Armée de la Loire : la première armée de la Loire est morte. Les débris du 15e corps se rassemblent à Salbris, Loir-et-Cher. Seule la cavalerie prussienne les poursuit. Le général d’Aurelle rappelle à lui, derrière la Sauldre, les 18e et 20e corps qui viennent par Sully et Jargeau. Son commandement est supprimé et le gouvernement forme deux armées de la Loire : une sur la rive gauche, qui sera l’armée de Bourbaki avec le 15e, 18e et 20e corps, et l’autre sur la rive droite, l’armée de Chanzy, avec les 16e et 17e corps, renforcé par le 21e corps appelé du Mans, dans la forêt de Marchenoir et la division Camô du 19e corps, qui arrive à Meung par la rive droite. La seconde armée de la Loire vient de naître et déjà, elle combat à Meung, Loiret.
Les mobiles de la Sarthe et du Loir-et-Cher sont à Lorges. Non seulement les tentes, qui ont pu être montées, ne sont pas abattues au matin, mais les hommes reçoivent l’ordre de nettoyer leurs armes. Les uniformes (ou ce qui en tient lieu) sont brossés, réparés, déchirures et accrocs recousus tant bien que mal. Ce petit temps de repos n’est pas un luxe. Vers midi, le camp est levé et la marche par division recommence, à travers la plaine. Puis, au bout de quelques heures, ils retournent à Lorges. Pourquoi ? Les officiers attendent les ordres du nouvel état-major.
Revenu à leur point de départ, les hommes sont autorisés à faire la soupe, pas à monter les tentes. Les feux flambent et la soupe est prête lorsque l’ordre arrive de renverser les marmites et de partir. Cette fois, les ordres sont là et, à défaut de soupe, on leur distribue de l’eau-de-vie. L’excitation est à son comble chez les mobiles mais elle va vite retomber. A la nuit tombante, vers quatre ou cinq heures du soir, ils se mettent en marche. Il neige, il fait un froid glacial, une bise coupant leur cingle le visage. Après un certain temps de marche dans la plaine, ils arrivent dans un secteur nouveau pour eux : un pays de vignoble. Ils traversent les vignes, avec difficulté, confrontés aux piquets et échalas de quatre à cinq pieds de haut, reliés entre eux par des fils de fer à hauteur d’homme. La terre est épaisse, grasse, détrempée par la neige et fait trébucher les hommes. Les piquets arrachés servent de canne et aident les hommes à avancer sur ce terrain difficile.
Soudain, deux fusées éclatent en l’air et éclairent le secteur. Perdus dans une tempête de neige nocturne, les hommes qui ne perçoivent que leurs proches compagnons, voient alors une ligne immense de troupes de ligne et d’artillerie, tout près d’eux. Un combat d’envergure s’annonce. Enfin, les mobiles de la Sarthe arrivent au village de Villorceau, près de Beaugency. Ils sont proches de la Loire. Les souliers usés par la marche qu’ils viennent de faire prennent l’eau comme des éponges, les pantalons usés, s’effilochent. Elle n’a pas belle allure, cette armée de mobile, de loqueteux plutôt.
Arrivés là, les hommes apprennent que le général d’Aurelle de Paladines n’est plus général en chef. Ils sont passés sous les ordres du général Chanzy.
Les hommes s’entassent dans les granges, les écuries du village, pour y prendre un peu de repos et se réchauffer, avant……… ce qui ne va pas tarder à arriver.
Pendant que les mobiles du Maine-et-Loire et du Loir-et-Cher font leur marche forcée vers la Loire, le combat est déjà engagé à Meung-sur-Loire. Au régiment de marche de la gendarmerie à pied, le lieutenant P. Pernot est tué, le sous-lieutenant N. Orlandini est blessé. A Sully-sur-Loire, le sous-lieutenant Gesta de la légion bretonne, corps francs, est blessé.
L’ambulance volante du Bourbonnais est à Sully-sur-Loire, avec l’armée de Bourbaki. Après un jour et une nuit de marche, par un froid intense, elle trouve asile au château de Marçault, près de Gien.
A Loigny, le capitaine de Maricourt et ses compagnons sont dans la même situation depuis la bataille, depuis le 2 décembre. Les blessures non pansées s’enveniment. Le sang, figé et collant les vêtements, forme de hideux bourrelets autour des chairs meurtries. L’atmosphère qu’ils respirent est abominable. Les nouvelles ordonnances désignées tentent de faire des pansements, plutôt mal que bien. Dans leur malheur, un petit bonheur, aucun mort dans leur petite chambre. Il y a bien un chirurgien de mobile avec eux, mais il ne fait rien, si ce n’est geindre. Alors qu’il est sommé de faire son travail, il répond qu’il n’est que médecin aliéniste. Après quelques manipulations maladroites, il cesse ses soins au grand soulagement des blessés.
