François Tavenot est maçon, lorsqu’il épouse, le 27 mars 1848, à Landes-le-Gaulois, Julienne Charles.
La jeune femme de vingt ans est enfant trouvé de la Seine. François, vingt-sept ans, est maçon comme son père.
Leur premier enfant, Siméon François Pierre, naît à Landes, le 3 février 1849.
François change alors d’orientation professionnelle. Il devient gendarme à pied dans la compagnie du Loir-et-Cher, en caserne à Vendôme.
C’est là que naît son deuxième fils, Octave Alphonse, le 16 juin 1851. Mais l’enfant ne
vit que quelques mois. Il s’éteint le 20 novembre 1851.
Cinq ans plus tard, Emmanuel Octave, le troisième et dernier enfant du couple, naît le 27 janvier 1856, à Vendôme.
De gendarme à pied, François passe gendarme à cheval. Les années passent et bientôt, l’aîné va devoir partir au service militaire. Il est employé dans une banque à Blois.
C’est une belle ascension sociale. François veut lui éviter l’armée. Il sait très bien le danger qui menace les jeunes hommes qui partent : guerres dans les colonies, maladies des casernes.
Alors il rachète son engagement, en empruntant et en payant 2200 francs un remplaçant, au cas où son fils serait bon pour le service, et c’est effectivement le cas.
Le 18 février 1870, le jeune homme, que tout le monde appelle Pierre, tire le numéro 68. Malgré une vue faible, il est bon pour le service et enregistré sous le numéro matricule 549.
Le 29 juillet, alors que la guerre est déclarée, il est remplacé par Jean Georges Olland, laboureur âgé de vingt-huit ans. Le jeune homme est largement concerné par la guerre, il est né et vit à Seltz, dans le Bas-Rhin. Il est incorporé au 71e de ligne et part à la place de Pierre.
Mais Pierre n’est pas sauvé pour autant. Il est inscrit sur la liste des gardes mobiles, sous le numéro 1028. Le 17 août 1870, il est incorporé au deuxième bataillon, huitième compagnie des gardes mobiles du Loir-et-Cher, le 75e mobile. Le 24 août, il passe sergent-fourrier.
C’est visiblement un très bon sergent-fourrier, car le capitaine de Maricourt, dans ses mémoires, en parle avec affection.
A Faverolles, au matin de la bataille de Loigny, le 2 décembre, les hommes viennent de finir leur soupe, quand la marche du régiment sonne. Vite, les marmites, gamelles, bidons et toute la batterie de cuisine sont bouclés dans les sacs. Pierre, le fourrier, courre à l’ordre. Les hommes se préparent. De mémoire de Maricourt « ce tableau si animé, si vivant, si jeune, dans la cour de la ferme de Faverolles, le dernier matin où je fis prendre les armes à ma compagnie, il me semble contempler une de ces fantastiques danses macabres de moyen âge où chaque personnage s’agite et vaque à ses occupations avec la mort pour partenaire. »
Le carnage de Loigny va commencer. Comme un pressentiment funèbre, les nombreux chiens qui suivent le bataillon, s’en vont tous ensemble. Ils arriveront le soir-même, en bande, à Vendôme, à quinze lieues de là.
Le capitaine de Maricourt ne voit pas son fourrier tomber. Lui-même grièvement blessé ne verra pas la fin de la guerre sur le champ de bataille, mais prisonnier de guerre.
Pierre est grièvement blessé. Transporté à l’ambulance de Chartres, il ne survit pas à l’amputation qu’il doit subir et décède, le 10 décembre, à l’Hôtel Dieu. Son acte de décès est lacunaire, et il faudra un jugement du tribunal de Chartres, le 11 octobre 1872, pour qu’il y soit clairement identifié. C’est le deuxième jugement pour un acte d’état civil mal rempli. L’acte de naissance de Pierre comportait d’autres erreurs et elles avaient été rectifiées le 18 janvier 1870, par le tribunal civil de Blois.
Le fils aîné de François et Julienne est mort. Mais la famille doit pourtant payer les 2200 francs de son remplaçant. Ce dernier va survivre à la guerre. Pierre aurait-il survécu s’il n’avait pas été remplacé. Je gage que ses parents se sont posé la question.
Jean Georges Olland, après la guerre, rentrera à Seltz où il va se marier, le 27 janvier 1875. Il aura la famille que Pierre n’aura jamais.
Le 11 août 1871, François fait une demande de secours auprès de la préfecture. A cause de la guerre, sa situation est désastreuse et il est endetté, à cause des 2200 francs.
Le 1er septembre, il se retire à Saint-Dyé-sur-Loire, où, après 27 ans 7 mois et 5 jours de service, il obtient une pension de 462 francs. Il est indiqué également un an de campagne, probablement la guerre de 1870, où, comme gendarme, il a été mobilisé. Je n’ai pas de détail sur le sujet.
Mais cette pension n’est pas élevée et, en 1872, François prend un poste de garde champêtre à Pontlevoy.
Il y est toujours, le 20 février 1881, lorsque son dernier fils, Emmanuel Octave, cuisinier à Paris, y décède, à l’âge de vingt-sept ans, célibataire.
Il avait évité le service militaire, ayant un frère mort en service.
Pierre et Julienne n’auront pas de descendance.
Pierre décède à Herbault, neuf ans plus tard.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 23 novembre 2020