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Deuxième armée de la Loire

9décembre-3

A Lorges, les hommes du 49e mobiles de l’Orne, entendent, toute la nuit, le roulement des pièces d’artillerie allemande, vers Cravant. Dès sept heures du matin, toutes les troupes sont en armes. Les francs-tireurs d’Argentan, envoyés en éclaireur, voient que l’ennemi occupe Cravant, au château du Coudray. Un bataillon d’infanterie de marine est lancé sur Villermain où il s’établit avec deux pièces d’artillerie.

9décembre

Vers huit heures du matin, l’action s’engage sur tout le front de la 2e brigade, en avant de la ferme de la Villette, occupée par le capitaine Levy, du 41e, soutenu à distance, par les francs-tireurs de Paris. Mais, ces derniers ayant quitté leur position sans ordre, le capitaine Levy doit battre en retraite devant le nombre important de prussiens. Des mitrailleuses prussiennes sont installées dans la ferme, et le 2e bataillon de l’Orne s’avance pour soutenir le 41eet attendre le moment propice pour reprendre la ferme.

A onze heures, le 2e bataillon de l’Orne passe en première ligne, remplaçant le 41e dont les cartouches sont épuisées et les compagnies diminuées par un feu roulant de trois heures, en rase campagne, devant la ferme de la Motte. Au même moment, le 1er bataillon de l’Orne s’empare de la ferme de Villecoulon. La fusillade est infernale mais il réussit à garder la position. A midi, l’ordre est reçu de tenir jusqu’au dernier homme. Les mobiles apprendront plus tard que le 16e corps d’armée était en danger à Beaugency et qu’il leur fallait empêcher les prussiens de l’atteindre par le flanc droit. A Beaugency, d’énormes réserves de provisions sont stockées à la gare, et, de là, les prussiens pouvaient marcher sur Tours, où le gouvernement avait besoin d’encore vingt-quatre heures pour enlever les archives, et se transporter à Bordeaux. Tant de morts pour cela !!!

La réserve du 21e corps arrive dans Lorges. Deux bataillons de mobilisés de la Sarthe sont envoyés soutenir le premier bataillon de l’Orne à Villecoulon. Pourtant, cette brigade n’a plus ni réserve, ni cartouche, ni boulet. A une heure de l’après-midi, l’ennemi abandonne la 1ère brigade pour concentrer son attaque sur la 2e.

Le 2e bataillon de l’Orne se maintient en avant de la ferme de la Motte, lorsque les prussiens mettent en batterie soixante pièces de canon qui tonnent en même temps sur la 2e brigade. Les hommes, en tirailleur, s’aplatissent au maximum dans les sillons, poussant la terre devant eux avec les mains. Le 2e bataillon de l’Orne reçoit l’ordre d’avancer ses tirailleurs à huit cents mètres des batteries ennemies et de tuer les équipages prussiens. Ils réussissent à réduire au silence deux batteries. Le champ de bataille est littéralement couvert de projectiles.

La batterie de marine a perdu beaucoup de monde. Les marins ne réussissent pas à répondre aux tirs prussiens, leurs obus, distribués pendant la nuit, éclatant en l’air à mille mètres, les mèches étant trop courtes. Chaque action est quasi héroïque. Le sous-lieutenant de Vauvineux, officier d’ordonnance, blessé au genou par un éclat d’obus, met pied à terre, fait atteler les chevaux de son escorte et réussit à enlever de la plaine, deux pièces d’artillerie restées isolées.

Bientôt, les cartouches manquent. Une voiture arrive, chargée de munition, non compatibles avec les fusils utilisés !! Encore l’intendance.

Les hommes tombent. Les blessés qui le peuvent, traversent les lignes de tirailleur pour rejoindre l’ambulance, à Lorges. Les mourants restent sur place, il n’y a personne pour les emmener à l’arrière. A quatre heures et demie, le 2e bataillon de l’Orne doit quitter la première ligne, n’ayant plus de munition, et les cartouches n’arrivent toujours pas.