On vient enfin leur apprendre que le convoi pour Janville est prêt à partir. Des hommes les sortent de leur chambre et les emmènent dehors.
Le spectacle qui les attend est effroyable. Les toits, les murs, les tombes du cimetière, tout est détruit par les obus, criblé par les balles. Ces ruines sont peuplées de cadavres dans toutes les positions, étendus, accroupis, agenouillés ou presque debout contre les murs. Au milieu de cette sinistre assemblée, des hommes portent les blessés, des charrettes chargées de morts brinqueballent sur les cahots, des prêtres vont et viennent absoudre les mourants. Devant la porte du presbytère, un tas de bras et de jambe coupés, témoigne que les chirurgiens sont là, mais les blessés bien trop nombreux pour avoir tous reçu des soins, depuis cinq jours que la bataille a eu lieu.
Dans le cimetière, une énorme fosse est creusée par six hommes. Au bord de la tranchée, une immense rangée de cadavres, principalement des zouaves pontificaux.
Cinq ou six charrettes attelées attendent nos blessés. Ceux qui ne peuvent marcher y sont installés, tant bien que mal, tandis que les autres doivent suivre à pied. Le convoi s’ébranle lentement. Sur trois lieues au moins, le convoi traverse le champ de bataille.
Les champs sont couverts de débris de toutes sortes, affûts, voitures, armes, casques, sacs, entre lesquels gisent les cadavres des soldats. Partout, des morts ! quelques tombereaux emplis de cadavres sont menés jusqu’à des carrières abandonnées où des terrassiers les enterrent. Une énorme quantité de cadavres de chevaux jonchent également le champ de bataille.
Ils traversent Luneau, désert, et quittent enfin le champ de bataille. Cette traversée aura durée deux longues heures. Et le trajet continue, avec le gros clocher de Janville, aperçu au loin, qui ne semble pas vouloir s’approcher.
Au bout de cinq heures de route, ils arrivent enfin à destination. Mais les prussiens sont d’un avis différent. Ils veulent les emmener à Toury, à trois lieues de là. Les blessés sont épuisés. Et la miséricorde arrive sous les traits d’une femme, la mère supérieure de l’hospice de Janville. Dressée devant les prussiens, la vieille femme oblige les charretiers à s’arrêter : « ces blessés ne vous appartiennent pas, ils sont à moi et ils n’iront pas plus loin ». Les prussiens n’osent pas s’opposer à elle et lui laisse ces pauvres soldats épuisés. Elle ignore à ce moment-là que son neveu, zouave pontifical, est dans le convoi. Grièvement blessé, il mourra malgré ses soins.
Les blessés sont alors répartis dans les maisons. Le capitaine de Maricourt et ses quatre amis sont installés dans une vaste chambre de ferme. Plusieurs femmes se hâtent d’installer cinq lits de fer, un luxe. Et autre luxe, encore plus attendu, des cornettes arrivent. Ce sont les sœurs de la charité, et, pour la première fois depuis la bataille, les blessures sont lavées et pansées. Les cinq hommes vont rester là, dans cette maison, unis dans leur souffrance : un lieutenant-Colonel, un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant, tous mobiles du Loir-et-Cher, et un sergent-major, des mobiles du Maine-et-Loire.
A Montmedy, le blocus est complet. La ville de Montmédy se retrouve coupée du monde. Sont comprises dans le siège, les villages d’Iré-les-Prés, Villecloye, Fresnois et Thonne-les-Prés. Pendant la journée, des échanges violents ont lieu pendant trois heures entre les soldats partis chercher du combustible au bois du Mont-Cé est les prussiens de Vigneul.
A Belfort, les prussiens ne ciblent plus uniquement les bâtiments militaires. Plusieurs maisons du faubourg sont atteintes et, en ville, des maisons particulières reçoivent des obus à balle. Ils tirent également sur l’hôpital militaire, pourtant surmonté du drapeau de l’internationale. Trois obus éclatent dans la prison. La caserne de l’Espérance est transformée en ambulance dans laquelle de nombreux blessés sont transportés.
Mais les canons du château ne sont pas en reste et font beaucoup de dégâts chez les prussiens retranchés à Essert.
Le soir venu, l’ennemi tente de s’emparer de la ferme de Froideval, occupée par une compagnie détachée de la petite garnison de Danjoutin. Sans succès.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 6 décembre 2020
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