A Paris, fusillade, vers minuit, en avant des Hautes-Bruyères et de Cachan sur le front des lignes du sud. Elle est appuyée par le canon des forts.
En Normandie, après l’évacuation d’Evreux, bien qu’il ait obéi aux ordres, le général de Kersalaun est remplacé. A Conches, les mobiles de l’Eure arrivent dans la matinée. Avant même qu’ils aient pu organiser leur grand’garde, un paysan à cheval accourent les prévenir qu’une forte colonne de cavalerie allemande arrive au hameau de Valleuil par la route de Damville. Les mobiles se précipitent à leur rencontre et les repoussent, après une courte fusillade. En les poursuivant, ils trouvent le corps transpercé d’un coup de lance, d’un jeune mendiant de treize ans.
En Eure-et-Loir, Le lieutenant-colonel des Moutis, ne voyant pas arriver d’autre nouvelle, et craignant d’être coupé à Chassant, décide de gagner Thiron, pour éviter une attaque à Chassant. Trois officiers de la garde mobile de la Manche partent donner l’ordre au commandant Candeau, à Nonvillers et le Mesnil, de se mettre en marche pour que la colonne puisse quitter Montigny à deux heures du matin. Le 2e bataillon reçoit le même ordre pour évacuer Méréglise, en suivant les troupes d’Illiers. Pendant cette évacuation, le commandant de Clinchamp doit résister le plus longtemps possible et garder la route de Combres à Chassant jusqu’à leur passage.
La colonne se met en marche à deux heures et demie du matin. La nuit est sombre. Les hommes avancent en rangs serrés et en silence. Elle arrive à huit heures à Thiron, sans avoir rencontré le moindre cavalier ennemi.
Vers neuf heures et demie, le lieutenant-colonel des Moutis reçoit une dépêche lui donnant l’ordre de se rendre à Thiron !! L’ordre a été exécuté avec huit heures d’avance.
Des habitants arrivent de tous les côtés pour avertir les militaires de la marche de l’ennemi. Au loin, ils entendent le canon gronder sans relâche et avancer de la Loupe sur la Fourche et Bretoncelles, puis en direction de Nogent-le-Rotrou. Impossible pour les mobiles de l’Orne de se retirer sur ces villes. L’artillerie prussienne avance vite. Le lieutenant-colonel des Moutis décide de conserver une ligne de retraite en gagnant Authon. Il met l’artillerie en batterie et donne l’ordre de se replier, à midi sonnant.
A onze heures trente, quelques uhlans arrivent sur la route de Champrond, devant les mobiles de la Manche. Une autre colonne de cavaliers prussiens arrive sur eux par Chassant sur le 2e bataillon de l’Orne.
A midi, les premiers coups de feu éclatent sur la route de Champrond. La trahison arrive souvent d’une manière inattendue. Un paysan vient avertir le capitaine de Failly, des gardes mobiles de la Manche que quarante prussiens occupent une ferme, à trois cents mètres de leur poste. Il s’engage dans cette direction avec sa compagnie et se retrouve face, non pas à quarante prussiens, mais à quatre cents bavarois qui les accueillent sous un feu violent en sortant de la ferme, tentant de les encercler. Le capitaine de Failly réussit à garder son sang-froid, rallie ses tirailleurs et commande plusieurs feux de peloton. Ses hommes sont des chasseurs de la forêt de Bourberouge et se battent de toutes leurs forces. Soixante d’entre eux sont mis hors de combat mais le bataillon réussit à échapper au piège. Alexandre Lesaint, garde mobile de la Manche a le péroné fracturé par un coup de feu. Le sous-lieutenant Ernest Jean Paul Le Sénéchal, vingt-trois ans, garde mobile de la Manche, souffre d’une plaie en séton à la cuisse gauche et d’une fracture du péroné du même côté après avoir reçu des éclats d’obus. Désiré Léopold Pépin, vingt-quatre ans, mobile de la Manche, est blessé au poignet droit par un éclat d’obus.
Les tirs éclatent alors sur toute la ligne et l’artillerie prussienne entre en action. Les mobiles de Rennes sont au service des pièces d’artillerie française et font des miracles. Ils réussissent à démonter un canon, et à atteindre tous les servants d’un autre.
Depuis les hauteurs, le lieutenant-colonel assiste aux combats. Il voit les deux bataillons combattre et les compagnies se retirer par échelons et en bon ordre. Il fait avancer la mitrailleuse pour arrêter l’infanterie prussienne.
Les deux chefs de bataillon et leurs troupes exécutent le mouvement ordonné avec un parfait sang-froid. La vallée franchie par eux, l’artillerie se met en marche à son tour sur la route d’Authon. Le passage à Beaumont-les-Autels semble dégagé. Les troupes passent le village après une courte halte et arrivent enfin à Authon, vers sept heures du soir.
