Lorsque Jacques Elie Maillet épouse Joséphine Longueval, le 14 novembre 1837, à Neuvy, Loir-et-Cher, la vie semble belle. Six enfants vont naître à Neuvy, cinq garçons et une fille. Jacques Raphaël naît le premier, en 1838, suivi de Ferdinand, en 1841. La seule fille, Joséphine Désirée, apparait en 1845, suivie de Marcelin, le troisième garçon, en 1848.
En 1849, la petite Joséphine décède, sans atteindre ses quatre ans. L’année suivante arrive Joseph Alphonse, puis, le 1er octobre 1855, Onésime Théodore. Joséphine a quarante-et-un ans. L’accouchement s’est mal passé. Elle décède vingt jours plus tard. Le bébé lui survivra huit mois.
Jacques Elie se retrouve seul, à quarante-deux ans, avec quatre fils à élever, dont le plus jeune n’a que cinq ans. Pourtant, il attend 1860 pour se remarier. Il épouse sa belle-sœur, Silvine Isabelle Longueval, et ils doivent obtenir de l’empereur, une dispense pour affinité.
Quatre ans plus tard, les enfants ont grandi. Le deuxième fils, Ferdinand, se marie avec Louise Heliot, à Mont-près-Chambord. L’aîné, Jacques Raphaël se marie deux ans plus tard, toujours à Mont-près-Chambord, avec Estelle Besnard.
Puis vient le tour de Marcellin. Il épouse Marie Valentine Coffrant, le 9 novembre 1869, à Neuvy. En début d’année, il a tiré au sort pour la classe 1868, le numéro 103. Cela lui a évité le service militaire, mais pas d’être inscrit sur la liste de la garde mobile. Marcelin, fendeur à Neuvy, est bon pour le service.
Et la guerre est déclarée.
Le 17 août 1870, Marcelin rejoint le 1er bataillon, 1ère compagnie de la garde mobile. Sait-il qu’il va être père sept mois plus tard ?
Le 13 octobre 1870, son frère, Joseph Alphonse, pas encore vingt ans, doit être incorporé au 9e de ligne. Pourtant, il rejoint la garde mobile du Loir-et-Cher et intègre le même bataillon et la même compagnie que son frère Marcelin.
Le 8 février 1871, Marie Valentine est enceinte jusqu’aux yeux, comme le dit l’expression consacrée. Sur le point d’accoucher, elle est dans l’impossibilité de gagner sa vie et a absolument besoin des secours alloués par le gouvernement, aux femmes des soldats partis après leur mariage. Le maire adresse une demande dans ce sens, indiquant qu’elle ne peut attendre aucune aide de la part de sa famille.
Une aide lui est bien allouée, mais elle doit se déplacer à Blois pour la recevoir. Une fois encore, le maire écrit à sa place. Sa grossesse est trop avancée pour qu’elle fasse le voyage. Il demande que sa voisine, Prudence Rimbert, femme Coupeau, puisse recevoir l’argent en son nom.
Cela fait plusieurs mois qu’elle n’a plus de nouvelle de son mari. Le 15 mars, elle met au monde une petite fille, Marie Marcelline. Elle n’a que vingt ans et ne sait pas où est son mari. C’est son beau-père qui déclare la naissance de la petite.
Joseph Alphonse est revenu de la guerre. Il ne sait pas où est son frère. Lorsque Marie Valentine fait une demande de secours auprès de la préfecture, son mari est indiqué « peut-être blessé » sans savoir où il est.
Le 12 mai, toujours par l’intermédiaire du maire de Neuvy, elle fait une demande de secours, la troisième puis une quatrième le 16 juin 1871 Elle ne peut toujours pas travailler, élevant seule sa fille. Son mari est toujours absent. Elle n’a toujours aucune nouvelle, depuis les combats autour d’Orléans, bien que la guerre soit terminée. Pire encore, plusieurs de ses camarades de la garde mobile lui ont dit qu’il avait été blessé.
Où est Marcelin ? Que lui est-il arrivé ?