Et ils doivent tenir…….. le lieutenant-colonel des Moutis donne alors l’ordre à tous les tirailleurs, aux troupes de soutien et de réserve de se porter en avant. Sept mille hommes, officiers et aumôniers en tête, s’avancent, sous une grêle de balles et de mitraille. La terre tremble, le spectacle est incroyable et, devant un tel élan, croyant les français plus forts qu’ils ne le sont en réalité, les prussiens reculent et laissent la 2e brigade maitresse du champ de bataille.

A six heures et demie du soir, les 1er et 4e bataillons de l’Orne sont envoyés à la ferme de Villecoulon. Les prussiens y ont mis le feu avec des bombes à pétrole, alors que de nombreux blessés y sont regroupés. Ils auraient été brûlés vif si les deux aumôniers des bataillons ne s’y étaient pas précipités pour les sortir de là, depuis une heure déjà.

Les français sont maîtres du terrain, mais la 2e brigade a perdu vingt-sept officiers, tués ou blessés, et 1 754 hommes, tués ou blessés.

Les rescapés retournent aux campements quittés le matin même, brisés de fatigue.

A Villorceau, le 75e mobile, Loir-et-cher et Maine-et-Loire, quitte la commune et se dirige parallèlement à la route de Beaugency à Mer, pour prendre sa place de combat, en arrière du ravin de Tavers. Il est perpendiculaire à la route, d’une longueur de près de trois km et forme un fossé large et profond. Le 16e corps est déployé face au Nord, sur la revers Sud du ravin. La brigade Bourdillon est à la gauche de la ligne, le centre de la brigade appuyée à la ferme du Grand-Mézian ; le régiment est encadré entre une batterie d’artillerie à droite et une batterie de mitrailleuses à gauche. Le 75e a sa droite appuyée aux bâtiments de la même ferme, et sa gauche à la batterie de mitrailleuses. L’ordre est, comme pour le 49e, de tenir à outrance, pour les mêmes raisons.

9 décembre-2

Un détachement de volontaires arabes, montés sur leurs petits chevaux, est envoyé en reconnaissance. Ils s’élancent au triple galop, dans le ravin escarpé et disparaissent dans la vallée. Quelques secondes après, ils réapparaissent sur le versant opposé, dispersés en fourrageurs, gravissent la côte à pleine vitesse et font halte, en même temps, sur la crète. Impassible sous les obus prussiens, ils accomplissent leur mission et reviennent, laissant derrière eux, deux ou trois victimes.

L’amiral Jauréguiberry a donné ses ordres : il faut tenir le ravin, coute que coute. Il est trois heures, les troupes font face à l’ennemi. Deux compagnies du 75e sont déployées en tirailleurs et avancent de quatre à cinq cents mètres, jusqu’au fond du ravin. Les hommes s’apprêtent à remonter, quant, tout à coup, des masses de prussiens apparaissent, cent mètres devant eux. Alors qu’ils se pensent perdus, les hommes tentent de se terrer derrière les pierres du ravin lorsque le corps d’armée en bataille derrière eux ouvre le feu en même temps que la mitrailleuse. Les tirs fauchent les soldats prussiens et sauvent les mobiles d’une mort certaine. Malgré tout, plusieurs sont tombés. Le combat terminé, alors qu’il ramasse les blessés, le mobile Charles Rondeau, de Mont, se retrouve face à deux prussiens qui tentent de lui prendre son fusil. Ses appels à l’aide le sauvent. Les blessés sont évacués : Goureau, de Nouan-sur-Loire a pris une balle en pleine poitrine, il en mourra. Le mobile Juneras, de la même commune, aura plus de chance. Une balle lui a traversé le corps, passant par l’estomac. Il crache le sang et pense en mourir, et pourtant, il survivra.