Le bataillon de la Manche réussit à se débarrasser des prussiens qui l’assaille. Le 2e bataillon de l’Orne est attaqué de tous côtés. La 7e compagnie se trouve complètement encerclée. Le capitaine Le Tessier qui les dirige à cheval, se précipite en avant en appelant « A moi la 4e compagnie ». A cet appel, tous les mobiles s’élancent, repoussent les allemands et dégagent la 7e compagnie. Les deux cents hommes continuent de se battre jusqu’à trois km d’Authon.
Une centaine d’hommes de la Manche et de l’Orne sont hors de combat. Les autres ne sont pas tirés d’affaire. Ils doivent gagner Montmirail, puis le Theil ou la Ferté-Bernard, car la route de Nogent-le-Rotrou est occupée. A dix heures du soir, toutes les troupes gagnent la route de Montmirail. Et c’est le début d’une course folle, sans repos, pour les hommes qui viennent de combattre.
Un message parvenu grâce à un gendarme au grand galop, informe le lieutenant-colonel que Montmirail est tombé et qu’ils doivent absolument gagner Nogent.
Les troupes changent de direction et doivent faire encore vingt-deux km, avec la crainte, à chaque instant, d’une attaque prussienne sur le flanc droit. La marche doit être en silence et les hommes ont interdiction de fumer. Cinq gendarmes partent en avant-garde, afin de prévenir de la moindre présence prussienne. Les francs-tireurs de la Dordogne prennent la tête de la colonne, suivis par le bataillon de la Manche, celui de la Loire-Inférieure, les bagages, l’artillerie gardés par deux compagnies des Bouches-du-Rhône, derrière se trouvent le 3e bataillon de l’Orne et, en arrière-garde, le 2e bataillon de l’Orne.
A onze heures, la colonne s’ébranle et commence sa marche. Les hommes sont exténués mais tout le monde obéit. A dix km d’Authon un tambour battant les alerte. Les soldats aperçoivent les feux d’un incendie dans un village peu éloigné, puis, à droite, des feux de signaux. Ils se remettent en marche jusqu’à ce que, à deux km de Souancé, un habitant affolé arrivant en voiture les arrête, 1500 soldats sont dans le bourg, mais quels soldats ? L’homme est devenu fou. Alors l’avant-garde presse le pas sur Souancé et y trouve, non pas l’ennemi, mais les mobiles du commandant de Clinchamp qui partent pour Nogent.
Ils y arriveront le lendemain, vers cinq heures et demie du matin.
Pendant que le lieutenant-colonel des Moutis tentait de sortir ses troupes du bourbier de Thiron-Gardais, d’autres combats avaient lieu tout près. Rappelez-vous, le son du canon entendu par les troupes du lieutenant-colonel des Mouttis, au matin du 21.
Une ligne de défense française avait été installée le 19 novembre. Deux compagnies dirigées par le capitaine de Boynes sont à Bellomer, le bataillon de chasseurs à pied est à Vaux, le 4e bataillon de l’Orne est sur les collines qui commandent Pontgouin. Le bataillon du Finistère est dans la forêt de Montéco pour pouvoir marcher sur Fontaine-Simon ou la Madeleine-Bouvet. Le 1er bataillon de l’Orne doit reculer jusqu’à Champrond si la Loupe est perdue. Le lendemain, le commandant des francs-tireurs de l’Hérault, devant l’avancée ennemie, quittaient Bellomer en emmenant, sur ordre formel, sur la Loupe, les deux compagnies du capitaine de Boynes. Et il disparait. L’aile gauche de la ligne de défense est à découvert. Pour éviter d’être contourné, la ligne recule. Le bataillon du Finistère part pour Fontaine-Simon, avec l’ordre de renvoyer à Bellomer, les deux compagnies du capitaine de Boynes, s’il le rencontre !!! Il faut donner le temps aux troupes de passer la Loupe et gagner Bretoncelles.
Les hommes s’apprêtent au combat. Dans la forêt de Montéco, les barricades sont prêtes. Le bataillon de chasseurs à pied à La Fourche. Le 4e bataillon de l’Orne occupe Bretoncelles et celui du Finistère, la Madeleine-Bouvet. Tous les avant-postes et grand’gardes sont à trois km en avant, sur la lisière extérieure du bois, faisant face à l’ennemi. Ceux du 4e bataillon de l’Orne sont à Courvoisiers, au-dessus de la grande tranchée du chemin de fer et aux barricades qui coupent la route de la Loupe à Bretoncelles.
A la pointe du jour, le 21 novembre, vers six heures et quart, toute la ligne de défense française est attaquée. Malgré toute leur ardeur, les trois compagnies de Courvoisiers, sous les ordres du capitaine Mauger, ne peuvent arrêter longtemps la colonne prussienne qui descend la gorge en suivant la voie ferrée. Malgré les lourdes pertes que subissent les prussiens, leur colonne est si importante qu’elle ne s’arrête pas. Le combat dure jusqu’à neuf heures et demie.
