A Paris, formation de bataillons mobiles de la garde nationale.
A cinq heures du matin, le 16 octobre, les éclaireurs de la Seine placés en embuscade à Créteil, sont attaqués par un peloton de prussiens qu’ils repoussent. Ils ramènent un prisonnier au fort de Charenton.
Le général Berthaud place, en avant de Colombe, une partie de sa brigade avec huit pièces d’artillerie pour tirer sur les ouvrages construits par l’ennemi, au pont d’Argenteuil. A deux km, quelques-uns de leurs obus tombent sur les retranchements prussiens. Une batterie ennemie placée en urgence dans les vignes d’Argenteuil, est la cible, en réponse, de la batterie de Courbevoie qui force l’ennemi à se retirer.
A Soissons, c’est la fin de trois semaines de siège. Le colonel de Noue est effondré. Il a dû céder devant les réalités des stocks de l’arsenal et les supplications des habitants. Pourtant, il n’a aucun déshonneur. Soissons n’est tombée qu’après une défense héroïque. L’ennemi, supérieur en nombre, mieux armé, a infligé de lourdes pertes à la garnison et entamé les remparts en y ouvrant une brèche de trente-cinq mètres de large. Mais cela ne console pas le vieux militaire. A huit heures du matin, le dernier officier d’artillerie encore en état, le lieutenant Josset, vient informer les artilleurs que c’est fini. Après des jours de combats acharnés et de sacrifices, leur réaction est un refus catégorique. Il faut toute l’autorité de leur commandant pour qu’ils acceptent cette décision. Les armes sont brisées, les munitions détruites, les canons encloués. Les mobiles du Nord sont dans le même état d’esprit.
Suivant la reddition, les hommes doivent se préparer à partir, avec quatre jours de vivres. Ils savent qu’ils vont partir pour l’Allemagne, prisonniers. Beaucoup s’attaquent aux magasins d’état et vident les réserves d’alcool. C’est une troupe passablement désorganisée et parfois ivre, qui sort de Soissons, par la porte de Reims, à trois heures de l’après-midi. Les officiers rentrent en ville, après le départ des soldats, excepté le lieutenant Josset qui va faire, avec eux, une grande partie de la route vers la captivité.
Le sort des mobiles du Nord est différent. Après leur avoir signifié qu’ils n’ont plus le droit de prendre les armes contre l’Allemagne, ils sont libérés. Mais, une fois libres et rentrés dans eux, beaucoup vont s’enrôler et retourner combattre.
Au moment où les allemands vont entrer dans la ville, une violente explosion se produit du côté du bastion 3. Il ne s’agit pas d’une attaque, ni d’une révolte d’artilleurs, mais d’un malheureux accident. Des enfants ayant trouvé un obus, se sont mis à jouer avec. Il leur a explosé dans les mains, les tuant sur le coup. Ils sont dernières victimes du siège. Dix-sept habitants ont été tués durant les bombardements.
Pendant ce temps, la colonne de prisonniers s’avance vers Oulchy-le-Château, où elle doit passer la nuit. En traversant les bois Saint-Jean, entre Hartennes et Oulchy, la nuit est presque complète. Elle sera la complice de l’évasion massive des soldats français. Le maréchal des logis Pottier, bouscule le soldat prussien qui est à ses côtés, et saute dans les bois en criant « sauve qui peut ». C’est le signal. Une grande partie des français se précipitent à sa suite. Les soldats prussiens se mettent en rang et ouvrent le feu. Plusieurs fugitifs tombent, mais, dans la panique générale et l’obscurité, six cents prisonniers environ s’échappent. Ils sont recueillis par les habitants des villages voisins qui les habillent en civil et les font passer en zone non occupée.
Ceux qui n’ont pas réussi à s’échapper, ou n’ont pas osé, se sont jetés à terre pour éviter les balles. Une douzaine de français et autant d’allemands tombent, tués ou blessés. Un cheval de l’escorte est tué. Les cinq blessés français sont transportés à Oulchy, ainsi que les morts qui y sont inhumés. Les soldats qui ont péri lors de l’évasion sont Adonis Ferdinand Goigart, vingt-cinq ans, époux de Catherine Marguerite Demarly, Aimé Louis Joseph Boucher, vingt-trois ans, Valentin Victor Locheron, vingt-trois ans, Clovis Boucher, vingt-et-un ans, Joseph Durin, vingt-trois ans, Arthur Lemort, vingt-deux ans, tous gardes mobiles de la garnison de Soissons. Le 7 novembre, l’un des blessés, Charles Louis Joseph Delabel, garde mobile en garnison à Soissons, succombe à ses blessures, à l’hospice d’Oulchy.
