« A Monsieur le Président du comité de secours de Loir-et-Cher,
Monsieur,
Marie Anne Bouvier, veuve Venot, journalière à Busloup, à l’honneur de vous exposer que, par suite de l’appel sous les drapeaux le 18 août dernier de son fils, Venot Alphonse, elle s’est trouvée privée de son unique et indispensable soutien, que par suite du retour de son fils, vers la fin d’octobre, malade de la variole, qu’elle a été obligée de soigner jusqu’à ce jour et qui est encore incapable de travailler, elle se trouve plongée dans la plus grande misère, puisque celui qui devait la soutenir est à ses charges depuis près de cinq mois. C’est pourquoi elle vient solliciter de la générosité du comité un secours pour la soulager dans sa misère, elle et son fils. Dans l’espoir qu’il daignera exaucer favorablement sa prière, elle a l’honneur d’être avec le plus profond respect de monsieur le Président, la très humble et très affligée servante.
Pour la veuve Venot qui ne sait signer – Le Maire »
La lettre n’est pas datée, mais, vu son contenu, elle doit être de mars 1871. En marge, au crayon de papier, il est indiqué qu’un secours de 25 francs a été accordé.
Le document qui suit, daté du 19 mars 1871, apporte quelques précisions supplémentaires du la famille. Marie Anne Venot a cinquante-trois ans. Elle a deux enfants, Alphonse, dont il est sujet, et une fille de dix-neuf ans, à peu près idiote.
Les grands-parents sont décédés, et Marie Anne n’a qu’un frère, journalier, malheureux et avec beaucoup d’enfants.
Bien que journalière, Marie Anne paye des contributions foncières de 3.76 francs, plus 0.87 francs de contribution personnelle et mobilière et 1.28 francs d’impôts portes et fenêtres.
Daté du même jour, un certificat médical est joint au dossier. Le docteur Bonin (peut-être, ou Bouin), de La Ville-aux-Clercs, indique « je certifie que le nommé Venot Jacques Alphonse mobile de Loir-et-Cher 2e bataillon 5e compagnie a été affecté de variole et a reçu mes soins chez sa mère, à Beauregard, commune de Busloup, Loir-et-Cher, depuis la fin d’octobre 1870 jusqu’à ce jour. Le malade porte encore à la jambe gauche quelques abcès consécutifs en voie de guérison qui ne lui permettent pas une longue marche. »
Donc ce n’est pas l’armée active mais la garde mobile et le nom complet est Jacques Alphonse, ce qui tendrait à indiquer que toute le monde l’appelle Alphonse.
Quatrième et dernier document du dossier, un avis de contribution foncière, au nom de la veuve Venot Bouvier Toussaint, demeurant à Beauregard, indiquant que son montant des cotes par nature de contribution est de 3.76 francs pour un revenu de 10.64 francs, 1.28 francs pour deux maisons ayant deux ouvertures.
Ainsi, Marie Anne, de son nom de jeune fille Bouvier, veuve de Toussaint Venot, possède deux maisons.
En quatre documents, des pistes de recherches s’ouvrent et pourraient être faites, si les AD étaient rouvertes. D’ailleurs, quand vont-elles rouvrir ?
En ligne, je vais pouvoir faire de la généalogie de base (état civil, recensement puisque j’ai un lieu-dit, ce sera rapide) et de l’armée, peut-être, si le jeune Jacques Alphonse est né à partir de 1867. Avant, ce ne sera pas en ligne.
Je pourrais rechercher une tutelle après le décès du père, puisque, en 1871, sa fille (presque idiote) est encore mineure.
Je pourrais consulter le cadastre pour savoir où se trouvent les deux maisons.
Et rechercher la succession du père, etc…..
Oui, les pistes de recherche que ces quatre documents, qui ressemblent pour certains à des petits bouts de papier, permettent d’envisager sont ……………….. Terriblement frustrantes !!!
Pour lever la frustration, un petit peu de recherche en ligne, c’est bon pour le moral.
Toussaint Venot, le père, est décédé le 1er mai 1863, à l’âge de cinquante-trois ans, chez lui, à Beauregard, commune de Busloup. Marie Anne Bouvier est restée veuve.
Un petit tour dans les recensements de 1861 montre qu’il y a un fils, né d’un premier mariage de Toussaint, Chrysostome, et la fille s’appelle Marie Anne, comme sa mère. En 1866, Marie Anne vit seule avec sa fille, qui s’appelle Elisabeth. Il n’y a pas de recensement de 1872.
Retour à l’état civil. Toussaint Venot, voiturier, âgé de vingt-cinq ans, s’est marié une première fois, le 14 juillet 1835, à Saint-Hilaire-la-Gravelle, avec Marie Anne Chevet, vingt-et-un ans. Ils ont eu quatre enfants dont un seul a survécu à l’enfance, Chrisostome, né en 1843.
Marie Anne Chevet est décédée, en 1845, à l’âge de trente-et-un ans, laissant Toussaint seul, avec un petit garçon de deux ans. Il s’est remarié, en 1847, avec Marie Anne Bouvier.
Le couple a eu trois enfants, dont deux seulement ont vécu : Jacques Alphonse, né en 1849, et Marie Anne Elisabeth, née en 1851, la « presque idiote ». Puis, Toussaint est décédé à son tour, à l’âge de cinquante-trois ans. Jacques Alphonse a quatorze ans, Marie Anne Elisabeth, douze. Et Chrisostome a tout juste vingt ans.
Il n’est pas mentionné dans les documents consultés, car il n’est pas le fils de Marie Anne Bouvier. Légalement, il ne lui doit rien. Mais je gage que, l’ayant élevé, il a du participer, d’une manière ou d’une autre. Sauf pendant la guerre. Chrisostome est célibataire. Sa classe est trop ancienne pour être en ligne, mais je gage qu’il a fait la guerre. Peut-être.
Le 12 septembre 1871, Chrisostome se marie, à Lignières, avec Marie Louise Fusellier. Son frère Jacques Alphonse est son témoin.
Guéri, Jacques Alphonse se marie à son tour, le 31 mai 1873, à Crucheray, avec Marie Rosalie Roger. Son frère Chrisostome est son témoin.
Marie Anne Bouvier reste seule avec sa fille et décède le 3 avril 1881, à Busloup, à l’âge de soixante ans.
Qu’est devenue Marie Anne Elisabeht ? La fille presque idiote ? Elle s’est mariée, sept ans après la mort de sa mère. Elle a épousé un veuf ? Jean Baptiste Doucet, âgé de soixante-quatre ans, soit vingt-huit ans de plus qu’elle, le 23 mai 1888, à Busloup. Ils auront deux enfants.
Elle décèdera le dernier jour de l’an 1897, à l’âge de quarante-six ans.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 25 novembre 2020