1873, il faut que la situation administrative de Marie Valentine soit réglée officiellement. Une femme est sous la tutelle de son mari. Elle ne peut rien faire sans son autorisation et doit élever sa fille. Alors elle demande, en justice, une déclaration d’absence.
Et la justice aura les réponses que Marie Valentine n’a pas pu obtenir.
Le 2 décembre 1870, à la bataille de Loigny, vers deux heures du soir, Marcelin a eu la jambe emportée par une obus. Grièvement blessé, il a été transporté dans une grange. C’est probablement là qu’il est mort. De sa blessure ? Ou pire encore ? La grange a été incendiée et son corps n’a jamais été retrouvé, ou du moins identifié.
Le 12 mars 1873, le tribunal civil de Blois le déclare décédé ce jour-là. Le jugement sera inséré au journal officiel et sera définitif, un an après l’insertion.
Et la vie continue, mais Marie Valentine n’élève pas sa fille. Elle la confie à ses beaux-parents, qui vont l’élever jusqu’à son mariage.
Pourtant, Marie Valentine ne refait pas sa vite tout de suite. Elle rencontre Pierre Simon Falgayrette, un coiffeur natif de Rodez, qui vit à Blois. Le jugement du 13 mars 1873 a-t-il été insuffisant ? Marcelin n’a toujours pas d’acte de décès, et pour se remarier, Marie Valentine en a besoin.
Cette fois, c’est le tribunal civil de Châteaudun qui va suppléer à cette absence. Le 22 juin 1877, l’omission de cet acte va être réparée. Par l’entremise d’Henri Lemaignen, juge au tribunal de Blois, qui mène l’enquête, il est déterminé que vers deux heures du soir, au combat de Terminiers, Marcelin, grièvement blessé par un éclat d’obus à la jambe, a été transporté sur un tas de paille et adossé à des bâtiments qui ont pris feu quelques instants après, sans que personne n’ait pu lui porter secours.
Le jugement lui servira d’acte de décès et sera retranscrit dans les registres de décès de Terminiers.
Cela ne fait que sept ans que la guerre est finie, pourtant, la bataille qui a eu lieu à Loigny s’est transformée en bataille de Terminiers. Il est vrai que Terminiers n’est pas si loin. Patay non plus. Quand Marcelin est-il mort ? Le 2, à la bataille de Loigny ? Ou deux jours plus tard ? à la bataille de Patay ? Sur le registre des gardes mobiles, il est indiqué « blessé le 4 et porté disparu à la bataille de Patay ». Mais est-ce réellement important ?
Marie Valentine se remarie le 28 août 1878, à Blois, avec Pierre Simon Falgayrette. Ils ont vingt-sept ans tous les deux. Le début d’une nouvelle vie.
Mais le sort s’acharne sur elle. Le couple va avoir cinq enfants, à Blois, quatre filles et un garçon. Trois vont mourir en bas-âge. Et Marie Valentine va de nouveau se retrouver veuve. Son mari décède en 1884, à l’âge de trente-trois ans.
Sa fille, Marcelle, femme de chambre à Paris, décède en 1900, à l’âge de vingt-deux ans. Il ne lui reste plus que Georges Alexandre et Marie Marcelline.
La fille de Marcelin, grandit à Neuvy, chez ses grands-parents paternels. D’abord seule avec eux, elle est rejointe par sa cousine Alfreda Ernestine, de six ans plus jeune. Puis elle se marie, le 12 novembre 1899, à Neuvy, avec Arthur Eugène Desaintloup. Le couple s’installe à Mont-près-Chambord où naissent deux fils, Marcel Arthur, en 1889, et Robert, en 1892.
La guerre lui a pris son père, avant même sa naissance. Elle lui prendra son fils, Robert, tué en 1915, dans le Pas-de-Calais.
Sa mère est revenue vivre à Neuvy où elle décède, le 4 juillet 1929.
Marie Marceline décède le 29 mars 1962, à Saint-Claude-de-Diray, à l’âge de quatre-vingt-onze ans.
Un grand merci à Alexis D. des AD 41 pour son aide malgré le confinement.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 14 novembre 2020