Jugeant l’attaque de front trop meurtrière pour eux, les prussiens tentent de contourner les français et attaquent tous les petits postes français placés sur les crêtes. Repoussés par la violence de l’attaque et le surnombre des assaillants, ces derniers battent en retraite vers Bretoncelles. Le capitaine Mauger réussit à dégager ses hommes pour qu’ils atteignent le bourg. Dans le même temps, une violente attaque à lieu à la Madeleine-Bouvet, sur le bataillon du Finistère. Guillaume Yves Gaonnach, vingt-un ans, de Laz, mobile du Finistère, perd l’usage de son bras gauche après une plaie pénétrante de l’articulation par balle. Pierre Yves Le Moal, mobile du Finistère, reçoit une balle dans la cuisse droite.
A huit heures du matin, le chemin de fer amène des renforts. C’est le bataillon d’infanterie de marine, commandé par M. Herbillon, avec quatre pièces d’artillerie de montagne, sous les ordres du capitaine de Vauguyon. Ces troupes fraiches sont disposées dans le bourg, où les barricades viennent d’être achevées. La moitié du 4e bataillon de l’Orne est placée à gauche de Bretoncelles, pour défendre la vallée et la route de la Madeleine-Bouvet. L’autre moitié reste en réserve avec l’infanterie de Marine dont plusieurs compagnies sont déjà disposées en tirailleurs pour couvrir la ligne.
A droite, se trouvent les francs-tireurs de l’Hérault. Vers dix heures et demie, l’ennemi apparaît sur toutes les crêtes faisant face à Bretoncelles. L’attaque commence sur le chemin de fer, à la barricade de la gare défendue par une compagnie d’infanterie de marine de 250 hommes et par deux obusiers de montagne.
A onze heures, le bataillon du Finistère, repoussé de la Madeleine-Bouvet, sur Rémalard, arrive par le route du Libéro , suivie de près par une colonne ennemi venue de la vallée de Moutiers-au-Perche.
Jusqu’à midi et demi, le combat est général, des canons de gros calibre prussiens appuient leur attaque et bombardent Bretoncelles et la gare.
A deux heures et demie, les prussiens concentrent leurs efforts sur Bretoncelles. Les pertes françaises deviennent sensibles : quatre officiers sont grièvement blessés et deux cent vingt hommes hors de combat. Au 4e bataillon de l’Orne, deux officiers sont blessés, dont un si grièvement qu’il ne pourra être évacué et trente-deux hommes sont tués, autant sont faits prisonniers. Le sous-lieutenant Camille Dufour de la Thuillerie, vingt-deux ans, des mobiles de l’Orne, est atteint à l’épaule par un coup de feu. Les munitions commencent à manquer pour répondre aux quinze mille prussiens. Il faut reculer.
Trois compagnies de chasseurs à pied sont déployées en tirailleurs près du cimetière pour couvrir la retraite.
Une nouvelle fois, les francs-tireurs de l’Hérault vont faire défaut, découvrant le flanc gauche des défenses de la Fourche et quittant le combat, cette fois, on ne les reverra plus. Le commandant de la Ferronnays les remplace par une compagnie de chasseurs à pied puis par le 4e bataillon de l’Orne. Antoine Luçon, soldat au 8e chasseurs à pied, reçoit un coup de feu dans l’omoplate gauche qui fracture l’épine. Octave Baron, garde mobile de l’Orne, est blessé à la cuisse gauche par un coup de feu. Emile Isidore Chauvin, vingt-cinq ans, natif de la Selle, gare mobile de l’Orne, est blessé à la main droite par coup de feu. Louis Pierre Macle, trente ans, mobile de l’Orne est l’humérus droit fracturé par un coup de feu. Malgré leurs efforts ils perdent la position et sont repoussés jusque dans Condé.
Le bataillon d’infanterie de marine, partis la veille de Cherbourg, sans manger, pour se retrouver au cœur des combats, réussit tant bien que mal à se reformer et partir sur Nogent par la voie ferrée. Le sergent Vigneron les suit, emmenant, à la force des bras, une pièce de montagne abandonnée par les francs-tireurs de l’Hérault. Le 4e bataillon de l’Orne et le détachement de chasseurs à pied part pour Bellême où ils arrivent à minuit, en passant par Nocé.
Aux combats de la Fourche, de la Madeleine et de Bretoncelles, dix-sept officiers sont hors de combat. Deux sont tués, le capitaine A Lefèvre, des mobiles de l’Orne, et le lieutenant E Brunet, du 9e bataillon de marche d’infanterie de marine, et trois décèdent de leurs blessures, le chef de bataillon des mobiles de l’Orne, LC Mathieu, le 21 décembre, le sous-lieutenant F Raygot, du même régiment, le sous-lieutenant AL Perrand du 10e bataillon de marche d’infanterie de marine.
A Belfort, les prussiens pillent les magasins de lainages et de chaussure. L’hiver promet d’être rude. A Bermont, l’instituteur est pendu. Le curé de Delle, un vieillard octogénaire, et celui de Fesche-l’Eglise, sont garrottés et exposés à une pluie battante.
L’ennemi continue à recevoir des renforts pour le siège. Il y a près de vingt-et-un mille hommes déjà arrivés.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 21 novembre 2020