A Paris, les troupes françaises effectuent une reconnaissance, partie du fort de Charenton sur Créteil. Dans la ville, le scorbut fait son apparition à la maison de correction de la rue de la Santé. Il y a toujours des incendies à Saint-Cloud.
Dans l’Aube, un violent engagement à lieu sur Nogent-sur-Seine. Le sous-lieutenant Désiré François Marie Duno, 25 ans, natif de Guilliers, Morbihan du 84e régiment provisoire, mobiles du Morbihan et de l’Indre, est blessé. Il est amputé du bras gauche après fracture de l’avant-bras par coup de feu.
Aux corps francs, le capitaine Hippolyte Alphonse Ernest Mallet, vingt-neuf ans, natif d’Issengeaux (Haute-Loire), capitaine aux chasseurs républicains de la Loire, est blessé à la cuisse droite par coup de feu. Louis Marie Mauny, vingt-et-un ans, natif de Cocoret, garde mobile du Morbihan a le coude et le radius droits fracturés par balle. Mathurin Pierre Pinson, mobile du Morbihan, est blessé à la main par un éclat d’obus. Julien Marie Raulic, mobile du Morbihan a le coccyx fracturé par un coup de feu. Mathurin Allio, vingt-et-un ans, natif de Noyal-Pontivy, mobile du Morbihan est amputé de la jambe droite après une fracture par coup de feu.
A Metz, le général Changarnier demande au prince Frédéric-Charles un armistice et l’autorisation, pour l’armée, de se retirer librement en Algérie, ce qui est refusé. L’état-major semble prêt à abandonner la ville.
Dans la Somme, après l’attaque d’une douzaine de uhlans par des tirailleurs havrais, les allemands reviennent en force. Avertis, les tirailleurs du Nord, et du Havre, quarante-quatre hommes, viennent occuper la plaine entre Heudicourt et Longchamp, au hameau de Bifauvel, à la ferme d’Entre-deux-Boscs et dans le bois Lesueur. Les allemands sont près de 1 000. A onze heures et demie, le jeu du chat et de la souris commence. Les allemands ont mis en place deux pièces d’artillerie à hauteur de Disque, sur la route de Gisors, et tirent sur le village. Une ferme et deux chaumières sont incendiées, dont celle de Félicité Soyer, dont la maison est traversée par un obus, et celle des époux Blainville. Puis les uhlans s’élancent. Pendant trente-cinq minutes, sous une pluie battante, les francs-tireurs résistent et se replient sur Morgny. Le caporal Koechler est tué et les tirailleurs Poussy et Florin sont blessés. Ils sont soignés à l’ambulance des tirailleurs havrais. Malheureusement, la population paye le prix de cette attaque. Un obus tue deux habitants au Vieux-Château, un qui garde ses vaches et un qui gaule ses pommes. Un petit miracle pourtant épargne une petite fille de trois ans, dont le tablier est coupé par un éclat d’obus qui ne lui fera aucun mal. Un autre obus a traversé les murs d’une maison, éclatant au-dessus du lit sans faire de victimes.
En Eure-et-Loir, à Yèvres, 8 à 10 000 bavarois et prussiens occupent la commune. 25 à 30 000 français, sous les ordres du général de Sonis, venus de Donnemain-Saint-Mamert, pas les routes de Châteaudun et Varize, engagent le combat. Il durera plus de trois heures. L’ennemi, délogé de ses positions, doit se retirer du côté de Mottereau. Mais les français repartent après le combat, laissant le champ libre aux prussiens qui reviennent dès le lendemain et exerce des représailles contre la population qui a déjà souffert des bombardements, français cette fois.
Dans le Loir-et-Cher, à la lisière de la forêt de Marchenoir, la compagnie des francs-tireurs de Saint-Denis, trente-huit hommes, sous les ordres du commandant Louis Fortuné Liénard, est en avant-postes de l’armée de la Loire qui se rassemble sur le secteur. Elle entreprend des coups de mains contre les prussiens depuis plusieurs jours, appuyée par une compagnie d’infanterie de ligne. Depuis le 24, ils sont à Binas.
Mais les prussiens se mettent en embuscade. Ils attendent que la compagnie d’infanterie de ligne parte et que les francs-tireurs soient seuls. Un espion les a renseignés. Il sera convaincu de trahison, jugé en cour martiale et fusillé. Les francs-tireurs s’attardent à Binas, dans les cabarets. Lorsqu’ils reprennent la route pour rallier Autainville, avant la nuit, ils se retrouvent en terrain découvert. Alors qu’ils sont à mi-chemin, les cuirassiers blancs fondent sur eux. Les francs-tireurs se battent jusqu’au bout. Mais ils n’ont que des carabines Minié, qui se chargent par la bouche. Une fois épuisées leurs cartouchières, sans baïonnettes, ils utilisent leurs carabines comme masse mais finissent par succomber sous le nombre et les sabres des cuirassiers.
Sur les trente-huit francs-tireurs, quatorze sont tués, dix-neuf blessés et quatre faits prisonniers. Un seul est indemne.
Jules Etienne Pierrat, vingt-six ans, natif de Bussy-Lettrée, Marne, franc-tireur de la compagnie de Seine-et-Marne est blessé de plusieurs coups de feu. Il perd l’usage de l’œil droit après un coup de sabre. Il recevra la médaille militaire.
Le lieutenant Henri Stiévenard, des francs-tireurs de Saint-Denis, est blessé d’un coup de sabre à la main droite. Il perd un doigt et sa main s’atrophie.
Arsène Julien Joseph Bourgeois, dix-neuf ans, natif de Sainte-Geneviève-des-Bois, Loiret, a les tendons du poignet gauche sectionnés par un coup de sabre. Les blessés sont transportés à Marchenoir, à l’ambulance des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.
Le lendemain, l’armée de la Loire arrive, avec ses mobiles. Alors qu’ils gardent les abords de la forêt de Marchenoir, les mobiles de la Sarthe voient arriver, venant de Binas, deux chariots. Arrivés près d’eux, les hommes contemplent une horreur sans nom. Les deux chariots portent les cadavres de onze francs-tireurs, hachés de coups de sabre. Les têtes sont fendues, les épaules, les bras mutilés, les mains ont presque toutes des doigts coupés. Les corps sont trempés et couverts de boue, la pluie tombant sans discontinuer depuis plusieurs jours. Ils sont restés là où ils sont tombés, jusqu’à ce que les habitants, réquisitionnés, ramassent les corps et les emmènent dans leurs propres voitures. Rien ne les recouvre.
Les mobiles sont terriblement impressionnés par cette image d’une guerre qu’ils ne font que commencer. Ce sont eux qui vont creuser une grande fosse, dans le cimetière du village, où les corps des francs-tireurs vont être étendus, cote à cote. Mais où ? A Binas, aux mains des prussiens ? A Autainville, où sont les mobiles ? Peut-être. Aucune des deux communes n’a inscrit, dans ces registres de décès, la mort des francs-tireurs.
Dans la commune de Binas, le seul inscrit est un soldat de première classe du 37e régiment de marchand, de Toulouse, Talmier, retrouvé près du chemin de Binas à Autainville, au terroir de la Haute Borne.
En 1922, un rapport sur les tombes militaires de 1870-1871 dans les communes, indique que six corps allemands de la guerre de 1870 sont dans un ossuaire construit par l’état, au cimetière de Binas. A Autainville, il n’y a qu’un monument, dans le cimetière. Où sont-ils enterrés ? Les familles ont-elles repris les corps ? Sont-ils toujours là, dans la fosse creusée par les mobiles de la Sarthe ?
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 25 octobre 2020