• Description

Armée de la Loire, le 49e régiment des mobiles de l’Orne part pour Marchenoir, dès cinq heures du matin. La prise de Beaugency et les combats malheureux des 16e et 17e corps les obligent à changer de front. La retraite sur le Loir commence pour eux.

Les deux brigades marchent dans les champs, à droite et à gauche de la route, en colonne par bataillon, avec l’artillerie sur la chaussée. Après le gel vient le dégel, tout aussi pénible pour les hommes. La terre est détrempée.

Il est défendu d’allumer des feux, donc pas de soupe. A dix heures, les hommes ne peuvent plus avancer, tant la boue leur colle aux souliers. Ils font une halte pour prendre le café et repartent. Ils traversent Marchenoir, et entrent, vers trois heures de l’après-midi, dans Viévy-le-Rayé. Des débris du 17e corps y arrivent sans cesse, soldats, isolés, gendarmes, voitures et blessés. Les uhlans les poursuivent, s’emparant des voitures de vivre que les hommes n’arrivent plus à défendre.

Vers cinq heures, une vive fusillade éclate chez les grand’gardes. Les mobiles jettent la soupe qu’ils sont en train de prendre, attrapent leurs armes, prêts au combat, mais ce n’est qu’une alerte.

Pour le 75e mobile, Loir-et-Cher et Maine-et-Loire, une pluie continue les accompagne sur les chemins boueux, à travers les vignes et les terres labourées. Des cadavres d’hommes et de chevaux gisent sans sépulture dans la campagne. Les villages sont encombrés de blessés sans personne pour les soigner. Le sort est cruel pour bien des Loir-et-chériens qui passent, ainsi tout près de leurs maisons.

Toute la journée, les tirailleurs qui protègent la retraite de l’armée font le coup de feu contre les éclaireurs ennemis. L’arrière-garde livre des combats à Maves et un convoi français échappe de peu aux prussiens à Nuisement. Les gendarmes de l’escorte défendent le convoi de toutes leurs forces, permettant aux cavaliers français d’intervenir. La pluie tombe à torrents. Le soir, les troupes bivouaquent à Vievy-le-Rayé, Oucques, Pontijou, Boisseau, Conan et Rhodon.

Le soir, le camp du 75e mobile est dressé dans les marais, près de Pontijou, dans la boue jusqu’à mi-jambe et sans paille.

A Blois, les troupes françaises évacuent la ville, la laissant aux mains de l’ennemi. La lutte à outrance n’aura pas lieu. La ville ne sera pas bombardée. Deux évacuations de blessés, sur Tours, ont lieu, avant l’entrée des prussiens. Le général Barry divise tous les corps et débris de corps qui sont présents, en deux brigades, une sous ses ordres et l’autre sous les ordres du général Peytavin. La brigade de Landreville doit en protéger la retraite.

Les hommes sont rassemblés à l’entrée de la forêt de Blois. Une arrière-garde est laissée, vers le pont, pour dissimuler les mouvements français. Vers deux heures, les troupes se mettent marche, direction Herbault sur deux colonnes. Elles passent à Herbault, à six heures du matin, et se rendent sur Montoire, en passant par Françay, Gombergean et arrivent à Saint-Amand, dans la nuit.

12décembre

Le 12 décembre au matin, Denis Erard, du 33e régiment, mobiles de la Sarthe, est de retour chez lui, au Mans. Il fait partie du groupe séparé du régiment, échoué dans l’église Saint-Nicolas de Blois, et évacué par le train. Des larmes l’accueillent, mais ce sont des larmes de joie, sa famille ne l’attendait pas. Il est dans un état pitoyable : sale, couvert de boue des pieds à la tête Cela fait quinze jours qu’il n’a pas nettoyé ses habits. Ces derniers, capote et pantalon montrent tous les accrocs et les réparations de fortune. Ses souliers ne tiennent plus que par des ficelles. Enfin, il peut se reposer, se laver, mettre du linge propre, être au milieu des siens, pour quelques heures. Après, il faudra retourner au combat. Mais pour l’heure, il savoure le moment présent. Du moins jusqu’à ce que la nouvelle de son retour se soit répandue. Les familles accourent alors, pour avoir des nouvelles, de leurs enfants qui n’écrivent plus, ou qui, elles le savent, sont blessés, sans connaître la gravité des blessures ou le lieu de l’ambulance qui les soigne. Alors il répond, donne des nouvelles, mais pas toutes. Il refuse de voir le chagrin envahir les yeux de certains, dont il sait que leur fils ne reviendra jamais. La nouvelle de leur mort leur viendra bien assez tôt.

A Janville, nos cinq blessés du 75e mobile ne sont pas les seuls à Janville. Un habitant de la petite commune vient les voir et demande à parler au capitaine de Maricourt. Son neveu, Fouquet, mobile du Loir-et-Cher, est dans une ambulance à côté et demande si son capitaine n’aurait pas un peu de tabac à lui donner. C’est un des meilleurs soldats de sa compagnie, tranquille, dont il connaît la famille, dans le Vendômois. De Maricourt ignorait qu’il avait été blessé et qu’il se trouvait à Janville. Les chirurgiens viennent de lui couper la jambe. Il partage le peu de tabac qui lui reste et le confie à l’oncle.

A Phalsbourg, il n’y a plus rien à manger. Le commandant Taillant détruit son matériel de guerre, fait ouvrir les portes et prévient l’ennemi qu’il se rend. La garnison de 1300 hommes est faite prisonnières. Pourtant, depuis août, la place forte n’était plus bloquée que par des troupes d’étapes. C’est la faim qui a gagné.

A Belfort, les canons prussiens tonnent toute la nuit et toute la matinée. L’église et les maisons sur la place sont fortement endommagées. Les pompiers œuvrent sans relâche pour éteindre les incendies.

Le brouillard est intense, la pluie tombe en continue et un commencement de dégel se produit. Une sortie de la garnison chasse les prussiens de la tuilerie de Bavilliers. Les fossés creusés par les prussiens sont comblés.

A Montmedy, à sept heures un quart du matin, commence le deuxième bombardement de la place-forte. L’ennemi, profitant de la nuit, vient de démasquer les batteries qu’il a établi en arrière et dans les bois entourant Montmedy.

La forteresse répond aux tirs. Les artilleurs couchent depuis plusieurs jours sur leurs pièces, prêt à répondre au bombardement imminent. Le temps est clair et permet d’affiner les tirs. Mais, vers onze heures du matin, le dégel provoque un brouillard opaque qui ne désavantage que les français. Dès le début du bombardement, un bâtiment couronnant le pont-levis de la place, atteint par un projectile incendiaire, est la proie des flammes. Un grand nombre de maisons de la ville haute sont éventrées, mais les remparts résistent. Dans l’après-midi, un projectile pénètre par une embrasure dans une batterie en face de Vigneul. Tous les artilleurs sont blessés et le maréchal-des-logis qui la commande est tué net. La ville basse est relativement épargnée, même si quelques obus égarés y tombent.

Les français font sauter le pont de la ville basse, pour éviter que les prussiens ne l’utilisent pour entrer dans la ville. Mais seul un coté d’une arche du pont est détruite.

A Ham, dans la Somme, un détachement ennemi avec artillerie est repoussé et bat en retraite sur la Fère.

Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 12 décembre 2020