De peur qu’il y ait d’autres évasions, les prussiens ne font pas entrer la colonne de prisonniers dans le village. Ils les parquent dans un champ, sous la pluie. A quatre heures le lendemain, ils repartent pour Château-Thierry, dernière étape avant l’Allemagne. Entassés dans les églises et les établissements publics, d’autres vont réussir, à s’échapper. Deux cents environ disparaissent dans la nuit.
Sur les lieux de la première évasion, dans le bois de Saint-Jean, les habitants accourus après le départ des prussiens, trouvent les cadavres de sept mobiles et trois blessés. Parmi les morts, un jeune mobile est retrouvé pendu à un arbre. Il a préféré la mort à la captivité.
Dans la citadelle, les officiers français qui ont signé l’engagement de ne plus combattre, quittent Soissons à leur tour, pour rentrer chez eux. Mais, pendant ce temps, un grand nombre de sous-officiers et de soldats, qui s’étaient réfugiés à Soissons après la capitulation de Sedan, réussissent à quitter la ville, sous divers déguisements.
Les officiers qui ont refusé de signer l’engagement, une trentaine dont le lieutenant Josset, partent à leur tour, en captivité.
Après la guerre, la commission d’enquête va sanctionner sévèrement de Lieutenant-Colonel de Noue pour avoir accepté la reddition. Pour elle, il n’y avait pas eu assez de morts pour justifier la reddition et les trente-cinq mètres de brèches dans les fortifications n’était pas suffisants pour mettre la citadelle en danger. Il est déclaré impropre à exercer un commandement, à la stupéfaction et à la colère des habitants de Soissons. Le vieux soldat n’y survivra pas. Ce valeureux soldat à la carrière sans tâche mourra peu de temps après.
A Metz, le ban Saint-Martin n’est plus qu’une flaque d’eau et de boue au milieu de laquelle sont plantées les pauvres tentes de toile des soldats. Depuis huit jours, les ambulances reçoivent en moyenne 100 malades par jour et perdent une soixantaine de blessés.
Dans la région d’Orléans, une compagnie d’infanterie et un escadron de cavalerie prussiens détruit le chemin de fer d’Orléans à Tours, au niveau de Beaugency. Avec de la poudre explosive, ils font une coupure de neuf mètres de long dans le viaduc. En repartant, ils s’arrêtent à Baule où ils s’en prennent au maire de la commune, pillent et brulent sa maison avant de l’emmener prisonnier.
Dans la nuit du 15 au 16, cent cinquante francs-tireurs, avec les gardes nationaux de La Ferté et de Saint-Laurent-des-eaux, tendent une embuscade, dans les bois et les vignes au-dessus de Lailly. Ils attaquent une cinquantaine de cavaliers allemands. Un des cavaliers bavarois est capturé et conduit à Blois. Dans l’après-midi, les allemands reviennent à Lailly, avec deux escadrons de cavalerie et une section d’artillerie, menaçant de brûler le village. Le maire est emmené prisonnier à Orléans, mais y sera aussitôt relâché.
A Bitche, toujours assiégée, certains contingents prussiens partent pour grossir les rangs des assiégeants de Metz. Pendant ce temps-là, dans la citadelle, les hommes sont au travail. Le capitaine qui commande l’artillerie fait construire des gabions, des traverses et des magasins à poudre blindés, pour chaque batterie. Les soldats déploient des efforts inouïs et des trésors d’imagination pour protéger et renforcer leurs positions. Le capitaine commandant le génie installe des abris, nécessaires vu le climat et la saison. Quelques fourgons de marchandises restés en gare sont amenés dans la ville. Des escouades de travailleurs font dérailler ces wagons, les traînent jusqu’à la porte de Wissembourg puis au camp où ils vont servir de logement aux troupes, à la place de leurs petites tentes. Pour palier à l’absence de communication protégée entre la partie principale du fort et le bastion où se trouve l’ambulance, une galerie de quarante-cinq mètres de long est taillée dans le roc. Tout le monde met la main à la pâte. Des soldats d’infanterie deviennent mineurs, un métallurgiste des environs, M. de Joannis, introduit dans la place l’acier pour forger l’outillage manquant. Le capitaine Morlet emploie le 27e de ligne à creuser des trous-de-loups, tailler des abatis, élever des palissades. Bitche est une véritable fourmilière active qui se prépare à subir un nouvel assaut des prussiens.
Soissons est tombée, Bitche et Metz résistent toujours.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 16 octobre 2020