Pendant les combats, une partie du 33e mobile se retrouve séparé du gros de la troupe et arrive à Villorceau. Les toits de chaume des maisons commencent à brûler, incendié par les obus prussiens. De tous côtés, on apporte des blessés. Presque toutes les maisons en accueillent, mais le nombre est si grand qu’ils s’entassent aux portes des ambulances, désignées par le drapeau blanc à croix rouge. Les mobiles de la Sarthe traversent le village. Les cloches sonnent à toute volée, mêlant leur son au fracas de la bataille qui continue. L’église sert de point de mire aux artilleurs prussiens. Les flammes commencent à s’emparer d’elle. Dès qu’une maison prend feu, on évacue les blessés qu’elle contient.

Des soldats de toutes armes encombrent l’unique rue du village. Ils sont en désordre, têtes nues, débarrassés de leurs sacs. Ils ont tout donné, leurs figures et leurs mains sont noires de poudre, les traits figés par l’horreur qu’ils ont vécue. Les officiers essayent de rassembler leurs hommes.

Aux cris de « 33e ralliement », un groupe assez important de mobiles de la Sarthe se reconstitue à deux pas de Villorceau. Il y a des hommes des trois bataillons, le commandant de Musset et le capitaine du Rivau. Mais ils ne savent pas quoi faire. Ils n’ont aucun ordre ni instruction.

La nuit est tombée et le combat continue, surtout en direction de Beaugency, alors ils partent vers Mer et s’éloignent du champ de bataille et des incendies. Ils ne sont plus que quelques centaines d’hommes. En fait, le gros du régiment a été rallié à la même heure qu’eux, mais sur un autre point du champ de bataille. Au lieu d’être entraîné vers la retraite, ils ont été maintenus à leur poste de combat.

Après une marche longue et fatigante, le 33e mobile en retraite arrive à Mer. L’entrée est gardée par les gendarmes qui barrent le passage. Un convoi de nombreux blessés, hissés sur les cacolets de 150 à 200 mulets sont là. Ils n’ont pas reçu de soin, certains à peine pansés. La température est glaciale, les gémissements et les cris des blessés, dans la nuit, sont terribles.

Une partie de la population est dans les rues, anxieuse. Ils ont entendu le canon toute la journée et la vision de ces soldats épuisés et du convoi de blessé leur fait comprendre que les prussiens seront bientôt là. Enfin, les hommes peuvent prendre un peu de repos, où ils peuvent.

A Mer, l’ambulance Lalaudie évacue près de quatre cents blessés sur Blois et Vendôme.

Pendant ce temps, le 15e corps, qui a reçu l’ordre de battre en retraite, quitte Aubigny pour Yvoy-le-Pré, Henrichemont, Les Aix-d’Angillon.

A Janville, les jours passent sans incident, ponctués par les soins donnés par les sœurs, qui repartent vers le coucher du soleil, rejoindre leur couvent.

A Montmedy, une neige épaisse et un brouillard intense rendent la surveillance compliquée. L’artillerie de la place ouvre le feu sur les hauteurs de Vigueul où l’ennemi continue à aller et venir. Les prussiens profitent du brouillard pour faire des travaux de terrassement et installer de nouvelles batteries. Un médecin et un pharmacien de l’ambulance partis faire des provisions de médicaments en Belgique et retenus par les prussiens, peuvent enfin rentrer dans la forteresse.

A Belfort, la neige tombe à gros flocons. Le bombardement a duré toute la nuit. Les forts des Barres et de Bellevue sont couverts de projectiles. Des malades sont tués dans leurs lits à l’ambulance de l’hôtel de ville.

Des combats ont lieu entre les mobiles du Rhône et l’ennemi. On se bat à Danjoutin, en avant de Bavilliers, dans le bois de l’Arsol. Les prussiens essayent de s’emparer du fort de Bellevue mais échouent.

A Phalsbourg, le conseil de défense a décidé la destruction du matériel de guerre.

Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 9 décembre 2020