Lorsque le 9e de ligne quitte Blois, il laisse, derrière lui, 600 hommes chargés d’assurer la sécurité de la haute cour de justice qui se tient dans la ville, dans la salle des états généraux, du château.
Depuis le 18 juillet 1870, la Haute cour de justice siège à Blois, salle des Etats-Généraux, du château de Blois. Cinquante-quatre citoyens sont jugés, accusés de complot contre la sûreté de l’Etat et contre la vie de l’empereur. Ils comparaissent devant la Haute-Cour de justice présidée par M. Zangiacomi. Le procureur général Grandperret siège à sa droite, Près de lui se trouvent Dupré Lasale, premier avocat général. Mais les français sont plus préoccupés par ce qui se passe aux frontières et par le sort des leurs jeunes hommes partis combattre, que par ce procès.
Parmi les accusés figure Edmond Megy. Alors que des policiers se rendaient chez lui, pour procéder à son arrestation, il a ouvert le feu sur le magistrat, Dorville, le ratant mais tuant l’inspecteur Mourot, d’une balle dans la tête. Mourot avait trente-deux ans. Ancien zouave de la garde, il était marié et père depuis peu. Dans la chambre de Megy, de nombreuses pièces à conviction ont été saisies, le liant au complot visant à renverser le gouvernement. Agé de vingt-six ans, il est mécanicien, issu d’une famille très honorable d’ouvriers-bourgeois. Comme son père, il travaille à l’usine Gouin Il avait une conduite exemplaire, jusqu’à ce qu’il fréquente des réunions publiques forgeant chez lui, des opinions politiques extrémistes, le brouillant avec son père.
A Blois, la foule des premiers jours s’éclaircit à mesure que le procès avance et que la chaleur accable le tribunal. Les accusés tombent malade les uns après les autres. Dans les pièces à conviction figurent des bombes. M. Roussin, professeur de chimie à l’Ecole impériale du Val-de-Grâce fait une démonstration, en plein tribunal, des effets de ces bombes composées de prussiate de potasse mêlé au chlorite de potasse. Ces fameuses bombes étaient dans un sac en toile grise remise à Roussel, accusé en fuite. Le témoignage du concierge de sa maison, Pierre Tourman, est donné le 26 juillet 1870. Les accusés se défendent, il s’agissait de pièces pour les vélocipèdes. De fait, les bombes étaient fabriquées avec des pièces servant à ces fameux engins de circulation.
La guerre, la chaleur, le nombre d’accusés et de témoins rendent ces débats longs et pénibles. A l’échelle nationale, le public montre peu d’intérêt. Les blésois, en revanche, ne manquent pas ce spectacle inhabituel, et les meilleures places sont prises d’assaut dès l’ouverture du tribunal. La place manque et les bancs des témoins, restés vides, sont laissés aux curieux.
Le 29 juillet 1870, l’avocat général, Dupré-Lasalle, fait son réquisitoire. Il soutient la culpabilité de tous les accusés, et fait un chapitre à part pour l’accusé Megy, meurtrier de l’agent de police Mourot.
