerré, Pont-de-Gesne, Montfort, Champagné, Villiers, Château-des-Arches, Changé, les Noyers-château, Plateau d’Auvours, Mulsanne, les Tuileries, Vert-Galant, Ecommoy.

11janvier

Si l’aile gauche des troupes françaises, sur l’Huisne et le centre du plateau d’Auvours ont tenu, l’aile droite où se trouvent les mobilisés de Bretagne, peu aguerris au combat, perd pied. Attaqués dans l’obscurité, ils s’enfuient et leur panique gagne les 16e et 17e corps qui s’enfuient vers le Mans, malgré tous les efforts de l’amiral Jauréguiberry. Avant que le jour se lève, le 12 janvier, Chanzy doit se résigner à abandonner le Mans et ordonne la retraite.

2200 soldats français sont hors de combat, tués, blessés, disparus. L’ambulance n°10 du docteur Sautereau est à Changé, au moulin du gué de Maulny. Elle y soigne cent cinquante blessés, mais doit subir le pillage de son linge, des bagages, des cantines et des papiers par l’ennemi. L’ambulance volante girondine du docteur Demons est à Parigné-l’Evêque où se trouvent quatre-vingt-douze blessés. Une section de l’ambulance va y détacher pour aider le docteur Fournier qui a pris en charge les blessés.

Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 11 janvier 2021