• Description

METZ-prefecture

Ce 26 août 1870, en dehors des forts assiégés, il y a quelques escarmouches aux avant-postes de Metz. Le colonel Delebecque, du 51e de ligne, est blessé à Lauvallière. Le sous-lieutenant Clerc, du 84e de ligne est blessé aux avant-postes.

Léon Strintz, caporal au 110e de ligne est blessé à l’épaule gauche par coup de feu, à Moulineau. Antoine Courtieu, de Saint-Christol, dans le Gard, soldat au 84e de ligne est blessé par balle au château du Colombey, au niveau de la clavicule droite.

Prosper Séverin Hache, soldat au 75e de ligne, a le pied fracturé par un coup de feu, et Henri Louis Huet, de Valognes, Manche, soldat au 75e de ligne, a la main fracturée par un coup de feu, aux avant-postes de Metz.

Mais ce jour-là, aussi, 26 août 1870, à quatre heures du soir, Jean Baptiste Thiery, vingt-quatre ans, et Léon Koeller, vingt-et-un ans, tous deux gardes mobiles, se présentent à la mairie de Metz. Ils viennent déclarer les vingt-six morts militaires de l’avant-veille et de la veille, dans les ambulances :

Ambulance de l’île chambière :

  • Meyer, 75e d’infanterie,
  • Michel Farbes, 51d’infanterie,
  • Louis Joseph Tieulin, 97e d’infanterie,
  • Louis Hippolyte Ernest Thuault, 28e d’infantarie,
  • Alfred Armand, 51e d’infanterie,
  • Jean Nicolas Cuny, 4e escadron des guides de la garde impériale,
  • Jean Baptiste Cazet, vingt-six ans, de Périgueux, 1er régiment d’infanterie,

Ambulance du Palais

  • Philibert Farget, 93e régiment d’infanterie,

Ambulance de la manufacture des tabacs

  • Jean Marboutin, vingt-deux ans, né à Viam, Corrèze, 88e régiment d’infanterie,

Hôpital militaire

  • Vigneau, capitaine au 65e régiment d’infanterie
  • Vigier, chef d’escadron au 1er régiment d’artillerie, chevalier de la légion d’honneur,
  • Hergault, sapeur au 1er régiment du génie,
  • Aimable Joseph Duvivier, vingt-trois ans, de Lille, 70e régiment d’infanterie,
  • Auguste Thirion, 1er régiment du train d’artillerie,

Ambulance de la caserne Coislin

  • Sentenet, 12e bataillon de chasseur,
  • Dubois, 2e régiment de grenadiers de la garde impériale,

Ambulance de l’île du Saulcy

  • Lamafrée, canonnier au 18e régiment d’artillerie,
  • Dubreuil, soldat au 66e, Rivière, soldat au 94e régiment d’infanterie,
  • Pierre Démeaux, vingt-sept ans, de Saint-Etienne, en Dordogne, soldat au 93e,
  • Gaudin, soldat au 3e régiment de grenadiers de la garde impériale,

Ambulance de la caserne Chambière

  • Kolb, sergent au 71e, Cambronne, soldat au bataillon de chasseurs à pied de la garde impériale,

Ambulance de la caserne du génie

  • Felix Devanlé, soldat au 62régiment d’infanterie,
  • Marie Bureau, soldat au 81e régiment d’infanterie,
  • Jean Lerandour, soldat au 71e régiment d’infanterie,
  • Philippe Lencoux, soldat au 90e régiment d’infanterie,

Les renseignements sont succincts.

C’est le deuxième jour que Jean Baptiste Thiery et Léon Koeller font cette macabre déclaration. Ce ne sera pas le dernier. Pendant soixante-six jours, jour après jour, tous les soirs, ils vont se faire la voix des morts.

Jusqu’au 28 octobre, jour de la reddition de la ville de Metz, ces deux jeunes hommes vont déclarer 3 782 décès dans les ambulances, décès d’hommes de leur âge, de jeunes, morts de leurs blessures.

Imaginez cette litanie de morts qu'ils ont du énoncer, jour après jour. Les listes les plus longues, ont été faites le 11 septembre avec 138 morts, et le lendemain, avec 128.

Il n’y a pas de déclaration de décès de militaire dans les ambulances, le 29, dans les registres de la commune. Elles reprennent le 30 et sont faites par des infirmiers des ambulances, puis des membres du personnel de l’hôpital. Que sont devenus Jean Baptiste et Léon ?

Ont-ils réussi à fuir, rejoindre leurs familles, rejoindre d’autres combats ? Ou ont-ils fait partie des convois interminables de prisonniers envoyés en Allemagne ?

J’ignore s’il s’agit du même, mais j’ai retrouvé un Léon Koeller, né le 6 septembre 1849 à Metz (l’âge correspond), qui a opté pour la nationalité française, en 1872. Il vit à Paris, où il épouse Marie Alexandrine Chassaniol, en 1878.

Je n’ai pas encore retrouvé la trace de Jean Baptiste Thiery. A-t-il survécu à la guerre ?

Étrange mission que ces jeunes mobiles ont assumé : pendant soixante-six jours, ils ont été, la voix des morts.

Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 26 août 2020