Le 8 août, les condamnations pleuvent :
- Megy Edmond Léon Guillaume, mécanicien, 26 ans, 20 ans de travaux forcés pour homicide volontaire, il quitte Blois le 26 août pour Toulon,
- Dupont Jean Martial, employé au crédit foncier, 29 ans, 15 ans de détention, pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 16 août pour Tours,
- Fontaine Jules Léon, professeur à Paris, 53 ans, 15 ans de détention, pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 16 août pour Tours,
- Sappia Henri, homme de lettre, 36 ans, 15 ans de détention, pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 17 août pour Paris,
- Grommier Martin, journaliste, 28 ans, 5 ans de prison et 50 francs d’amendes, pour coupable à commettre un attentat contre la vie de l’empereur, quitte Blois le 17 août pour Beauvais,
- Guérin Laurent Marie, 54 ans, marchand de vin, 15 ans de détention pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 16 août, pour Tours,
- Petiau Hygie, artiste peintre, 28 ans, 5 ans d’emprisonnement pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le17 août pour Beauvais,
- Greffier Joseph, 47 ans, porcelainier, 15 ans de détention pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 16 août pour Tours,
- Beaury Camille Hippolyte, 22 ans, soldat au 7e de ligne, 20 ans de détention pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 16 août pour Tours,
- Pellerin Gilles, homme de lettre, 23 ans, 5 ans d’emprisonnement, pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 17 août pour Beauvais,
- Grenier François, 55 ans, mécanicien, 15 ans de détention pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le et Greffier à quinze ans, quitte Blois le 16 août pour Tours,
- Letouze Eugène Nicolas, 52 ans, mécanicien, 5 ans de détention pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 16 août pour Tours,
- Lerenard Jules Antoine, 49 ans, mécanicien, 5 ans de détention pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 16 août pour Tours,
- Ballot à cinq ans de prison, ayant bénéficié de circonstances atténuantes,
- Dereure Simon, 31 ans, gérant du journal « le Marseillais », 3 ans de prison pour avoir, dans un mouvement insurrectionnel, à l’aide de violence et de menaces, empêché la convocation et les réunions de la force publique, quitte Blois le 17 août pour Beauvais,
- Godineau Charles François Antoine Edmond, 40 ans, rédacteur au ministère des travaux publics, 5 ans de prison, pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 17 août pour Beauvais,
- Moilin Tony Jules Antoine, 37 ans, docteur en médecine, 5 ans d’emprisonnement pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 17 août pour Paris,
- Ballot Jules Aimé, 36 ans, rentier, 5 ans d’emprisonnement pour complot contre la sureté de l’Etat, quitte Blois le 17 août pour Paris,
- Verdier Pierre, 30 ans, comptable, est acquitté à titre de révélateur.
- Garreau Maurice, serrurier, 23 ans, Ramet Charles Antoine, comptable, 27 ans, Ferret Théophile, comptable, 24 ans, Jolly Auguste, forgeron, 31 ans, Emile et Henri jean Villeneuve, frères, respectivement docteur en médecine et étudiant en médecine, de 31 et 24 ans, Jean Derin dit Drain, 37 ans, tourneur sur métaux, Vitet Jules Alexandre, 44 ans, cloutier, Cournet Constant, 32 ans, journaliste, Chassaigne Ernest Frédéric, 32 ans, chauffeur, Arquillière Geoffroy, 50 ans, modeleur, Benet Louis, 31 ans, mouleur en fer, Paquelin François, 35 ans, journalier, Bourquin Léon Alexandre, 32 ans, menuisier , Mabille Charles, 58 ans, peintre en bâtiments, Meusnié Edouard, 39 ans, potier, Cellier Charles, 40 ans, pâtissier-confiseur, Rondet Victor, 31 ans, menuisier, Clacys Théodore, 40 ans, épicier fruitier, Notrel Adam, 21 ans, maçon, Prost Brice, 38 ans, mécanicien, Bailly Emile Louis, 27 ans, employé de commerce, Jarrige Alphonse, 29 ans, cordonnier, Lyon Charles Louis, 36 ans, coiffeur, Bertrand Pierre, 30 ans, chapelier, Penigot Eugène, 19 ans, bijoutier, Launay Victor, 24 ans, boulanger, Biré Felix, 33 ans, chaudronnier, Blaizot Ernest, polisseur, 17 ans, Laygus Alfred, 17 ans, doreur, Bedin Théodore, 19 ans, tourneur, Carme Joseph, 19 ans, fleuriste, Ochs Jacob, 28 ans, mécanicien, Berger Laurent, 37 ans, élagueur, Bayol Jean, 31 ans, Ruisseau Michel, 37 ans, cordonnier, sont acquittés et libérés le jour-même
Le 9 août, les dernières condamnations tombent : Yat est condamné par contumace, à 6000 francs d’amende de cinq ans de détention, Flourens, Bologne et Debeaumont sont condamnés à la déportation dans une enceinte fortifiée, les autres à la déportation.
Et pendant ce temps-là, la guerre ………. Qui mettra un terme à l’empire, chose souhaitée par ces accusés. Cela ne suffira pas à Jean Martial Dupont. Après les évènements de la Commune, il sera condamné le 26 juillet 1872, à Versailles, à la peine de mort commuée en travaux forcés à perpétuité et envoyé en Nouvelle-Calédonie. Sa peine sera une nouvelle fois commuée et il rentrera en France, le 6 avril 1880.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 26 juillet 2020