Oui, je sais, nous sommes le dernier jour du mois et je n'ai pas encore fait le challenge Upro-G. Le comble puisque c'est moi qui ait choisi le sujet !!! Mais voilà, j'arrive.
De quoi vais-je bien vous parler ? Pas d'histoire particulière aujourd'hui sur cette guerre, préambule à 14-18. Non, je vais vous parler statistiques.
J'ai déjà abordé le cas des mobiles (les moblots) : pratiquement pas entraînés, mal équipés, mal dirigés et expédiés au front, comme l'armée de ligne. Pour bien comprendre ce qu'est un mobile, j'ai choisi d'étudier la classe 1869 du Loir-et-Cher et surtout, la bataille de Loigny.
Un mobile, c'est un jeune de vingt ans qui a échappé au service militaire et qui, bien portant, a été inscrit sur un registre, celui de la garde mobile, pour le cas où. Il n'a reçu aucune préparation militaire, jamais reçu d'ordre, jamais marché en groupe, jamais tué d'autre être humain.... et probablement jamais imaginé qu'il devrait le faire un jour.
Lorsque la guerre éclate, on les appelle, de la classe 1865 à la classe 1870, on les habille (mal), on les forme (trop peu de temps) et voilà, l'armée prussienne est déjà là. Ces jeunes du Loir-et-Cher vont se retrouver, du jour au lendemain, à faire face à l'invasion, non pas de leur pays, mais de leurs propres villages. Ils vont ramper, se cacher, dormir et manger dans les champs qu'au printemps précédent ils ont labouré et semé. Mais pas tous, car là encore, il y a des exceptions.
Sur les 1088 inscrits sur le registre de la garde mobile du Loir-et-Cher, classe 1869, 50 vont être réformés, 3 vont se faire remplacer, 5 vont être dispensés (4 employés des chemins de fer et un facteur), 81 vont être exemptés comme soutien de famille, un est en prison, et 10 ne se présenteront jamais. Au total, 13.8% des inscrits ne feront pas la guerre (mais ils la subiront quand même).
Pour les 86.2 % restant, 938 hommes, le sort va être divers :
121 vont être blessés (12.8%) dont 2 vont partir prisonniers en Allemagne, 25 vont retourner dans leur foyer se faire soigner.
85 vont mourir (9 %) dont 9 seront tués à l'ennemi, 7 vont mourir en captivité, 64 vont décéder de leurs blessures à l'ambulance ou à l'hôpital, 5 vont mourir chez eux.
72 vont être expédiés prisonniers en Allemagne (7,6 %)
20 vont être portés disparus, jamais retrouvés (2.1 %)
Évidemment, cela veut aussi dire que 68.9 % vont revenir vivant et "indemnes" de la guerre ..... sauf qu'un certain nombre de prisonniers vont mourir dans les mois qui suivent leur libération, de même que des indemnes vont attraper le typhus, affaiblis par la guerre, et en mourir.
Les mobiles du Loir-et-Cher vont connaître les batailles de l'armée de la Loire, les combats autour d'Orléans, jusqu'au Mans. L'une des pire fut sans conteste, celle de Loigny. Le 2 décembre 1870, l'armée de la Loire et l'armée Prussienne, vont s'affronter autour et dans un petit village d'Eure et Loir. Celui-ci en garde la trace avec ces monuments aux morts et son ossuaire, précurseur de celui de Douaumont.
Les combats sont effroyables et le froid achève les blessés abandonnés sur le champ de bataille.
Tout cela, ce n'est que du verbe................. quelle preuve a-t-on de ce massacre ?
Les chiffres tout simplement. Si je compare les pertes de la classe 1869 sur toute la guerre avec celles de la bataille de Loigny, les chiffres sont édifiants.
52% des blessés l'ont été à Loigny, 62% des prisonniers l'ont été à Loigny, 100% des tués à l'ennemi l'ont été à Loigny, 55% des disparus, l'ont été à Loigny.
Si l'on rapporte ces pourcentages à toutes les classes et tous les régiments de l'armée de la Loire qui ont combattu à Loigny, cela fait beaucoup de morts, de blessés et de disparus, pour un si petit village.
Mais ce ne sont que des chiffres ................... non, derrière chaque nombre, de 1 à 938, il y a un homme, dont on connait le nom, dont on connait la filiation, la date de naissance, la description physique. Ce ne sont pas des soldats inconnus.
Et pourtant, il y a des inconnus : 1200 soldats français sont dans l'ossuaire................ parmis eux, mes 9 tués à l'ennemi et mes 11 disparus. On connait leur nom, mais il n'est pas attribué à un corps. Ils sont redevenus inconnus.
Christine Lescène - Le Blog d'une Généalogiste - 28 février 2017